[POP SHOOT] TOXIC – Marcella Barcelo + Yehan Jehan
Arts, Musique - 21.11.2018
Danger, poison, attraction et répulsion avec Marcella Barcelo et Yehan Jehan
Tous deux au beau milieu de leur vingtaine, Marcella et Yehan produisent des formes pop, respectivement par la peinture et la musique. Si les oeuvres de l’une évoquent une sexualité brutale et malaisante proche du kawaii, les mélodies de l’autre sont résolument pop, modernes et raffinées.
Série photographiée par Camille Luciani, Sacha Giraudeau à la beauté et Agathe Rousselle à la direction artistique et au stylisme.
Conversation avec Marcella Barcelo
La sexualité feminine tient une place importante dans ton oeuvre c’est purement esthétique ou un peu militant aussi?
J’oublie souvent le sujet de départ quand je dessine. J’aime par exemple partir de détails tirés de hentai représentant ces caricatures de femmes à seins gonflés, jambes écartées ou qui tirent la langue parce qu’elles sont déjà irréelles et j’aime les formes plastiques vers lesquelles elles m’emmènent. C’est un peu similaire au mécanisme du rêve, des phosphènes, d’association d’idée, ou encore à la paréidolie, une forme emmenant à une autre. Mon but est d’enlever la question de la représentation ou de la métaphore pour aller juste vers de la métamorphose libre : c’est cette idée dans mes dessins, les seins des filles et leurs grands yeux pleins de larmes se transforment en bubblegums ou en bulles de savons.
Disons que je suis militante pour le droit à l’imagination, et le droit de tout dire et de tout montrer, ou le droit de « se contredire et de s’en aller » comme écrivait Baudelaire sur Poe, car j’ai le sentiment que nous vivons étrangement une époque où il est devenu trop facile de provoquer. Par exemple pour ces photos, on m’a fait des tresses est ce que cela peut être considéré comme de l’appropriation culturelle ? Je m’inspire beaucoup des codes esthétiques du manga et du kawaii, mais je ne suis qu’une touriste au Japon, est-ce donc aussi de l’appropriation culturelle ? Notre histoire est un milkshake fait de mutations.
“J’ai regardé trop de films d’horreur car je cherche encore celui qui me fera peur”.
Tes oeuvres sont très colorées et vives mais on y décèle parfois quelque chose de violent c’est conscient chez toi ?
Violence je ne sais pas, mais je m’intéresse à ce phénomène de mutation de sujets dits « sensibles » et rendus populaires comme le mouvement Emo ou Yamikawaii, où le suicide, la dépression deviennent des éléments décoratifs. Des traces d’automutilation sous des bandages ou des boîtes de Xanax vidées. Cela fait pour moi partie de ce que j’appelle le « Dark Kitsch », un cocktail d’évocations ou d’anthologies diverses (par exemple le satanisme ou la sorcellerie) ou encore d’histoires de hantise, de serial killers, mais réarrangés de manière pop sans craindre l’excès et le ridicule. J’admire ce qu’on appelle le mauvais genre. Je suis attirée spécifiquement par l’imaginaire fantastique autour de l’adolescence. On dit d’ailleurs souvent que les histoires de ‘poltergeist’ sont plus fréquentes à la puberté. J’étais moi même une ado cliché un peu morbide fascinée par le romantisme noir, le sang, et qui a regardé trop de films d’horreurs car je cherche encore celui qui réussira à me faire peur.
Etre « fille » de qui évolue dans le meme milieu ca ouvre des portes ou ça les ferme ?
J’ai beaucoup de chance car j’ai une famille un peu bizarre : ma mère ne souhaitait pas que je joue avec des poupées quand j’étais petite, donc à la place mon père m’a donné un mannequin anatomique qu’il possédait, c’était un homme écorché en mousse. Ma poupée était donc un écorché, alors oui ça ouvre des portes (des « issues » en anglais).
Mais plus sérieusement, ma grand-mère était peintre, mon père enfant lui piquait ses aquarelles et puis après je suis tombée dans ses pots de peintures à lui. Ordinairement les enfants dessinent avec leurs parents, je faisais des cadavres-exquis avec mon père artiste, ce n’est pas si différent.
Un serpent comme animal de compagnie c’est un rêve de petite fille?
C’est le début ! Mon rêve c’était de vivre dans le château de Dracula avec des chauve-souris et un corbeau de compagnie (et un chat noir pour finir le tableau gothique) en plus de mes trois serpents (Baby, Darling et Chéri) mais je vais bientôt avoir une bébé mygale, c’est un petit chaton à huit pattes tout doux qui ne miaule pas.
Conversation avec Yehan Jehan
Tu as grandi dans une famille de musiciens, tu as déjà considéré faire autre chose ?
Même si j’ai baigné dans la musique toute ma vie, j’ai aussi fait plein de videos, de l’animation et même un peu d’acting pour une sitcom que je voulais créer. Tout est un peu arrivé d’un coup mais j’ai vraiment commencé à écrire et enregistrer des chansons quand j’ai eu 14 ans. Depuis, mes efforts ont été principalement dirigés vers l’écriture et la production. Aujourd’hui je suis encore pas mal impliqué dans le monde de l’image.
Qu’est-ce que tu aimes ou que tu détestes dans les concerts ?
J’aime la musique live quand c’est présenté simplement. Quand les petits détail cools sont là et que ces éléments qui rendent une performance vraiment différente fonctionnent bien ensemble. Même si je bosse comme un perfectionniste de ce côté-là, autant qu’en studio, je sors toujours de scène frustré. Dans tous les cas, je crois que j’ai fait le tour de plein de choses et je suis super excité de remonter sur scène l’année prochaine.
“La pop mainstream s’est transformée en un truc vulgaire qui aurait besoin de son propre nom”.
Quel instrument tu voudrais apprendre à jouer ?
De l’harmonica de verre ! Et continuer à bosser ceux que je connais déjà.
Qu’est-ce qui selon toi peut-être qualifié de pop aujourd’hui ?
Je ne sais pas et je ne pense pas que qui que ce soit en sache quelque chose. La pop mainstream s’est transformée en un truc vulgaire qui aurait besoin de son propre nom. Je crois que la pop est partout, la “bedroom music” c’est de la pop DIY, le hip hop est pop, même ce site, General Pop !
Qu’est-ce que les réseaux sociaux ont changé dans la musique ?
Pour quelque chose qui a tout rendu plus accessible, ils ont aussi rendus les choses sacrément inaccessibles. Tout le monde se bat pour sa place et le Dieu algorithme décide qui sortir de là.
Merci à Autrement PR et au WHARF Studio.