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POP TALK : NAË, tout simplement “Nombreuse”

 

 

Naë est une artiste multi-facettes : compositrice, autrice, chanteuse, elle se situe entre ombres et lumières, entre pop et rnb. Et à seulement 26 ans, elle est aussi l’artiste “UP NEXT FRANCE” choisie par Apple Music.

En amont de la sortie de son EP “Nombreuse”, sorti le 25 mars dernier, General POP a rencontré Naë, aux célèbres Studio Ferber dans le 20ème arrondissement, lors de sa préparation pour la captation d’un enregistrement live des morceaux de l’EP.

Elle retranscrit dans ce projet ses dix ans d’expériences dans la musique, à l’aide du romancier et parolier Jérome Attal : des textes entre nostalgie, mélancolie et bonheur, pour créer une musique entre pop, chanson, r’n’b et sonorités rap notamment avec les producteurs Mem’s (Booba, Nekfeu, Lous & The Yakuza) et Holomobb (Niska, Aloïse Sauvage).

 

Peux-tu nous expliquer où nous sommes aujourd’hui et à quelle occasion ?

Aujourd’hui je mène à bien, avec mon label Warner, un projet qui me tient à cœur depuis des années : ré-enregistrer mes morceaux en version live, accompagnée d’un groupe de cordes (violons, violoncelles) et un live-band. C’est un rêve de gosse que je réalise, et en plus dans les studios Ferber qui sont un lieu de ouf.

Actuellement on est en pleine préparation, habillage et maquillage… Je ne réalise pas trop ce que je vis, au-delà du côté très impressionnant du tournage, les caméras. Ce qui m’impressionne le plus c’est que c’est un rêve de gamine que je peux cocher dans ma liste.

 

Quel est ce planning de choses à réaliser ?

Mes projections et ambitions je ne les ai jamais vraiment datées, peut-être par peur ou superstition que ça ne se réalise pas comme je voudrais, et d’être déçue. En revanche ce sont des choses qui sont marquées pour toujours, et je laisse ça dans les mains de l’univers pour se réaliser.

 

Plein de choses sont tout de même en train de se réaliser en ce moment…

J’ai l’impression qu’on se rapproche de plus en plus des attentes que j’avais plus jeune, qui ne sont pas toujours liées à des étapes précises : je voulais être signée à tel âge, sortir un EP à tel moment… C’est plus dans le développement, je suis en train d’incarner une jeune femme que je rêvais d’être quand j’en avais 15, 16 ans, et que j’étais pleine de doutes : je deviens cette fille que je rêvais de devenir, qui a confiance en elle, qui s’assume

Et ça va de pair avec la musique car je fais de plus en plus ce que j’aime, j’incarne de plus en plus ma musique artistiquement, cet alignement

 

Cet alignement c’est un épanouissement total, personnel, artistique ?

La route est encore longue, je n’ai pas fini mes efforts, mais c’est vrai que d’aujourd’hui mes 16 ans à mes 26 ans, la route a été périlleuse et je ne pourrais pas le cacher. J’ai même envie de le dire aujourd’hui alors qu’avant je ne le disais pas : pas pour me donner de la contenance en disant « j’ai galéré » parce que tout le monde a des problèmes, mais oui j’en ai particulièrement chié quand même (rires)

 

Ce n’est pas souvent valorisé de se dire qu’on a fait face à des situations difficiles, une faiblesse : pour toi cela montre une force de caractère et de personnalité ?

Je ne veux pas qu’on tombe dans du pathos, genre la jeune artiste qui a eu un parcours difficile. Je n’ai pas besoin de ça pour exister, mais je me rends compte que pendant cette période de ma vie je n’en parlais pas, rien sortait, et j’ai besoin de le dire clairement aujourd’hui – pas comme une étiquette – mais, pour l’exprimer dans mes textes, ma musique car c’est ma vérité, et que je dois reconnaître que j’ai survécu à plein de choses – le déni ne permet pas d’avancer.

 

Pour transmettre à ton public ?

Au-delà de la dimension de public, de fans ou de followers : juste humainement je suis quelqu’un qui est dans la transmission, je prends les gens sous mon aile : grâce à ma musique, qui est un outil pour moi de thérapie et de transmission : grâce à mes réseaux je peux faire passer des messages – et je vois, je peux donner des conseils, préserver de ce que moi j’ai vécu

 Ce que tu as vécu, en termes de choses difficiles, tu en parles donc dans cet EP ?

Je suis en pleine mutation en tant que jeune femme et artiste : l’EP est là, il doit sortir, mais entre le moment où il va sortir il y a déjà eu des évolutions dans mon écriture, musicale ou dans les paroles

L’EP est sorti, il parle d’amour et d’amour toxique, car ça parle aussi de moi, si je suis ça je dois le raconter

Il y a aussi des morceaux ou j’ouvre, où je dis que l’on n’est pas réductible à ça, des textes qui sortent du duo homme/femme, amour.

Et en parallèle je suis en train de bosser sur un autre projet, un album, où je m’extrais de ce portrait mélancolique et je me présente sous mon aspect plus solaire et joyeux, où je suis encore plus sincère et je parle plus avec mes mots. Mes textes maintenant, je les écris comme si je parlais dans la vie.. Quand je dis je vais arrêter de faire des chansons mélancoliques, le texte ne va pas changer mais la manière de le dire va changer !

 

Comment vois-tu la complémentarité de l’apport mélodie et paroles entre mélancolie et joie ?

La création est régie par ce que j’incarne humainement, mon évolution, plus j’avance dans le temps plus je mûris, plus je m’accepte, donc ma créativité et ce que j’en fais est exacerbé. La mélancolie on naît avec cette fibre-là qui ne s’explique pas. Moi j’en ai fait une planque de cette mélancolie, qui était bonne pour moi, mais pas pour mon évolution et ma carrière car je m’y suis cachée

Aujourd’hui cette mélancolie, je l’aurais toute ma vie – il est temps que je lâche les chevaux et que je puisse l’exprimer dans mon image. Il s’agit clairement de ça maintenant, je me vois telle que je suis, je m’accepte, et je me prends moins la tête… Il y a un truc un peu YOLO qui parait bateau mais c’est beaucoup pour moi et mes moments de mélancolie maintenant je les choisis, dont je profite et qui ne me définissent pas

 

On peut qualifier ton projet de « premier EP », alors que tu enchaîne les projets différents depuis dix ans, et que tu as une maturité dans ton projet musical et ton appréhension de l’industrie musicale aussi : comment tu ressens cette expérience ?

On me dit souvent, Naë, tu es une artiste émergente, mais j’ai l’impression d’être déjà vieille de process : je suis en développement sur la scène, mais les dix ans, je les ressens vraiment.

Cette expérience et ces efforts se concrétisent via cet EP qui peut paraître nouveau en termes de projet, mais ça finira par payer et peut-être que ca va marcher justement à cause de cette difficulté pendant dix ans. J’espère qu’on se dira que, pour une jeune artiste, il y a beaucoup de maturité dans mon propos, et que ce n’est pas pour rien.

 

Être reconnue pour ton expérience c’est une chose, est-ce que tu souhaites aussi plus simplement être reconnue parce que tu fais de la bonne musique ?

Je m’en fous d’être une star, d’avoir une reconnaissance d’image, par contre mon rêve profond c’est une reconnaissance de parcours : elle fait de la bonne musique parce qu’il y a eu plein d’efforts pour y arriver, ça je veux que ça soit valorisé.

Au niveau de ton expérience, justement avec le live, comment tu penses que cet EP va s’incarner sur scène ?

Je pense que ça va être deux fois mieux les lives, car mon texte est en train d’évoluer : tout l’EP est co-écrit avec Jérôme Attal, que j’aime à la mort, qui m’a énormément apporté musicalement, artistiquement mais comme toute rencontre humaine,  je sens que j’ai moins besoin de lui pour le moment car j’ai besoin d’écrire seule, donc mon propos est beaucoup plus sincère vu que je suis seule.

C’est ce qui va faire la différence avec le public je pense, je vais incarner ces textes que j’ai écrit avec beaucoup de facilité et de lâcher prise. Je veux faire ce lien avec le public parce que je me raconte, je raconte ma vérité, ma vie telle qu’elle sans la romancer et d’essayer de faire des textes génériques pour que ça parle à plus de monde… Mais les gens ne sont pas cons et savent quand ça ne sonne pas juste !

 

Tu parles d’écrire seule, comment tu envisages la collaboration aussi avec d’autres personnes : sur l’écriture, sur le côté musical, des instruments ?

Il y a beaucoup de producteurs musicaux dans l’EP avec moi, en réalité je ne suis jamais seule même sur scène.

Je pense qu’à l’avenir je vais envisager mes collaborations comme des accompagnements et non pas comme des nécessités : car plus jeune j’avais l’impression d’avoir besoin des gens, ne pas être capable.

Aujourd’hui je sais que je suis capable d’écrire un morceau, de le composer, de le maquetter seule -même si je ne suis pas la boss de Logic ou Abelton (rires). Je suis capable de savoir ce que je veux comme résultat, pour le mettre en forme – ça donne à la collaboration une nouvelle dimension, choisie, désirée, relax, sans cette personne je peux aussi le faire même différemment.

 

Puisque tu veux aller chercher autre chose, plus loin, avec quels nouveaux univers tu envisages donc de collaborer ?

J’ai envie de collaborer avec des artistes dont l’univers est plus éloigné du mien c’est un challenge : aujourd’hui par exemple c’est live et filmé, quand même quatre morceaux avec des violons, un bassiste, un batteur : ça c’est me faire travailler car je sors de ma zone de confort et ça va de pair avec la façon dont je vois mes collaborations

Il y a des gens que j’ai dans mon radar avec qui je veux travailler à un moment et j’attends pour pouvoir embrasser des styles et univers différents aussi car je suis multiple ! Dont le titre de mon EP : NOMBREUSE – parce que j’ai plein de facettes !

Justement, quelle est l’origine du titre « Nombreuse » de l’EP ?

Le nom « Nombreuse » c’est parce que je disais à une pote « mais en fait, je suis nombreuse », et finalement c’est un bouclier médiatique ! Si quelqu’un vient me dire « et tu te verrais dans quel univers musical » je peux répondre « Nombreuse » – ça permet de justifier, de légitimer n’importe lequel de mes choix artistiques. Aujourd’hui je suis avec des cordes, demain je mets une paire de santiag je fais de la country… C’est une tranquillité mais aussi j’assume d’être ce multiple … même si je suis sincère dans chaque fait et geste, ce peut être toutes les couleurs mais c’est toujours moi.

C’est pour ça que je travaille avec les mêmes personnes depuis dix ans qui m’acceptent dans toutes mes facettes. Pour quelqu’un qui ne me connaît pas, ça peut sembler comme “elle se cherche, elle ne sait pas qui elle est.” Mais moi je suis ça ! Ça a été terrible car pendant des années car j’ai lutté pour faire des choix, jusqu’aujourd’hui, où je commence tout juste à ne pas vouloir choisir car je peux tout faire.

 

Q : La multitude, le choix, est-ce que ça se ressent aussi dans ton univers visuel ?

C’est multiple même si des choses sont arrêtées : tout ce qui est de l’ordre du grain, du nostalgique, du vintage, régit mes visuels– je bosse avec de l’argentique pour ma photographie, et dans la réalisation de mes clips sur les titres « Eclair », ou « Le Love »: ça, ça reste, je suis dans le culte de la nostalgie et du souvenir, car la mélancolie va de pair avec la nostalgie. Dans le style aujourd’hui je ne vais pas me déguiser, dans le visuel pour mon EP et album je veux trouver un compromis entre me sentir jolie, je pense à ma tenue etc. sans pour autant le faire pour être belle – ça passe par faire des photos lifestyle en live, ou c’est du réel, mais aussi par moment me faire plaisir et faire attention à l’esthétique