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[ITW] En partance pour P-Town avec Jazzy Bazz

Le Vendredi 26 Février sort “P-Town”, le (très attendu) premier album de Jazzy Bazz. Membre de l’Entourage depuis les débuts, duelliste implacable du temps des Rap Contenders, il a affuté sa plume et son flow pour sculpter 15 titres impeccables. Rencontre. 

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Paris est au cœur de ton album, et même au cœur des titres depuis pas mal de temps, quelle est la ville que tu as voulu montrer ?

Simplement le Paris que je perçois personnellement : plutôt qu’une architecture, c’est une sensation. C’est de la musique, avec laquelle on veut créer des images. Je n’ai pas voulu montrer Paris telle qu’elle est, mais plus comment je m’y sens, de quelle manière je l’aime.

J’imagine le rap comme un monde ultra codifié, et j’ai l’impression que tu te situes un peu en dehors de ces codes, avec des beats plus lents, de thèmes différents, tu te situerais où dans le fameux « rap jeu » ?

 Nous là dedans on est nous même, et c’est hyper important dans les codes du rap. Un mec qui fait le gangster, qui parle de meufs, va souvent faire face à la critique, on se demandera « c’est vraiment toi ou t’es un mytho ? ». Mais si le gars a vraiment un passé crapuleux et qu’il est lui-même, personne n’aura rien à dire, il rappe sa réalité à lui. Moi j’ai pas de passé de crapule, j’ai pas fait de prison, je suis pas obsédé par les meufs, je rappe ma réalité, mes émotions, mes relations humaines, ma ville. Mais je correspond aux même codes : être soi-même.

Après « La Route du 3.14 », « P-Town », est-ce que tu aurais une petite obsession des mathématiques ?

(Rires) Non mais il faut savoir que j’ai eu des super notes au brevet et au bac, c’est l’un des seuls trucs dont je peux me vanter ! C’est une manière d’appeler Paris, c’est pas pour se prendre la tête avec des chiffres.

Tes lyrics sont finement travaillées, comment bosses-tu tes textes ?

Ça dépend évidemment des sons, parfois c’est très vite fait ça sort tout seul, parfois j’écris juste ce qu’il me passe par la tête, parfois je fais des recherches. A la fin je veux être satisfait de mon texte, donc j’y passe du temps. Sur cet album je suis content de tous mes textes, je me suis vraiment pris la tête.

Et comment tu fais tes recherches ?

Pendant 2-3 jours je regarde des films, j’écoute pas mal d’autres albums ce qui peut me donner de nouvelles idées de réalisation. Aller à la rencontre des gens aussi, discuter, trouver l’inspiration un peu partout !

Tu as sorti après les attentats du 13 Novembre « Fluctuat Nec Mergitur » , un morceau engagé. Est-ce que pour toi les artistes, notamment du rap, doivent s’engager, ou peuvent-ils rester en surface ?

Il est évident que le rap est de moins en moins engagé parce qu’il était extrêmement engagé à ses débuts, avec des mecs comme Assassin et NTM qui ont souvent eu des problèmes judiciaires. A l’époque il n’y avait pas internet, Assassin faisait découvrir qui était Malik Oussekine et la violence policière, NTM parlait de la montée du FN, ils donnaient de l’information parce que les médias alternatifs n’existaient pas. Aujourd’hui le rap a surtout valeur de divertissement, et c’est aussi quelque chose que j’adore, j’aime pas forcément écouter du rap bourré de revendications parce l’engagement peut se faire ailleurs, grâce à toutes les nouvelles plateformes. C’est important par contre que le rap reste un peu antisystème, sinon qui les fera chier ! (rires)

Tes instrus ont des influences hip-hop, jazz … Quels sont tes producteurs préférés ?

J Dilla, qui a influencé pas mal de trucs sur l’album notamment « Les Chemins » , toute les écoles New-Yorkaises : Pete Rock, DJ Premier, Buckwild, ces mecs qui faisaient l’identité du hip-hop new-yorkais des années 90, Lord Finesse, DITC … Il y a ceux qui savent dénicher et découper un bon sample, il y a ceux qui ont développé un vrai style reconnaissable. Sinon les récents, c’est la famille, c’est ceux qui sont sur mon album et qui sont pour moi les meilleurs.

Quelles sont les 3 punchlines les plus historiques pour toi ?

Le rap en regorge, surtout aujourd’hui, il y a des gars qui te tabassent de punchline. Hugo TSR en a plein  qui me font rire, tu trouveras souvent des trucs qui te feront sourire !

En France, c’est pas une punchline, mais il y a eu Lunatic, le groupe de Booba et Ali, qui avait fait « Le Crime paie » en 1997 et encore aujourd’hui un tas de rappeurs sortent des punchline autour de l’éternel débat : il paie ou pas ?
Pour rester dans du Booba, il avait fait une punchline en forme de pique à Fabe, qui lui reprochait d’être un faux gangster et de faire l’apologie du crime avec « C’est tellement bas que pour en parler faudrait que jme fasse mal au dos » et à quoi il avait répondu « Je suis tombé si bas que pour en parler faudrait que jme fasse mal au dos, quelle rime de bâtard ».

Aux States, Nas dans N.Y State of Mind « I never sleep cause sleep is the cousin of death » avec ce truc du « faut travailler, faut pas dormir » qui représente bien le rêve américain.

Qu’écouter en 2016 ?

On verra bien ce qui sort, mais sinon j’ai vu qu’Ennio Morricone faisait un concert bientôt pour ceux qui aiment les musiques de films, de la vieille chanson française à texte comme Léo Ferré, George Brassens, Jacques Brel parce qu’il faut quand même avouer que les chanteurs français contemporains sont pourris en terme de texte !

Et pour quelqu’un qui n’écoute pas de rap, tu conseillerais de commencer par quoi ?

Ca dépend des personnalités de chacun ! Moi je suis tombé dedans avec IAM, MC Solaar, Les Sages Poètes de la Rue, du rap positif, bon esprit. Ya Fabe, NTM, La Cliqua, La Rumeur avec « L’ombre sur la mesure » qui est super bien écrit et bien entendu l’Entourage !

Qu’est-ce que c’est pour toi la Pop Culture ?

J’ai entendu cette expression il y a pas longtemps, ça fait apparemment référence à des tendances qui touchent des publics assez larges et imprègnent la société. Je ne connaissais pas cette notion, je vois ce qu’ils veulent dire par là, il y a des trucs qui marquent tout le monde. Je pense que c’est un peu léger la Pop Culture, on est dans le divertissement… Et toi c’est quoi pour toi ?

C’est pour ça qu’on pose la question dans chaque interview, on interroge tout le temps cette notion, pour certains c’est la masse, pour d’autres le poids du passé, pour moi c’est quelque chose qui parle à tous mais intelligemment, qui est accessible.

C’est l’essence même de la pop, que ça soit accessible ! J’aime les artistes qui ont été très populaires, mais avec un truc génial. Tout le monde kiffe Michael Jackson parce qu’on ne peut pas nier que c’est l ‘un des meilleurs. George Brassens c’est pareil, il était connu de tous, ses chansons étaient hyper populaires et quand tu te penches sur les textes c’est du pur génie.
Je sais pas si tu vois l’émission avec Gainsbourg où il s’énerve pour savoir ce qui est un art mineur ou majeur, il dit que la musique est un art mineur et la peinture un art majeur parce qu’il faut être connaisseur, formé, pour apprécier la puissance d’une œuvre d’art. La musique c’est quelque chose d’instinctif, d’universel, et ça, c’est pop.

par Joséphine