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Rencontre avec Xavier Clergerie

Aujourd’hui s’ouvre la Paris Fashion Week Printemps/Été 2016, et les badauds curieux ont pu découvrir dans le jardin des Tuileries d’immenses tentes blanches. Il s’agit d’une partie du salon d’accessoires de mode, Premiere Classe (la seconde se trouvant au Pavillon Cambon), siamois du Who’s Next dont nous vous avions précédemment dévoilé des images.

Nous y avions rencontré Xavier Clergerie, co-fondateur de ces salons, avec lequel nous avions échangé sur sa vision des tendances, la mode aujourd’hui, l’internet et la country. Lisez plutôt :

by Gabriele Corredu

by Gabriele Correddu

Cela fait maintenant 20 ans que le Who’s Next existe. Quelles sont, d’après vous, les grandes étapes de sa construction et de son évolution ?

Tout ce qu’on fait est intuitif. Avant de commencer Who’s Next en 1994, on a démarré Premiere Classe en 1989, à une époque où l’accessoire n’existait pas. Dans les magazines, les accessoires n’étaient même pas crédités. Sauf que pour les gens, les consommateurs, l’accessoire était devenu un véritable média de mode !

Who’s Next est arrivé plus tard, quand on s’est rendu compte qu’il n’y avait que des marques basiques proposées sur le marché alors que les cultures alternatives débarquaient en masse, comme par exemple le hip-hop. C’était pour dire aux détaillants : « Réveillez vous ! Le beat débarque dans la musique, les mecs commencent à avoir les cheveux longs et à faire du skate, adaptez-vous ! ». Le marché des 15-25 ans n’existait pas vraiment, ou du moins n’était pas un marché commercial. Et cette génération était celle de la mondialisation et d’internet.

La mode est un langage social et philosophique. Le matin quand on se lève, on met le vêtement, l’accessoire dont on a envie. C’est quelque part le premier langage, avant même de parler, on s’habille. C’est un pouvoir énorme, et pour nous d’avoir l’opportunité de pointer du doigt « ça et ça vont évoluer », c’est un message très important qu’on essaie de faire passer à la distribution.

Vous parliez d’internet, aujourd’hui grâce à Tumblr, Instagram et tous les blogs, c’est devenu facile de capter toutes les nouvelles tendances. Comment avez-vous réussi à devenir précurseurs de tendances à une époque où le web n’avait pas cette ampleur ?

C’est intéressant parce qu’aujourd’hui, les gens vont chercher la tendance, avant ils la créaient. On est en train de tout normaliser. Avant on ne s’adressait pas à ceux qui cherchaient dans la mode, on allait chiner en fripes et on créait la tendance de la chemise de grand-père parce que ça n’était pas cher et qu’il n’y avait rien pour nous. Quelque part, c’était plus dans le souhait de s’imposer en tant qu’adolescents ou jeunes adultes ; il n’y avait pas de marques, pas de logos.

Avant, ce qui était facile, c’était que tout le monde avait son propre style. Quand on a créé Who’s Next on a regroupé des gens qui avaient leurs propres styles et qui avaient envie de le partager. Aujourd’hui la tendance ne veut plus rien dire. C’est un produit qu’on aime, c’est un truc qu’on a vu sur Instagram. Il n’y a plus de grands discours, parce qu’on est les prisonniers de la trop grande liberté qu’on nous a laissée, on a le choix d’aller faire et voir ce que l’on veut et on ne nous contraint plus à créer, à sortir d’un cadre. Aujourd’hui tout est à la mode, on ne sait même plus quoi chercher et donc on n’arrive plus à avoir son propre discours.

La problématique dans la mode de nos jours est que tous les magasins présentent des choses bien. Avant quand on voyait une belle vitrine, on s’extasiait. Aujourd’hui des chaînes de grande distribution de vêtements font des vitrines incroyables, on ne sait plus si c’est du haut ou du bas de gamme.

On a une accessibilité trop simple aux choses.

Pour annoncer le Who’s Next de septembre 2015, vous avez publié un communiqué parlant du manifeste « Anti-Fashion » de Li Edelkoort. Quel serait le manifeste de Xavier Clergerie ?

Elle a dit « Anti-Fashion », moi je vais dire que « La Mode n’est plus à la mode ».

Et ce qui est intéressant à côté de ça, c’est qu’on ne sortira du marasme que par l’individu. La mode peut être considérée comme l’expression de révolution sociétale. Les choses changent, on se demande ce qu’est la crise économique, il y a un ras-le-bol général. On n’est plus dans des phénomènes de masse ; de plus petites communautés se créent, il n’y a plus de grandes tendances.

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by Gabriele Correddu

 

Pour vous quelle a été la grande innovation de l’année en matière de mode ? Vous avez un forum des tendances au Who’s Next, avec des focus sur le textile, l’utilisation de nouvelles matières…

Honnêtement, ce n’est pas ce qui compte pour moi. A la fin, peu importe la technicité. On est un salon de style, on met encore du coton, du lin, toutes ces choses-là. Il peut y avoir des choses qui m’ont marqué dans la mode, mais en tout cas, ça n’est pas le pendant technique qui va m’intéresser.

Socialement, j’ai l’impression qu’on est plus dans une démarche rurale qu’urbaine de nos jours. Cette démarche urbaine a été là, avec les phénomènes musicaux qui l’ont accompagnée. Mais aujourd’hui, si l’on doit développer des choses, je parierais par exemple plus sur la country que l’électro. L’électro est partout, c’est un fait, mais il y a un développement énorme de festivals western en province et non, ce ne sont pas nécessairement des jeunes urbains qui font ça, mais c’est la France entière.

Les jeunes parisiens qui approchent ou ont la trentaine se posent la question d’aller vivre en province, en se demandant où se trouve la qualité de vie. On revient à des valeurs de l’envie de bien vivre. Ne pas se laisser happer par le travail ou les attentes qu’on croit percevoir de la société. Arrêtez les selfies, exacerbez votre créativité, l’ennui c’est merveilleux !

Sinon, il y a un pays dans lequel il faut aller : la Corée. Ce sont de vrais fashion victims, c’est dingue, mais c’est en fait le même souffle que nous avons connu en France dans les années 80, et qu’on a perdu.

Par rapport à d’autres événements fashion, Who’s Next bénéficie d’une aura plus sympathique, loin du clivage que peuvent ressentir les fashionistas amateurs et confirmés pendant les fashion weeks, par exemple. Comment l’expliquez-vous ?

On essaie de proposer quelque chose d’expérientiel, en 3 dimensions, avec de l’humain. Les gens viennent voir le créateur, c’est ça qui est important. Le vêtement que tu vois sur internet est incarné par une personne. Aujourd’hui, on lutte contre des grandes chaînes de magasins. Les gens ont besoin d’être dans le dialogue, le toucher, voir en vrai. La convivialité est très importante : on offre le champagne, on met de la bonne musique ; le salon a vocation à mettre les gens en contact.

On a hâte de découvrir l’édition d’hiver du Who’s Next x Premiere Classe du 22 au 25 Janvier 2016, et en attendant nous irons nous perdre avec plaisir au milieu des accessoires rassemblés cette semaine au jardin des Tuileries et au Pavillon Cambon ! 

par @Joz2p