[ITW] Le collectif MU fait murir Paris.
Lifestyle, Musique - 16.2.2018
A l’occasion de la sortie du guide des Grands Parisiens, focus sur le Collectif MU.
MU invente, réinvente notre vision des divers endroits de la capitale pour toujours proposer de nouvelles expériences festives et culturelles. Pour mieux comprendre MU, il faut imaginer un incubateur de talents, de passions et d’idées, tout ça dans le but de dynamiser Paris et ses environs.
BETC POP a eu l’occasion d’échanger avec ces spécialistes de l’art sonore.
C’est quoi le collectif MU ?
Le Collectif MU, c’est à la base un collectif d’artistes et de producteurs réunis autour d’un intérêt commun pour la dérive en zone urbaine, dont un des actes fondateurs a été présenté lors de Nuit Blanche en 2005, dans le quartier de la Goutte d’Or .
https://www.mu.asso.fr/sound-drop/
Il s’agissait alors de proposer au public, muni d’audioguides de musées détournés, une déambulation dans l’espace public à l’écoute de pièces sonores réalisées par une dizaine d’artistes invités et de confronter l’écoute au territoire si particulier de ce quartier du 18ème. Depuis le collectif a évolué au fil de projets et des rencontres.
Comment est-ce que vous vous êtes rencontrés ?
La plupart des membres fondateurs sont issus de l’équipe pédagogique de l’École du Fresnoy. Depuis, de nombreux membres provenant d’horizons très divers se sont agrégés autour du noyau dur.
La Station a marqué l’occasion de faire de nombreuses nouvelles rencontres !
Vous proposez des ateliers dans des écoles, pourquoi cette volonté d’ouvrir vos portes aux enfants?
Dans le projet d’implantation sur le quartier de la Porte d’Aubervilliers, il nous a semblé primordial de rencontrer les jeunes qui entourent la Station – Gare des Mines. Ces initiations aux pratiques sonores peuvent adopter différents formats : cela peut être proposé à des institutions scolaires, des médiathèques ou bien lors d’événements de quartiers de part et d’autre du périphérique. La Station est au croisement de ces territoires en pleine mutation et se trouve au coeur d’enjeux liés de part sa proximité avec la Porte de La Chapelle). Les enfants avec lesquels nous avons jusqu’ici travaillé nous parlent beaucoup des difficultés liés à ce territoire et des questions brûlantes de leur quotidien. L’idée est de faire intervenir des collaborateurs du Collectif MU qui ont une pratique artistique qui travaillent également sur des projets hors-les-murs tels que Nuit Blanche ou bien Hors-Limites à Beaubourg. Le travail s’organise sur plusieurs séances et propose une manipulation d’un matériel son professionnel et la présentation d’une application numérique « SoundWays » sur laquelle nous proposons des balades sonores géolocalisées. Ces parcours permettent aux enfants de développer une certaine curiosité autour des métiers du son, de voir un autre usage du numérique. Mais aussi de partir à la rencontre des habitant.es de leurs quartiers et d’apprendre à l’appréhender autrement.
Vous semblez attacher au 18 arrondissement. Que pensez-vous de la gentrification de Barbès?
C’est un des gros mots du moment, il est toujours un peu difficile de savoir ce qui se cache derrière ce terme et le rôle exact des artistes dans ce processus que personne ne peut nier : sont-ils des acteurs ou bien des victimes consentantes du fait de la précarité des occupations temporaires qui leur sont proposées ? A ce titre on note que chaque projet est différent et on ne peut pas dire que La Station ou le Garage MU sont équivalents à La Recyclerie ou à Ground Control ni du point de vue de la programmation, ni de celui des publics. Le rôle des artistes dans la gentrification a justement été l’un des thèmes abordés durant les tables rondes de Métamines, un événement que l’on a organisé à La Station en juin 2017 et que nous allons rééditer en juin 2018 (le thème sera le Grand Paris – une journée aura lieu aux Magasins Généraux en partenariat avec BETC). On se situe en tant qu’ “observateur participant” comme on le dirait d’un anthropologue ou d’un sociologue, du fait de notre attention portée sur les mutations urbaines mais aussi du rapport qu’entretiennent la plupart de nos productions avec les territoires d’intervention comme nos parcours ou nos installations sonores. Ceci est valable tant dans le quartier de la Goutte d’or dont est issu le collectif (et où se trouve toujours notre Garage MU) que dans le quartier de la Porte d’Aubervilliers, où est implantée la Station – Gare des Mines depuis 2016 et ou remplacent aujourd’hui l’ancien cirque Moreno les nouveaux locaux de Chanel.
De plus en plus de friches se réveillent, énormément de zones urbaines sont réhabilitées par des collectifs d’artiste, quelles sont celles dont vous vous sentez proches ?
On a des accointances particulières avec la Halle Papin et le 6b, Le Doc (avec qui on a présenté récemment des événements protéiformes, à la fois chez eux et chez nous) ainsi qu’avec Le Wonder/Liebert (à qui a on proposé une carte blanche chez nous). Dans tous les cas, ce sont des structures qui tentent de nouvelles expériences, et qui sont force de proposition aujourd’hui dans le paysage culturel francilien. 2018 sera l’occasion d’associer nos forces lors du festival Soleil Nord-Est, qui a vocation à réunir durant un temps défini une proposition artistique commune.
La Station, gare des mines
Avec l’effervescence de ces nouveaux endroits notre façon de faire la fête change considérablement. Pour vous, comment ont changé les soirées parisiennes ?
Il y a assurément un profond renouvellement du monde de la nuit qui résulte de très nombreux facteurs : une tolérance accrue pour les lieux atypiques de la part des forces publiques (on en a fait l’expérience avec le Garage MU puis le passage à La Station), un désenclavement très marqué et une volonté d’ouverture au delà du centre parisien. En parallèle à tout cela, une scène artistique locale dans un formidable essor qui profite pleinement de l’ouverture de tous ces lieux. La fête est sûrement plus libre et plus ouverte globalement qu’il y a quelques années, où seuls quelques clubs étaient habilités à recevoir un public plus “choisi”.
Avec la digitalisation de beaucoup de services, des banques aux supermarchés, on va avoir de plus en plus de lieux physiques qui vont se libérer, comment voyez-vous la ville évoluer/quel serait votre rêve pour ces lieux ?
Si cela permet déjà d’accueillir ceux qui n’ont pas de toit au dessus de leur tête…! Sinon évidemment nous concernant, ça nous laisse entrevoir de nouvelles possibilités en terme de “tiers lieux” culturels, ce que nous tentons déjà d’opérer avec La Station : des espaces hybrides capable d’accueillir aussi bien des résidences d’artistes autour de fablab que des soirées.
Le grand Paris en un mot pour vous c’est ?
Un enjeu politique aujourd’hui, peut-être enfin une façon de sortir du centralisme parisien : apporter un peu de curiosité et créer l’occasion de créer de nouveaux déplacements de la part du public au sein de nouveaux territoires.
On peut avoir des infos sur votre projet aux magasins généraux ?
Pour Métamines 2, on quitte l’idée d’analyser la dimension locale de la zone des Mines et les grandes mutations du Nord Est Parisien. On a choisi le Grand Paris. On cherche cette fois à explorer en quoi le regard des artistes participe à la construction d’un imaginaire Métropolitain. Et l’émergence de nouveaux outils pour raconter la Ville à cette échelle : on va y parler Drones, cartographies sensibles et aussi réseau de tiers-lieux comme sémaphores pour observer ce nouveau Paris en train de se construire Il y aura des workshops et des expos à la Station, au 6B à St-Denis et au Centre Commercial du Millénaire à Aubervilliers. Sans doute des croisières pour joindre ces 4 lieux qui sont reliés physiquement par les canaux ce qui permet aussi de travailler artistiquement sur les déplacements des publics. Pour nous le Nord-Est parisien est le lieu – terrain de jeu idéal – où s’expérimente et se construit cet imaginaire métropolitain et la concentration des artistes et des créateurs dans ce bout de métropole n’y est pas pour rien ! Il me semble que ça n’a pas échappé au Guide des Grand Parisien qui a nommé cet espace “‘La Fabrique”.
La soirée dont vous êtes le plus fier ?
Ce serait peut être le Garage MU Festival dans son ensemble, qui représente assez bien ce que l’on souhaite défendre d’un point de vue des couleurs musicales et du brassage des publics : à la fois pointu mais accueillant, pas snob : il n’y a pas que les happy fews qui y passent une bonne soirée.
Vos futurs projets ?
Il y en a beaucoup ! Parallèlement aux activités musicales de La Station, on égraine pas mal, on lance de nombreuses collaborations, on reste attentif à ce qui peut se passer autour de nous. Dans les tuyaux, nous avons premièrement les nouvelles éditions des temps forts de La Station – Gare des Mines avec Métamines #2 en juin, le Garage MU festival #3 en juillet mais aussi Station Électronique en août, le festival Queer-Féministe “Comme Nous Brûlons” dont la 2e édition aura lieu en septembre). le développement du SonicLab en collaboration avec Brutpop (création d’instruments destinés aux publics en situation de handicap) qui voyagera sur une péniche en juillet à l’occasion de FAB14, le rassemblement mondial des makers qui doit avoir lieu au Parc de La Villette (on doit d’ailleurs s’arrêter aux Magasins Généraux !). Et bien sûr le développement de la notre plateforme SoundWays (environnements sonores géolocalisés sur téléphone mobile) et de la webradio Station Station et sa trentaine de bénévoles. Nous voulons leur donner plus de visibilité via des partenariats éditoriaux notamment à l’échelle du Grand Paris…
Pour mieux vous connaître, vous lisez quoi en ce moment ?
Je viens de commencer “Moins que Zéro” de Bret Easton Ellis – un roman sur une autre mégapole, Los Angeles, au milieu des années 80, et racontée par un auteur qui a à peine 20 ans. Ses références, il ne faut pas aller les chercher du côté de la littérature mais du côté de la musique et du rock – reflet de l’époque avec ses personnages, ses lieux et ses codes. A leur échelle, c’est aussi un peu ce que les projets de MU tentent aussi d’incarner. Je lis aussi Mojave Epiphanie, le dernier bouquin d’un ami – Ewen Chardronnet – une histoire secrète de la conquête spatiale américaine avant la militarisation de l’espace : on y retrouve sciences occultes, drogues, transgression… la nécessaire dose de folie qui est à l’origine de toute invention !
Matteo est sur instagram @matteoveca