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Chien Noir, Histoires Vraies.

Crédits photo : Emilio Chulia

Chien Noir a sorti son premier EP – Histoires vraies – le 19 mai 2021,  offrant à la scène française des mélodies subtilement maîtrisées, une voix rassurante et surtout une poésie puissante emplie de symboles.

 

Signé par le label Naïve, multi instrumentiste, ancien élève du conservatoire de Bordeaux où il a fait ses classes en électro acoustique, Chien Noir parle de lui et crée un univers riche et référencé. Cet aboiement vital et cathartique, nous allons tenter de l’appréhender, sans pour autant décrypter tous ses mystères, mais pour, au moins, vous donner envie de l’écouter.

Chien Noir : le recours au totem pour partir en quête.

« O mon Amour,

un peu de pluie calmerait tout ça

un peu de pluie pour calmer tout ça

La vie est belle

Le chien aboie

Mais après quoi ? »

Drôle de vie 

A l’image des héros de Jack London ou de Robert Louis Stevenson, Chien Noir (personnage de pirate que l’on trouve d’ailleurs dans l’île au Trésor),  nous invite dans différentes quêtes qu’il a déjà lui-même pu accomplir à travers sa musique, comme l’acceptation de son passé ou la volonté, quasi camusienne, d’être libre et conscient de la beauté du monde malgré son absurdité.

Dans Quelle importance, Chien noir évoque le début de la quête dans laquelle « on s’élance sans réfléchir avec une carte mal dessinée » et à travers elle, « avec un peu de chance, on ne s’arrêtera pas de rêver ».

Sensible aux récits d’accomplissements, Jean Grillet, de son vrai nom, a choisi un chien comme alter ego, un compagnon, comme Yvain avait choisi son Lion ou Weedon Scott Croc-Blanc. Le chien, en ce qu’il symbolise un être sauvage que l’on peut domestiquer mais aussi un gardien et   un ami fidèle, ne pouvait pas être mieux choisi par l’artiste pour évoquer sa « drôle de vie » où « il y a nos yeux qui se referment devant ses flammes qui nous retiennent toujours un peu trop fortes pour qu’on les retienne à notre tour ».

La robe de ce chien sensible se devait d’être noire pour cet artiste qui parsème ses textes de motifs nocturnes, comme le prouvent ses titres « La Nuit le vent » (en duo avec HollySiz) ou « Qu’est-ce que tu fais dans le noir ? » et qui écrit principalement la nuit : « Je laisse une toute petite lumière, et quand vient le noir, tout est possible. »  Alors certes le proverbe nous dit « les chiens aboient, la caravane passe » mais « si Chien Noir aboie », pas sûr que l’on reparte.

Sortir conscient des traumas de l’enfance

« Qu’importe la lune et sa face, qu’importe

Qu’importe que le ciel se casse 

Tant qu’il y a des histoires vraies, qu’on raconte à voix basse

Il y a des histoires vraies, elles parlent toutes de liberté.  » Histoire vraie

Le motif de l’enfance semble inhérent à son écriture, période qui fut pour tout à chacun  un paradis perdu mais aussi le terrain fertile des angoisses et des peurs avec lesquelles on doit dealer toute notre vie.  Psychanalyse à l’appui, les motifs d’exploration de l’inconscient infantile sont bien présents dans ses textes. On y retrouve des lieux tels que les bois, la forêt, la chambre d’enfant mais aussi des motifs comme la porte dans le noir, les fantômes, les monstres ou les rêves.

L’artiste qui, enfant, écrivait déjà, dit d’ailleurs aujourd’hui qu’il a « l’impression d’écrire à son mini-moi ». Rien d’étonnant donc que dans le morceau « Qu’est-ce que tu fais dans le noir ? », les motifs de la petite enfance apparaissent nombreux : « Moi je crois aux fantômes dans la forêt, je les vois qui se transforment la nuit tombée, il y a des bruits, je suis déjà passé par ici. Qu’est-ce que tu fais dans le Noir ? Je ne veux pas qu’il t’emporte, ferme bien ta porte. »

Les fantômes de Chien Noir sont réels, il les a rencontrés dans le Bordelais, au creux des vignes aussi solaires qu’austères, dans sa maison d’enfance « qui semblait bouger toute seule »  mais les plus importants, pour lui, sont ceux « qu’on a laissés en nous. »

Dans Histoire vraie, Chien Noir révèle cependant que pour vaincre ces traumas, il faut les évoquer, y faire face et pour cela, il faut raconter des histoires vraies même « à voix basse ». Il n’y a donc qu’ainsi « que les angoisses peuvent être acceptées et  que l’on peut reconnaître qu’on devient très vite ce que l’on est ou ce qu’on a toujours été.  Il faut réussir à s’accepter. Ma quête à moi c’est de m’accepter tel quel et de kiffer la vie, après tout ! Surtout quand on sait qu’entre le bonheur et le vide, la frontière est ténue».

Une écriture frénétique pour invoquer la liberté, la beauté et l’amour

 «  C’est juste une seule fois

C’est juste une nuit comme ça

C’est juste ton corps que je soulève

De l’or au coin des lèvres

C’est juste que j’y pense encore un peu

À nos ombres dans la lumière bleue » Lumière Bleue

Chien Noir a aussi pour caractéristique artistique de placer le motif, le symbole avant le sens, évacuant ainsi le narratif ou l’anecdotique, « pour moi, l’image est plus forte que tout », ce qui n’est pas étonnant pour cet admirateur d’Apollinaire. Se dégagent de sa musique et de son écriture, une tension permanente (répétitions de mots, litanies, paronomases) propre à l’écriture frénétique dont il se réclame.

Pour cela, la prose américaine (beat generation et suiveurs) – comme celle de Tom Wolfe à qui il a emprunté la citation « le soleil n’arrête jamais de grandir » dans Acid Test, ou celle de William S. Burroughs – sert de référence à Chien Noir qui écrit en répondant à ses élans, à ses respirations, à ses rythmes proches de l’essoufflement.

Rien d’étonnant ainsi qu’en live, Chien Noir, de nature pourtant pudique, semble investi charnellement, à la guitare ou au piano ; son corps mime, danse et semble respirer : « Le Live me permet de souligner les mots, c’est comme un combat qui me dépasse. Sur scène, j’incarne un personnage très étrange, je pose des regards,  je m’arrête. »

Chien Noir reconnaît le lien qui unit son écriture, son interprétation et ses mélodies à la danse contemporaine dont il aime « le bruit des corps et des souffles. » On retiendra donc la sincérité et l’intensité de ce projet et de Chien Noir pour qui « écrire est une nécessité et un mode de survie. »

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Marie-Gaëtane Anton