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[POP GREEN] La pollution numérique, la grande inconnue de l’équation écologique

Deux transitions sont en jeu : la transition numérique et la transition écologique.

Si on vous a déjà beaucoup parlé de la transition écologique, qui revient à une forme de décroissance responsable de nos habitudes, il en est une autre qu’il va falloir prendre en compte fissa, celle qui est liée au digital, c’est à dire à ce sur quoi reposent nos vies d’actifs déchaînés de l’ordi et du smartphone.
L’empreinte carbone, ça n’est pas que les voyages en avion et l’utilisation du plastique.

Aujourd’hui, ces deux enjeux transitoires majeurs sont dépendants l’un de l’autre pour le bien de notre planète. La transition numérique nécessite un sursaut dans les habitudes des individus, des entreprises et des Etats. Derrière l’apparente dématérialisation, se cachent en réalité beaucoup de machines et une logistique complexe qui pollue énormément et de plusieurs façons différentes.

On vous explique.

La pollution numérique qu’est-ce que c’est ?

La pollution numérique, c’est l’empreinte écologique que laissent à la fois la production, l’utilisation, et le non recyclage, à terme, des objets numériques.
Comprenez : beaucoup de facteurs, d’acteurs et la responsabilité croissante et individuelle de ces derniers.

Il y a plusieurs sources de pollution numérique :
La plus connue et la plus médiatisée aujourd’hui est le stockage des données (comme les mails par exemple) et la grande consommation d’énergie que ça suppose.
Mais il y a aussi la pollution de l’air liée à la fabrication du matériel numérique.
Et l’amas de déchets informatiques à ce jour non recyclables.

“Privilégiez les mails complets et qui ne diront plus “oups, avec la pièce jointe c’est mieux””

En tant qu’individu, comment je peux agir ?

Les matériaux utilisés pour nos outils numériques consomment beaucoup de matières premières et leur transformation pollue beaucoup, rejetant des particules dans l’air qui sont nocives pour l’environnement et pour notre santé (la transformation du silicium notamment).
S’il n’existe pas encore de vrac et de solution DIY pour faire son propre téléphone, voici quelques éléments de réponses.

Se calmer sur l’envoi de mail et enjoyer la PJ du premier coup
Selon une étude de l’Ademe, un e-mail avec pièce jointe de 1 Mo envoyé à 1 personne émet 20 grammes de CO2, soit l’équivalent de la consommation électrique d’une ampoule de 60 W pendant 25 minutes, on vous laisse faire le calcul de votre empreinte carbone.
Privilégiez les mails complets et qui ne diront plus “oups, avec la pièce jointe c’est mieux ;-)”. Sinon, pour les blagues, levez-vous de votre chaise, allez parler à vos collègues ou faites leur un petit texto.

Ne pas changer de téléphone chaque année et en prendre soin
Acheter un nouveau smartphone n’a rien d’anodin, ni pour votre portefeuille ni pour l’environnement. Pour construire un téléphone portable il faut 50 métaux différents dont à peine une vingtaine sont recyclables et 32kg de matières premières pour fabriquer une puce électronique de 2 grammes. C’est pourquoi, en tant que consommateur il faut penser à ne pas acheter du neuf à chaque fois. Les appareils reconditionnés et d’occasion ont parfois la même longévité, et avoir le réflexe de se tourner vers cette alternative peut faire décroître la demande. Si les entreprises qui produisent ce type de matériel prennent en compte ce changement dans nos habitudes, la production de nouveau matériel pourrait décroître aussi. La planète vous remerciera et votre banquier aussi.

L’épuisement des ressources minérales et fossiles utilisées pourrait donc ralentir si une majorité de personnes arrêtaient d’acheter des équipements neufs. En plus de ça, peu de matériaux utilisés pour la fabrication de ce matériel sont recyclables, il vaut mieux donc le réutiliser plutôt que le jeter.

Faire attention à nos choix de produits et se tourner vers des marques durables
On ne va pas faire les premiers de la classe, l’intégralité de cette rédaction est prise dans les filets d’Apple du laptop à l’Iphone MAIS : on vous propose de visiter le site https://www.produitsdurables.fr/ créé par l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée) en partenariat avec CommentReparer.com.

Supprimer ses données parce qu’on passe notre vie à en créer de nouvelles
En utilisant Internet on crée plein de données (comme les mails, mais pas seulement) dont on n’a vite plus besoin : gardons à l’esprit qu’il est possible de les supprimer. Les données sont stockées sur des serveurs qui sont allumés en permanence et donc consomment beaucoup d’électricité, pour nous en donner l’accès. Sachant surtout que nous passons nos journées à créer malgré nous de nouvelles données d’utilisation, ce simple geste peut s’avérer utile !

Débrancher sa box la nuit ou pendant qu’on est absent
En moyenne, une box consomme entre 140 et 200 kw par an, ce qui équivaut à la consommation annuelle d’un réfrigérateur. En l’éteignant la nuit ou quand on quitte notre appartement on économise donc de l’énergie et un peu d’argent : double bénéfice.

“Google possède 900 000 serveurs, ce qui équivaut à la consommation en électricité du Sénégal”

Et à l’échelle des entreprises et des professionnels du web ?

Globalement, le comportement des entreprises a plus d’impact que le nôtre à l’échelle individuelle. En adoptant une posture plus écologique du côté du numérique, elles peuvent réellement réduire l’impact sur l’environnement.

Arrêter définitivement l’obsolescence programmée
Comme on l’a dit, la production du hardware coûte cher à la planète. C’est pourquoi les entreprises devraient à tout prix produire des appareils durables. L’obsolescence programmée a une visée commerciale claire qui pousse à consommer plus. La durabilité s’oppose clairement à la croissance, c’est pourquoi peu d’entreprises adoptent une attitude responsable face à ce phénomène, malheureusement.

Limiter le nombre de données transmises entre le serveur et l’utilisateur
Au niveau de la consommation de bande passante, l’idée serait de concevoir des sites et des applications plus épurés, avec moins de fonctionnalités et un design simple. On pourrait ainsi réduire la consommation de bande passante et donc amoindrir le besoin en données et l’utilisation d’énergie. En plus de ça, cette mesure limiterait les interactions entre site et utilisateur et utiliserait moins de ressources serveur.

Passer aux énergies propre
Les entreprises possédant beaucoup de serveurs pourraient consommer de l’énergie propre, à l’image de Google, Facebook et Amazon. Par exemple, Netflix utilise encore de l’énergie fossile pour s’approvisionner. Il faut bien avoir en tête qu’un serveur = des milliers d’ordinateurs connectés à internet qui stockent du contenu et peuvent le délivrer à tout moment. Pour avoir un ordre d’idée : Google en possède 900 000, ce qui équivaut à la consommation en électricité du Sénégal !

Mettre au point des mises à jour compatibles avec les anciens appareils
Rendre compatibles les logiciels et les applications avec les anciens appareils permettrait aussi de ralentir la production de nouveaux et donc d’éviter toutes les conséquences de la production expliquées ci-dessus.

“Réutiliser la chaleur des serveurs”

Que font les services publics ?

Mieux appliquer la loi contre l’obsolescence programmée
En France, la loi de transition énergétique a rendu l’obsolescence programmée illégale en 2015, ce qui est une réelle avancée pour lutter contre la pollution numérique.

Aller plus loin dans la législation
Le gouvernement français a aussi promis la création d’ici 2020 d’un indice de réparabilité obligatoire pour les appareils technologiques. Cette mesure avait été proposée par HOP, mais le créateur de l’association a déclaré dans une interview (La Tribune, novembre 2018) : « Nous regrettons que nos autres demandes n’aient pas été retenues : l’allongement de la garantie des produits, l’adoption d’une TVA réduite pour les services de réparation afin d’en baisser les coûts ou l’obligation d’assurer la disponibilité des pièces détachées pendant plusieurs années ». Il y a encore du chemin à faire.

Réutiliser la chaleur des serveurs
Plusieurs sites à Paris réintroduisent déjà cette chaleur dans le réseau urbain. Par exemple, la piscine de la Butte aux Cailles est entièrement chauffée de cette façon !

Mettre en place une pédagogie de l’écologie numérique
Les services publics auraient tout intérêt à mieux sensibiliser les citoyens à l’écologie numérique, comme il le fait déjà avec les réflexes écologiques de base. L’éducation c’est bon pour tout, tout le temps.

Pour plus d’informations sur les mesures potentiellement adoptables par le gouvernement, vous trouverez le lien vers le Livre Blanc Numérique et Environnement juste ici (téléchargeable en entier gratuitement). Il s’agit d’une collaboration entre l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), la Fondation Internet Nouvelle Génération (Fing), le WWF France et GreenIT.fr, avec le concours du Conseil national du numérique (CNNum). Il propose 26 solutions pour que les acteurs publics fassent en sorte que la transition numérique et écologique avancent de pair.

“Une transaction en bitcoin consomme autant que votre foyer en une semaine”

Des questions importantes restent pourtant en suspens…

Le Bitcoin
Sa circulation et sa création nécessitent énormément d’énergie. Une transaction en bitcoin consomme autant que votre foyer en une semaine. Ce type de transaction est gourmand en énergie car il doit être validé par l’ensemble du réseau. Qui plus est, la production même de la monnaie, le minage, est extrêmement énergivore. Des ordinateurs tournent sans arrêt pour produire du bitcoin. Avec le développement croissant des cryptomonnaies et leur liberté face aux législations nationales, la pollution qui leur est inhérente semble difficilement régulable…

Les énergies propres : mieux que les énergies fossiles mais pas infaillibles
Des solutions envisagées posent aussi des problèmes en plus. Comme la production de silicium pour les capteurs solaires. Ou encore les éoliennes qui demandent beaucoup d’énergie pour être produits, presque plus qu’ils n’en produisent, à terme.

La RSE qui est mise entre parenthèses pour l’approvisionnement en composants informatiques
Les conséquences dépassent même l’écologie et posent aussi un problème diplomatique ainsi qu’au niveau des droits de l’Homme. Les métaux rares nécessaires à la production de matériel informatique sont exploités dans des pays en guerre, cela donne lieu à de l’esclavage, des pratiques de torture…

“Supprimer ses mails c’est bien mais ça ne suffit pas”

Tout est à faire en terme de numérique propre : l’utilisation de matériaux recyclables pour la production de matériel informatique, l’utilisation d’énergie propre pour les serveurs, la réutilisation généralisée de leur chaleur, des appareils high tech en kit dont les pièces se changent facilement, pour une meilleure durabilité de ceux-ci et la réduction de leur production… Nous avons encore une marge de progression énorme dans la production du hardware.
Nous sommes encore aux balbutiements du numérique.

Il est important de prendre en compte que sur 8 milliards de citoyens, la moitié est connectée et que nous allons vers 6 ou 7 milliards d’individus connectés à travers le monde. Il est donc essentiel de prendre les bons réflexes maintenant. Chacun peut avoir un impact, à son niveau, sur ces types de pollution dont nous sommes encore peu conscients. Il faut donc amorcer une réelle éducation à l’écologie numérique, concept encore flou pour la plupart des gens, encore persuadés que le numérique est respectueux de l’environnement car il arrête la déforestation et permet de faciliter le covoiturage… Supprimer ses mails c’est bien mais ça ne suffit pas.

Les mesures et propositions énoncées ici ne constituent pas une liste exhaustive, c’est pourquoi nous vous invitons à visiter les sites de ces ONG, associations et organismes pour plus d’informations et/ou pour apporter votre pierre à l’édifice de cette cause :

HOP (Halte à l’obsolescence programmée)

L’Institut du développement durable et des relations internationales

La Fondation Internet Nouvelle Génération

WWF France

Green It

Conseil du Numérique

Louise G.