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Nicolas Ly, écrire, composer et chanter pour toucher à l’os

Auteur-compositeur-interprète, Nicolas Ly a sorti son premier EP « Rue de la Folie » le 17 juin 2021 (produit par le prometteur label Raisonance). Délaissant les textes en anglais qui l’avaient fait connaître avec son groupe bruxellois Applause, Nicolas Ly offre un projet poétique aux thématiques lyriques et souvent dramatiques s’inscrivant dans une belle tradition française de chansons à textes pleine d’aspérités et de paradoxes.

Un lyrisme grave et sincère

« Près de toi, je m’étends,

tu murmures quelques mots,

et je décolle,

 et je sais qu’à présent

mon paradis est au troisième sous-sol » Troisième sous-sol

            Inspirés de son vécu, les textes de Nicolas Ly, qu’il peaufine depuis 2019, ne tournent pourtant pas autour de l’anecdote mais davantage autour de la métaphore et du symbole. Dans Troisième sous-sol, il évoque ainsi le traumatisme du couple « je parle de la toxicité à laquelle on s’habitue au point de devenir un objet pour l’autre et où l’on ne se rend plus compte de ce qu’on devient. Même si c’est génial de s’abandonner à l’amour parfois certains couples s’isolent tellement qu’ils finissent par créer un univers angoissant. Je parle de ces personnalités dangereuses qui finissent par te faire croire que ton paradis, il se situe au dessous de toi

            « Au puits de mon ego

Il n’y a plus rien au fond tu sais

Y’a plus rien qu’un dernier écho

Qui sonne comme un doux regret

Doux comme l’enfer. » Bleu comme l’Enfer

            Dans Bleu comme l’enfer, c’est le bleu de l’ecchymose qui sert de symbole pour évoquer les violences physiques et psychologiques au sein d’un couple. « Bleu comme l’enfer, c’est ouvert à l’interprétation mais à la base j’ai imaginé un couple au bord d’un lac avec un nuage bleu-noir menaçant au dessus-d’eux. Au fur et à mesure, je me suis dit que le bleu de ce ciel nuageux, c’est le bleu des ecchymoses d’un couple qui se tape dessus. » Porté par le piano, la voix très près du micro et le côté crooner de l’artiste, on se sent proche des interprétations d’une Barbara ou d’un Brel. Ce lyrisme postmoderne permet ainsi à Nicolas Ly d’évoquer des thématiques lourdes, souvent dramatiques qui traversent notre société.

Des figures puissantes et entêtantes

« Je sais, je t’aime à ma façon,

Je te guette en Night Vision

Je sais que tu aimes traîner nue le matin

Que tu n’aimes pas qu’il reste le lendemain

Tes amants tu les aimes en Alexandrin » Night Vision

             Fascinée par ce qu’on peut faire de plus fou par amour, Nicolas Ly évoque dans Night Vision, un vice, celui du voyeurisme :  «Je me suis imaginé un œil regardant dans un objectif, j’évoque quelqu’un qui observe une personne, qui connaît tout de la vie de l’autre. J’aime bien cette ambiance sulfureuse tout en restant poétique. »  Hommage là encore à la femme poison Baudelairienne, à Catherine Deneuve dans Belle de Jour, ou à Monica Bellucci dans L’apparterment. Dans ce titre, on pense aussi à nos nouvelles habitudes liées aux réseaux sociaux : « J’évoque aussi le fait qu’aujourd’hui on se regarde tous, on peut faire ça avec les réseaux, on peut tout connaître de quelqu’un.» Si le thème n’est pas léger, la chanson se construit dans le paradoxe et le relief grâce à une mélodie disco et pour le coup aussi obsédante que le personnage mis en scène.

             Le fil rouge de l’EP se trouve ici, dans le paradoxe : trouver du sens, de la lumière et de la poésie malgré la violence des sentiments :«J’aime bien le côté post romantique, le romantisme noir qui deal avec des choses complexes mais qui cherche la lumière. Cette lumière, que l’on trouve partout, c’est l’amour et c’est lui qui nous fait vivre. »

« J’ai qu’une envie, qu’on s’envole Rue de la Folie(…)

Donne moi encore quelques éclats dans mes yeux»

Rue de la Folie

            Le paradoxe, il l’illustre aussi dans le son : Rue de la Folie, qui rend hommage à sa rue (la rue de la Folie-Méricourt dans le XIe à Paris) et qui a aussi donné le titre de l’EP. Paris, qu’il nomme « Mélancopolis », est pour l’artiste un lieu de mélancolie mais aussi de folie qui, depuis les attentats, est difficile à appréhender : « J’ai eu envie d’inventer ce mot, Paris c’est la mélancolie mais c’est aussi une fièvre, je voulais évoquer une ville qui se relève d’une situation de guerre et qui va pourtant vers la lumière. »

Un onirisme visuel

« C’était il n’y a pas si longtemps

Je tenais ton visage tremblant

On avait le désir sous la peau

La peau marquée par les chaînes. » Bleu comme l’Enfer

            L’artiste, bien accompagné par la maison de production et d’édition Raisonance, fait vivre ses textes grâce à des clips bien scénarisés, léchés et incarnés. Ses différents clips rendent hommage au cinéma français, de François Truffaut (avec La femme d’à côté) à Luc Besson (avec son clip Pull Marine pour Isabelle Adjani). L’accompagnement par Raisonance a été une évidence pour Nicolas Ly : « il n’y a pas de hasard,  la rencontre était parfaite ». La réalisatrice Elisa Baudouin s’est donc permis pour Bleu comme l’enfer, de mettre en scène une mariée mélancolique et Baudelairienne marchant voilée vers son lit symbolique de douleur pour s’y laisser mourir. L’artiste, toujours présent pour incarner ses paroles à l’image précise qu’« à chaque fois, pour une chanson dont je suis fier, il y a quelque chose de sacré, on se doit de proposer une sorte de rêve. A travers le clip tout est symbole et rien n’est décoratif.» Rien n’est donc gratuit ni fortuit, l’image est vue comme une force symbolique capable de rendre plus marquant le texte surtout quand il s’agit d’évoquer les violences conjugales dans Bleu comme l’enfer ou la toxicité du couple dans Troisième sous-sol.

Marie-Gaëtane Anton

en remerciant Nicolas Ly pour sa précieuse collaboration.