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ABCDR du rap français en 2015 – Partie 3

Chaque vendredi de Septembre, l’Arche Narrative nous dévoile son ABCDR du rap français en 2015, histoire de remettre les points sur les i. Aujourd’hui, la partie 3: les lettres K à R.

Une fois de plus votre serviteur Eudes Lacroix a traversé vents et marées, esquivé les coups de schlass et les mollards des tarba pour vous relater sur le papier les singularités linguistiques du rap français. Histoire que vous ne finissiez pas ringard comme Laurent Ruqier et Yann Moix sur le Plateau d’ONPC samedi soir dernier. En bref pour que vous restiez un peu dans le game nom de nom !

Sans autre forme de préambule, je vous propose donc d’entrer immédiatement dans le vif du sujet car cette 3ème partie est suffisamment longue comme ça et si j’en crois l’amour immodéré de certains pour Konbini, la série “Bloqués” et les tubes de Martin Solveig les trucs longs c’est pas toujours votre truc.
Alors allons-y tout schuss !

Ah et au fait Yann Moix, je ne te salue pas : de là où je viens tu finirais couvert de goudron, de plumes et de foutre pour parler de quelque chose que tu ne connais pas et que tu méprises si ouvertement.

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Yes Man !

K comme KHEY

Se prononce « Reille ». Comme  dans « Lana del Rey ».
Vous voilà prévenu ; ne venez pas vous plaindre si vous vous tapez l’affiche en disant « ‘kay  » comme un chauffeur de Tuk-Tuk thaïlandais.

Aussi obscur qu’il puisse paraître, le concept de khey est en fait très simple.
Vos kheys ce sont vos sauces, vos poteaux, vos frères, les vrais : ceux avec qui vous faites les 400 coups depuis que vous êtes en âge de rouler, les galériens qui partagent votre quotidien et avec qui vous faites régulièrement refouler de boite le samedi soir avant d’échouer dans un grec à Clignancourt où vous répétez que toutes façons cette soirée puait la défaite #rageux.

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Lana del Khey : Paint n’a plus de secret pour moi.

Des kheys – vous l’aurez compris – on en a tous.
Mais attention, ça ne vous donne pas pour autant l’autorisation d’utiliser le terme n’importe comment ! Mieux vaut l’employer dans un contexte qui s’y prête un minimum.
Par exemple, dire « hier soir avec les kheys on s’est calé chez Reda fumer des lourds sticks sur du Psy4delaRime »c’est ok.
Par contre, dire « hier soir avec les kheys, on s’est calé chez Alberic boire de la Manzanita en écoutant un gros Bénabar » c’est ok aussi mais un peu moins.
Et à moins que vous ne soyez en 4ème B au collège Saint Jean de Passy, c’est surtout inquiétant.

Voir aussi Kerave, Kicker, Kisdé, Kaaris, Koma, Keny Arkana, Kartel, Kamelancien,   Karlito, Kohndo, Kool Shen, Kacem Wapalek, Kartel, Kheops, Kery James, et bien sûr, Karim Benzema. Lol

L comme LOURD

Se crie en concert et s’écrit sans modération sur Youtube avec un tas de point d’exclamation si vous êtes aimez ce qu’il se passe.
Par exemple « Hier soir, le concert de la Smala c’était lourd ! » = « Hier soir c’était cool »
En bref, sert à manifester votre enthousiasme. Pas la peine d’y passer la nuit.

Voir aussi : L’Entourage, Lacrim, Lomepal, “Le rap est mort”, L’Indice, Locking, Lefa, La Smala, Lino, Lord Kossity, Luidji, La Mannschaft, La Fouine, Le Gouffre, Lyrics, LIM, Le Rat Luciano. 

M comme MORRAY

Nota Bene : n’a rien à voir avec l’acteur Bill Murray et encore moins avec la recette fromagère éponyme – on ne se fait pas une tartine de « St Morray »

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Rien à voir. It’s a trap.

On est plus très sûr de l’origine exacte du mot Morray même si certains l’attribuent à de l’argot manouche, voire celte. Comme je suis pas très calé sur la question et que ça m’emmerderait de vous dire des conneries, on parlera surtout de l’expression popularisée – pour changer – par Booba et son album Futur sorti fin 2012 dans lequel il fait une fixette sur le terme et nous le sert à toutes les sauces. Sans surprise – on parle de Booba – Futur est un carton en termes de ventes. Dans la foulée, « Morray » fait le buzz et l’expression « Bah bravo Morray » devient un grand must.

Pourquoi me demandez-vous ?
Et bien tout part d’une histoire un peu pétée ou plutôt d’un titre de l’album en question : « Wesh Morray », titre assez moyen envoyé en éclaireur quelques mois plus tôt dans lequel Booba met gratuitement une fessée à Willy Denzey qui n’avait rien demandé à personne et aspire surement à un peu de quiétude après une carrière mouvementée.

Et là tout d’un coup pouf !  Plutôt que Willy Denzey, c’est Rohff qui sort de sa Pokéball et fait un gros caca nerveux pensant que le titre est une insulte lui étant directement destinée. Alors que…bah non, pas du tout.
Mais c’est pas grave, Rohff voit rouge et sa réponse ne se fait donc pas attendre avec « Wesh Zoulette », titre assez moyen aussi – où il explique que si lui il est nul et bah euh Booba il l’est encore plus et c’est celui qui l’a dit qui y est d’ailleurs. Et pan, dans les dents.

Ca doit être compliqué la vie de Rohff quand même : à chaque fois qu’il voit une embrouille, il est persuadé que c’est contre lui. Il doit cruellement manquer de confiance en lui ce garçon. Et ça doit donner lieu à des situations complètement absurdes dans les embouteillages quand deux conducteurs s’engueulent et que Rohff sort de nulle part pour se taper avec eux.

Voir aussi : Mac Kregor, Mac Tyer, Maitre Gims, Mala, MC Jean Gab’1, Médine, MC Solaar, Ménélik, Mister You, Mokobé, Morsay (évidemment), Mystik, MC, Mainstream, Mic, Major, Mixtape, Maille. 

N comme NARVALO

Gros beauf dans le rap game. Du genre à porter des bobs et à arborer fièrement des chaussettes de tennis dans ses tongs. Ah nan attendez ça c’est Deen Burbigo.

Voir aussi : Nakk, Nekfeu, Némir, Nessbeal, Niro, Nubi, Nachave, New School, NTM. 

O comme #OKLM

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Là j’ai même pas eu besoin de Paint : Internet est fantastique.

Après on arrête avec les expressions de Booba promis.
Mais bon avouez que vu le nombre de snapchats que vous vous envoyez avec ce foutu hashtag qui ne sert à rien d’autre qu’à dire que vous chillez dans votre pistoche à Saint Malo pour narguer les copains restés à Paris, il fallait bien lui consacrer une lettre.
Le succès de #OKLM, à l’instar des « khey » « morray » dont on a déjà parlé un peu plus tôt, illustre surtout le talent de Booba à rendre viral tout ce qu’il touche. Et au-delà de ça, avec ce droit divin dont dispose Booba à dépoussiérer, synthétiser et inventer des mots, j’ose pas imaginer les branlées qu’il doit mettre à ses potes au scrabble.

Voir aussi : Oxmo Puccino, Orelsan, Ol Kainry, Old School, Odezenne, Omry, OP

P comme PUNCHLINE

Et si contrairement à ce que revendiquait Hugo TSR, c’était Davodka le roi de la punchline ?

Une punchline signifie littéralement une phrase coup de poing.
Le plus souvent une punchline réussie a un double sens de lecture.

Quelques exemples en vrac :

« Pour réussir dans le rap, faut être dans le coup comme une trachéotomie » Davokda

« J’ai plus de flow qu’une femme fontaine » Booba

« Faudrait que je te casse un bras pour que tu fasses une radio » Nekfeu

La punchline décroche donc souvent le sourire de l’auditeur, amusé par l’inventivité et l’audace de l’artiste qui, décidément, a de l’esprit!
Ceux qui sont moins contents ce sont les rédacteurs de Rap Genius pour qui doivent retaper les textes de l’artiste. Une mission simple de prime abord mais qui peut vite se transformer en véritable calvaire : faut-il épeler la phrase avec le sens A ou le sens B?
« Loin des Emirats Arabes, y’a qu’envers l’Etat que je peux être un sultan ? / insultant ? ».

Casse-tête.

Voir aussi : Pand’or Camélia, PNL, Pit Baccardi, Passi, Pyroman, Pélo, Pera, Phase, Pull-Up, Poucave, Posse, Pone, Psy 4 de la Rime

Q comme euh…comme quoi d’ailleurs ?

Je sèche

R comme RACISME

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Fléau des plus terribles s’il en est. En France, le rap en a fait les frais.
Le phénomène apparaît au milieu des années 90 alors le rap perce pour de bon et vit ce que beaucoup appelleront son âge d’or, incarné par le succès populaire d’IAM, NTM, Assassin et la Fonky Family. Parallèlement, la criminalité en banlieue connaît un essor sans précédent et le gouvernement se demande si quand même le premier truc aurait pas un peu à voir avec le second parce qu’après tout c’était jamais arrivé avec Moustaki tout ça.

Du coup une corrélation foireuse est rapidement établie entre le succès de cette « musique urbaine » et l’explosion de la délinquance commise par les jeunes issus de l’immigration. Une écoute prolongée d’un disque de NTM réveillerait ainsi chez la population noire et arabe une envie soudaine de brûler des voitures, de mettre des balayettes à des vieilles dames sur les Champs-Elysées en répétant « Assassin de la police » avant d’aller renifler le cul des lycéennes tel un clebs en chaleur. Bref, le rap est méprisé et ses représentants tout autant.

Après, il faut reconnaître que certains collectifs – à l’image du Ministère Amer et leur « Sacrifice de Poulet », par goût de la provoc’ aimaient bien tendre le bâton pour se faire battre. Mais bon, il n’y avait qu’à voir Doc Gyneco et Stomy Bugsy sur un plateau télé pour comprendre qu’il n’y avait somme toute pas grande chose à craindre des lascars en question : les mecs ne risquaient pas sitôt de mettre le feu à quoi que ce soit si ce n’est un énorme djoko de beu.
Depuis, beaucoup de rappeurs s’évertuent à dénoncer le racisme et les rapprochements douteux dont le rap fait malheureusement encore l’objet aujourd’hui. Le Doc’- toujours lui – cherchait déjà à pacifier les choses au début des années 2000 avec des morceaux qui fleurent bon l’amour, la ganja et les instrus de films RTL9. Et puis il s’est barré en couilles en écrivant « Sarkozy et moi : une amitié au service de la France » qui reste l’un des plus grands monuments de gêne jamais édifiés 8ans plus tard.

Voir aussi : Rim’K, Rocca, Rohff, Rocé, Raquer, Rap conscient, Rap alternatif, Rotka, Rap politique, Ricardo.

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