Pourquoi il faut absolument (re)voir L’Avventura du maître italien Antonioni (sur grand écran)
Arts - 27.10.2020
A l’occasion de son 60e anniversaire, ce chef d’oeuvre italien ressort en salle en version intégrale et restaurée. RDV le 28 octobre pour retrouver ce drame mondain où les sentiments dorent sous un dangereux soleil méditerranéen.
En 1960 sort un monument du cinéma : Psychose, réalisé par Alfred Hitchock. La même année, L’Avventura de Michelangelo Antonioni se voit attribuer le Prix du jury au Festival de Cannes pour “la création d’un nouveau langage cinématographique et la beauté de ses images ». Au delà d’éliminer leur héroïne brutalement au cours du récit, les deux réalisateurs se rejoignent en signant la même année, une oeuvre expérimentale et surtout inoubliable.
Premier volet d’une trilogie (La Nuit, 1961 et L’Éclipse, 1962), L’Avventura raconte l’histoire de la disparition d’Anna (Léa Massari), riche mondaine romaine, lors d’une croisière dans les îles Eoliennes. Son fiancé, Sandro (Gabriele Ferzetti) et sa meilleure amie Claudia (Monica Vitti) partent à sa recherche. Les deux tombent amoureux et l’intrigue policière laisse place à une histoire d’amour tiraillée, construite autour du vide laissé par la disparition d’Anna…
8 bonnes raisons de revoir ce classique
Cannes Classics 2020 et Lumière Classics 2020 offrent aujourd’hui une seconde jeunesse à L’Avventura, dans une version restaurée 4K et prévue en salle pour le 28 octobre prochain. Général Pop s’est penché sur cet incontournable du cinéma italien et on vous donne 8 bonnes raisons pour lesquelles il ne faut manquer sous aucun prétexte la ressortie de L’avventura en salle !
Monica Vitti, tout simplement
L’actrice italienne Monica Vitti détonne avec une prestation XXL. Personnage secondaire lors de la première demi-heure du film, elle rafle ensuite tout sur son passage. D’une beauté froide et saisissante, l’actrice de 28 ans s’affirme doucement. On suit le cheminement mental et les angoisses de la Romaine dont les émotions sont aussi variées que sa garde robe (à tomber). Medium pour le réalisateur Antonioni (dont elle partage aussi sa vie), elle devient son actrice star pour ses trois long métrages suivants (L’Éclipse, La Nuit et Le Désert rouge) !
La bande originale de Giovanni Fusco
Pour la 5ème fois de suite, Antonioni confie la bande originale de son film au compositeur italien Giovanni Fusco. Les deux compères travaillent étroitement ensemble jusqu’à la disparition du dernier en 1968. Mention toute particulière à l’emblématique morceau Titoli, qui ouvre les hostilités et accompagne le générique de début. Coté chanson populaire, Monica Vitti (Claudia) enfilant son collant sur l’air de la chanteuse de variété Mina, reste une des scènes d’anthologies du film :
La Méditerranée en toile de fond
Même si le film s’ouvre à Rome, nous ne nous y éterniserons pas. Dans L’Avventura, Antonioni explore les 4 coins de l’île aux trois pointes. Durant la première heure, le clapotis des vagues sur la coque du bateau de croisière nous fait regretter nos vacances d’été (déjà trop loin). Puis, on continue notre expédition en voiture et en train, sur la côte Est sicilienne, du nord au sud, de Milazzo à Noto, laissant même entrevoir par moments la silhouette terrifiante du volcan de l’île, l’Etna.
La classe à l’italienne (des 60’s)
Sur la terre ferme comme en mer, le souci du détail et la classe des tenues est de rigueur. Un bal, une sortie en mer, ou en ville, toutes les raisons sont bonnes pour se changer à chaque plan. De la chemisette offerte par Anna à Claudia jusqu’au costume trois pièces de Sandro (Gabriel Ferzetti), on assiste à une démonstration de classe à l’italienne ! Et que dire des maillots de bain et des bonnets, so 60’s !
Un érotisme palpable
Tiraillés tout au long du film (Anna, puis Sandro et Claudia), les personnages sont en proie à leurs sentiments et victimes de leurs propres contradictions. Le personnage de Sandro en est l’exemple parfait. Michelangelo Antonioni en personne décrypte : “La catastrophe dans L’Avventura est une impulsion érotique de ce genre ; malheureuse, mesquine, inutile. Il est insuffisant et inutile de savoir d’un point de vue critique que l’impulsion érotique à laquelle il cède est vulgaire et inutile”.
Les plans panoramiques
D’une précision chirurgicale, le cadrage et les plans de L’Avventura ont participé à la construction de sa légende. Antonioni nous délivre notre lot de cartes postale et les travellings lents appuient avec brio l’égarement sentimental des personnages. Seymour Chatman, critique cinéma, encense le choix du format fait par le réalisateur italien : “Le format panoramique lui fournit un nouvel espace dans lequel composer ses plans. Il lui permet de montrer la vacuité des vies au milieu de l’abondance matérielle : yachts, élégantes demeures, voitures et hôtels de luxe”.
Martin Scorsese l’a classé dans ses 10 meilleurs films
Quand le film d’Antonioni est sorti, le grand réalisateur américain fêtait lui ses 18 ans. Et pourtant, ce long métrage va le marquer à vie. Comme il le déclare un peu plus tard : “Plus que jamais, je vois L’Avventura comme un film sur des individus en détresse spirituelle : leurs marqueurs spirituels sont interrompus, coupés, c’est pour ça qu’ils voient le monde autour d’eux comme hostile et sans pitié. Visuellement, sensuellement, thématiquement, dramatiquement, dans tous ses aspects, c’est l’une des grandes œuvres du cinéma”, voilà au moins ça c’est dit.
L’anarchie des sentiments
Lors de sa présentation au festival de Cannes en 1960, Michelangelo Antonioni parle de son œuvre de la sorte : “On vit une aventure chaque jour. Avec chaque rencontre sentimentale, morale ou intellectuelle. Nous savons que les vieilles tables de la loi ne portent que des écrits déjà trop déchiffrés, et pourtant nous nous obstinons à leur être fidèles avec une opiniâtreté que par ironie je voudrais qualifier d’émouvante.” Une déclaration qu’on devrait reprendre à soi, surtout en ces périodes de disette sentimentale.
… un chef d’oeuvre (malgré tout) d’un autre temps
Depuis sa sortie, la révolution sexuelle et étudiante sont passés par là… Et on peut bien avouer que sous certains aspects, le film est un miroir de la société italienne de son époque, à la veille d’une rupture idéologique et morale. Harcèlement de rue, environnement hyper masculin qui découle d’un modèle ultra patriarcal caractéristique de l’Italie et des sociétés des années 60, les modèles présents dans l’Avventura n’ont pas leur place dans le monde d’aujourd’hui… Si ce n’est pour pointer du doigt de tout ce qu’il y a à bannir.
Pour toutes ces raisons on vous encourage chaudement à aller (re)découvrir L’Avventura à partir du 28 octobre à Paris au Champo (5ème arrondissement) mais aussi à Ivry (Luxy), Grenoble (Méliès), Besançon (Victor Hugo), Strasbourg (Star), Aix-En-Provence (Mazarin), Perpignan (Castillet), Amiens (Orson Welles), Nîmes (Sémaphore) et Chambéry (Forum).
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Maxime Verdeille