Les temps forts du festival Eurosonic 2021 (en version dématérialisée)
Musique - 19.1.2021
Plutôt que d’interrompre 35 années de grande fête de la musique et des promesses que l’Europe a à offrir, le festival néerlandais a préféré se tourner vers le numérique le temps d’un week-end. En attendant le retour du public en chair et en os, voici ce qu’il faut retenir de cette édition particulière.
Dans le meilleur des mondes, Groningue, bourgade néerlandaise souvent qualifiée de “capitale mondiale de la bicyclette”, aurait accueilli du 13 au 16 janvier 2021 pas moins de 200 groupes et des dizaines de milliers de chineurs de nouveaux talents musicaux européens à suivre. Le responsable de cette cohue ? Le festival Eurosonic Noorderslag, équivalent batave de nos Transmusicales adorées ou du South By Southwest américain. Un rassemblement où, entre deux concerts et conférences, on se retrouve entre amis pour déguster la spécialité locale, l’eierball (littéralement “globe oculaire”), une croquette frite fourrée à l’œuf.
Dématérialisé, mais pas bâclé
Dans un monde comme le notre, où se retrouver à six autour d’une table ressemble déjà à un risque inconsidéré, il était impossible qu’Eurosonic puisse se dérouler normalement. Il était cependant impossible qu’il ne puisse pas se dérouler du tout. Forte de toutes les expériences menées par ses contemporains, l’équipe du festival s’est pliée en quatre pour offrir une édition dématérialisée, mais loin d’être bâclée. Avec une innovation supplémentaire : les nombreuses master-class et conférences mises à part, ce weekend était totalement gratuit.
Oui, les sensations d’un concert auquel on assiste depuis l’écran de son ordinateur ne sont pas équivalentes à celles qui nous envahissent lorsqu’on est collé à la scène. Mais il faut reconnaître que le numérique joue fort bien son rôle de Subutex. Surtout au regard de la qualité des performances, d’une quinzaines de minutes chacune, offertes durant deux jours par l’intermédiaire de quatre live-streams différents, diffusant ce qu’il se fait de mieux en matière de rock, de musiques électroniques, de pop, de jazz ou de hip hop dans le Vieux Continent… Vous n’avez pas le droit de dire que vous ne saviez pas quoi regarder ! Pour Robert Meijerink, directeur artistique du festival, cette édition, bien que différente, “supplanta toutes leurs espérances”. Il est fort de constater que l’essai fut admirablement transformé.
L’Eurovision, mais en mieux
Comme le veut la tradition Eurosonicienne, les premiers soirs du festival furent consacrés aux nouveaux talents émergents d’Europe entière. Niveau frenchies, on a pu y retrouver avec plaisir les deux frères de Faux Real, clones barrés de Connan Mockasin qu’on aime tant, mais aussi Slift, trio toulousain de space rock plus explosif que l’ergol liquide ou bien encore Samba De La Muerte, projet electro pop du caennais Adrien Leprêtre, dont l’incitation au voyage est salvatrice en ces temps où rester chez soi est devenu la norme.
On imagine que le garage punk fulgurant des Bee Bee Sea, trio originaire de Castel Goffredo en Italie, a dû causer moult pogos entre le canapé et la table basse. Enfin, citons pêle-mêle la pop fuzzy à souhait des Pamploneses de Melenas, les douceurs orientales de la DJ irano-italienne NAVA, le post-punk à l’efficacité redoutable des jeunes anglais de The Cool Greenhouse, le shoegaze dévastateur de nos voisins du Plat Pays Slow Crush ou bien encore la freak folk quasi-circassienne de l’autrichienne Alicia Edelweiss.
Mais Eurosonic, c’est aussi un focus bienvenu sur la nouvelle génération d’artistes bataves, à qui la soirée du samedi soir est entièrement dédiée. Bien évidemment, les immanquables Altin Gün, de tous les festivals depuis leur explosion au grand public en 2018, y étaient présents – avec une session réalisée en amont par Arte Concert et Sourdoreille – eux qui nous enchantent toujours autant avec leur mélange parfait de musiques traditionnelles turques et d’indie pop. Exception confirmant la règle précédemment énoncée, leur set avait lieu le … mercredi soir !
Bilal Wahib, sensation du rap néerlandais, était accompagné d’un live-band aussi talentueux que lui pour une performance old-school à tomber. L’Amsterdamoise Sophie Straat proposait sa réinterprétation de la folk à la sauce hollandaise, confortablement installée sur sa bicyclette, tandis que la jeune Sarita Lorena faisait quant à elle le choix du dépouillement, transformant sa pop aux accents latino en touchante session unplugged.
La relève est assurée avec les MMETA
Et comme chaque année, le festival Eurosonic décernait de nombreux prix récompensant les plus belles promesses de notre continent riche en talents. En 2021, les vainqueurs des Music Moves Europe Talent Awards (dont on vous parlait ici) se nomment Alyona Alyona (Prix du Publique, Ukraine), Melenas (Espagne), Rimon (Pays-Bas), Sassy 009 (Norvège), Vildá (Finlande), Inhaler (Irlande), Julia Bardo (Italie), et, comme une évidence, la belge Lous and the Yakuza.
Alors que l’avenir de la culture est de plus en plus incertain, la relève musicale semble déjà assurée.
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Jules Vandale