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Le premier album d’Arlo Parks est un ouvrage de première nécessité (et on vous dit pourquoi)

Crédit : Alex Kurunis

Après un premier EP acclamé par la critique, la prodige londonienne nous dévoile son premier disque Collapsed in Sunbeams : mûr, cohérent, introspectif et surtout porteur d’espoir. Rencontre.

Alors que le Brexit et la crise sanitaire retentissent plus que jamais Outre-Manche, une lueur irréductible résiste encore et toujours à la morosité : Arlo Parks, jeune prodige londonienne, dévoile enfin son premier album Collapsed in Sunbeams. Entre récits d’observation et profondes introspections, l’artiste remet l’espoir au goût du jour.

On se faufile dans les créneaux d’interviews qu’enchaîne Anaïs Oluwatoyin, alias Arlo Parks, en pleine promotion de son très attendu premier album. Une période, on le sait, particulière pour une artiste qui débute et qui prépare la sortie d’un disque. Mais c’est au soleil, café en main, qu’elle répond enjouée bien que confinée, à notre coup de fil.

Dire d’Arlo Parks qu’elle débute mérite cependant une précision : les EPs Super Sad Generation et Sophie, tous deux sortis en 2019, annonçaient largement la couleur de ce que la londonienne mijotait. On ne s’attendait qu’à du bon, et figurez-vous qu’on est quand même agréablement surpris.

“Faire la paix avec nos distorsions”

Collapsed in Sunbeams est de ces disques aboutis, qui, à la manière de romans d’aventure trépidantes, engloutissent quiconque s’en approcherait. C’est sans lutter, donc, que l’on s’engouffre dans les histoires que conte la musicienne :

“Il y a dans cet album beaucoup d’observation d’expériences, de conversations, de situations. Les gens et leurs rapports, leurs évolutions, leur façon d’être au monde.”

Plus encore que des contemplations de ce qui l’entoure, c’est à travers les autres qu’Arlo Parks semble se comprendre le mieux : “Cela me permet de m’observer à mon tour. J’étudie ce que je ressens dans mon esprit et dans mon corps, la façon dont je réagis dans certaines situations Ce que j’écris s’inspire beaucoup d’une recherche de soi.”

Cette recherche, et les accomplissements qui l’accompagnent, Anaïs les doit, en plus de son talent véritable, en partie au soutien de ses professeurs d’Anglais à l’école. L’une d’elle, amatrice des nouvelles que son élève rédigeait, lui avait offert le recueil de poèmes Ariel, de Sylvia Plath – directement évoquée dans Eugene. Touchée depuis le plus jeune âge par la littérature, et se qualifiant elle-même de rat de bibliothèque, Arlo Parks admet la forte présence de cet art dans son œuvre musicale. Passionnée par les “mondes dans lesquels les gens se perdent, et les façons de communiquer des sentiments compliqués”, elle s’essaie à l’écriture depuis qu’elle a sept ans, et ne conçoit pas la possibilité de dissocier la musique de la poésie.

D’ailleurs, c’est un poème du même nom qui ouvre Collapsed in Sunbeams, et qui, avant de laisser place au tube Hurt, se termine sur ces mots : “Nous apprenons tous à faire confiance à nos corps, à faire la paix avec nos distorsions / Tu ne devrais pas craindre de pleurer devant moi.” Cet équilibre entre le mal-être et le réconfort est capital pour la chanteuse, qui, à travers une soul délicieuse et une pop rythmée, ne se garde pas d’aborder des sujets sombres : l’homophobie menaçante, les ruptures douloureuses, parfois violentes, l’anesthésie de tous sentiments et d’envies.

“Je voulais parler des êtres humains étant des êtres humains : parler de leur douleur, puisque la vie n’est pas faite que de joie. Mais elle peut l’être aussi, et il y a toujours une possibilité de bonheur. Je crois que je voulais explorer les deux penchants du fait d’être en vie, tout simplement. “

Usant de personnages, de lieux de la capitale anglaise, de saveurs, de matières et de couleurs, la cool kid admet les grandes difficultés qui surviennent dans la vie de chacun, mais ne manque pas d’espoir.

Connais-toi toi-même

Peut-être est-ce ce que sous-entend le titre de son œuvre : un effondrement, et en même temps, la chaleur et la lueur de rayons de soleil. Hope, quatrième titre de l’album, survient avec un piano mélancolique, pour cependant amener un refrain hymnique qui ne sera pas de trop dans cette période qui ne tient pas à se terminer de sitôt : “Tu n’est pas seul.e / Contrairement à ce que tu penses / Nous avons tous des cicatrices / Je sais que c’est dur / Tu n’es pas seul.e.” Comprendre les autres, se comprendre soi-même, mieux accueillir la vie comme elle vient, ne sont pas choses faciles – ça se saurait.

Et pourtant Arlo Parks, du haut de ses vingt ans seulement, délivre des textes sincères et compatissants à ses auditeur.ices, et, pardonne même, à son ex-copine, de l’avoir quittée parce qu’elle ne supportait plus “les regards critiques” sur l’amour qu’elles partageaient. A l’issue de Green Eyes, le même message demeure : être soi-même, et surtout, l’être bien.

Ne sachant pas ce que l’année réservait au monde entier au moment de l’écriture de son album, Anaïs vaquait d’un airbnb à l’autre au mois de janvier 2020, et “espère qu’il saura apporter une sorte de joie aux gens, surtout dans ces moments où l’on a bien plus de temps et d’espace pour écouter des disques.”

Nécessaire à son époque, c’est bien ce qu’on pourrait penser de Collapsed in Sunbeams, qui n’est pas une collection de chansons, mais un véritable récit logique, contenant des chapitres qui se suivent. Un album de chambre, qui requiert un moment spécial, loin de l’agitation de la ville, et par lequel Arlo Parks arrive avec évidence à se hisser dans les futurs grands noms de la scène britannique. Comme si rien ne pouvait l’arrêter depuis l’acclamé single Cola, elle se fraie un chemin, aidée de ses multiples références adorées (elle parle notamment du premier disque de Soko, I Thought I Was an Alien, des poèmes de Patti Smith, ou, encore et toujours, d’Aldous Harding et Elliott Smith) – elle a un but, et elle sait comment le mener à bien. Comme l’une de ses héroïnes préférées, Princesse Mononoké, du film du Studio Ghibli, elle “a cette force, qui la pousse à tout donner pour atteindre son objectif. Elle est simplement elle-même, et j’adore ça.”

Besoin de personne, hormis, comme tout le monde, de celles et ceux qui l’inspiraient quand elle grandissait. Arlo Parks n’a plus rien à apprendre de qui que ce soit si ce n’est d’elle-même, pour la suite qui ne présage rien de mauvais. Collapsed in Sunbeams est un premier album qui pourrait prétendre au statut d’un deuxième, ou d’un troisième : mûr, cohérent, exhaustif, et surtout : de première nécessité.

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Raphaëlle Berlanda-Beauvallet