TERRIER, de l’ombre à la lumière
Musique - 30.9.2020
Révélé par les Inouïs du Printemps de Bourges, ce fan du FC Nantes, toujours un Bob sur la tête et un maillot sur les épaules, nous offre sa Traversée Punk, croisement de slam mélancolique et de pop en N&B. Libre et sans frontières (sauf quand on parle de foot).
Quand le landeronnais David Enfrein, alias TERRIER, arrive avec quasiment une heure de retard à notre interview à Bourges à l’occasion de sa prestation pour les Inouïs du Printemps (dont il a rejoint la promotion 2020, tout comme Danyl – relire notre portrait), trois médias et journalistes l’attendent déjà, micro à la main.
Pour un tout jeune artiste qui n’a dévoilé que deux morceaux à ce jour et présentant “un de ses premiers concerts post-confinement”, ça pourrait sembler un peu précipité. Pourtant, il n’y a qu’à écouter le travail de cet évadé punk, converti récemment dans le slam et débitant des hymnes à la voix écorchée (comme sa Traversée Punk) pour rapidement changer d’avis. Alors, que les fans inconditionnels du (feu) collectif FAUVE préparent leurs vocalises, il se pourrait qu’ils aient trouvé en lui leur nouvelle coqueluche !
Plus populaire que pop
Avec son uniforme, un bob Dickies de skater et un maillot de foot tricolore, Terrier résume assez bien l’âme qui habite sa musique : cool et populaire : “j’adore le foot, c’est un sport populaire où tu fais passer plein d’idées et de messages, même si je déteste le business qui l’accompagne, c’est dégueulasse, ça pue”. Quant à son profil instagram rayonnant de… N&B, il traduit très bien la sombre mélancolie qui lui colle au maillot : “je suis pas très couleur, désolée JULIEN GRANEL ! Après mon univers n’est pas entièrement dark, je suis porté par l’émotion de la mélancolie”.
Ce spleen urbain qui lui va si bien, il le doit à ce qu’il nomme non sans ironie son “déracinement vers un pays étranger où tout est un peu moins coloré”, comprendre son départ vers PARIS ! Confessant ses origines vendéennes et son AESD* pour le FC Nantes (“J’étais à leur dernier sacre comme Champions de France en 2001, je courais sur le terrain, j’avais 6 ans”), cet autodidacte fait ainsi ses débuts de musicien à la SMAC** de La Roche-Sur-Yon, au Fuzz’Yon : “ils étaient là au tout début à mes côtés !”
De Lustucru à Terrier
Ce n’est pourtant pas sur ses terres natales que le projet TERRIER prend forme, mais bien sur le tard, après des débuts professionnels comme Perchman, puis dans la musique à l’image :“je faisais de la perche sur des clips de pub ou de téléfilms”. Sur un tournage, David fait une rencontre déterminante avec celui qui deviendra son “meilleur pote, son coloc” et son alter égo : Tim Aknine. L’un s’est fadé 15 ans de conservatoire et de piano, quand l’autre est un pur jus anti-scolaire : ensemble ils signent des musiques de pub “pour le fun”, puis de plus en plus sérieusement, comme David nous le raconte non sans humour :
“Un jour, un de nos potes réalisateur, nous a proposé de faire une musique de pub pour LUSTUCRU Algérie. Personne n’avait de thune, ni ne voulait la faire. Nous, on était chaud, on a fait ça un dimanche, ça a plu. Puis, il nous ont rappelé mais avec du budget cette fois, et ça a pris…”
Après avoir tenté d’écrire des jingles pour les autres, David se met à écrire des chansons pop pour sa pomme… mais dans un format contraint par les rimes. Ce fan de rock anglais et de “truc bourrins”, réalise finalement que le slam lui va comme un gant : “ça me faisait chier les rimes, j’arrivais pas à écrire, ça me bloquait ces putains de pieds”. Enfin, TERRIER est né et trouve son terrain d’expression libre et sans frontières : plus de barrière, tout est ici mélangé, slam, hip-hop et pop : “et si j’ai envie de faire un gros refrain pop et bah je l’assume aussi”.
Retour à la scène
Après des mois de confinement à broyer du noir dans sa colocation parisienne, comme tout bon mélancolique qui se respecte (“J’ai commencé par un mois de dépression : je mettais Netflix et je restais dans mon lit”), David se fait secouer les puces par son entourage (“tout le monde m’a appelé”) qui le persuade de mettre en route son premier EP, l’enregistrant entre son domicile et le studio du producteur Robin Leduc.
Rapidement, le travail des dispositifs de découvertes que sont le Chantier des Francofolies de La Rochelle et les Inouïs du Printemps de Bourges vont redonner du baume au coeur à cette jeune scène émergente dont TERRIER défend avec vigueur les couleurs (enfin surtout sa trame de blanc, de gris et de noir) : “ils font partie de cet entourage qui m’a aidé à sortir la tête de l’eau car ils étaient là et ils ont pas lâché !”
Et si les Inouïs ont décidé de maintenir leurs concerts en cette rentrée, les Francofolies ont aussi offert à TERRIER la possibilité de remonter sur scène en juillet dernier, un retour non sans émotion forte :
“Les Francos, j’y allais quand j’étais gamin avec mes parents, alors ça faisait bizarre d’être là. J’avais envie de chialer quand je suis rentré sur scène, une sorte de boule d’énergie est sortie, j’avais envie de tout casser.”
Et celui qu’on a trop vite jugé du côté obscur de la force, conclut notre entretien les yeux plein d’espoir : “Ce qui est hyper encourageant et ce qu’on a pu voir à travers le confinement, c’est que dans le spectacle vivant, tout le monde a la peau dure.” Si on croise les doigts pour que cette industrie s’en remette un jour, pour Terrier, on ne s’en fait pas trop, plus rien ne semble le stopper, pas même la maison d’arrêt de Valence dans laquelle il jouera au lendemain de notre interview…
*AESD : Amour Eternel Sans Divorce (cette formule tombée tristement dans l’oubli au début des années 2000)
**SMAC : Salle des Musiques Actuelles (scènes nationales “tombées dans l’oubli” et à l’arrêt depuis le confinement)
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Abigaïl Aïnouz