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Nilüfer Yanya, nouvelle étoile du rock britannique

Crédit Molly Daniel (la sœur de Nilüfer)

Il se passe Outre-Manche un phénomène qui mérite d’être plus connu par chez nous : Nilüfer Yanya vient de dévoiler l’EP Feeling lucky? Surdouée et innovatrice, la jeune londonienne brille déjà parmi les étoiles montantes de la scène rock britannique.

Feeling Lucky?, troisième EP (et déjà quatrième disque) de Nilüfer Yanya, fait partie de ces cadeaux comme tombés du ciel en cette fin d’année 2020, qui n’est, toutefois, pas dépourvue de bonnes surprises. A travers les trois morceaux de son EP, l’artiste réalise au moment de nommer son œuvre que la chance y est un sujet récurrent :

“Je pense que les paroles et les mélodies sont nées de cette idée. J’avais beaucoup pensé aux privilèges que chacun a ou n’a pas une fois qu’il naît. Il faut parfois accepter que certaines choses dépendent de la chance, bonne ou mauvaise.”

Une prise de conscience peut-être tardive pour certain.e.s, mais la chanteuse maintient que ce n’est que rétrospectivement qu’elle se rend compte de celle qu’elle était au moment de création. Et pour rester authentique et ne pas répondre à des attentes extérieures, l’exercice est simple et difficile à la fois, “puisqu’il faut toujours un peu se faire violence pour être soi-même. Il faut être franc et prendre ce recul sur une chanson, et se poser la question : ‘la direction que je prends est-elle vraiment celle que je veux ?’”

Connais-toi toi-même

Connais-toi toi-même, avisait une inscription sur le Temple de Delphes, au temps de ce bon vieux Socrate. Une de ces devises qui survit à travers les époques et qui demeure, selon Nilüfer, un objectif que tout le monde cherche à accomplir dans ce qu’il entreprend.

En tant que jeune artiste à une époque aussi compliquée, “se trouver à travers l’écriture et la création” peut-être un pas à franchir plus grand qu’il n’y paraît. Nilüfer a, depuis le début, une part d’intégrité indubitable. Lorsqu’elle écoute de la musique sans interruption sur son premier iPod à l’adolescence, elle se dirige instinctivement vers les titres où la guitare électrique prédomine. L’héritage est d’ores et déjà assuré, puisque bien qu’elles ne s’y limitent pas, les compositions de la chanteuse s’organisent autour de ses (excellentes) lignes de guitare.

Trois morceaux habitent donc cet EP, dont le single trépidant Crash, et chacun bénéficie d’une audace qui lui est propre. Moins épiques que le premier, les morceaux Same Damn Luck et Day 7.5093 renvoient à une époque plus familière de l’artiste. Teintés d’un bleu qui rappelle une certaine mélancolie, les titres ne manquent cependant pas d’être entraînants, avec la même veine que ce qu’on avait déjà pu apprécier au temps de Miss Universe.

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se bonifie

Plus elle avance, plus l’artiste “se laisse aller et cherche moins la maîtrise de tout”, et ça s’entend. Plus libre, plus audacieuse, Nilüfer offre un disque à la hauteur des promesses des précédents, notamment son excellent premier album Miss Universe paru en 2019, avec cela de plus qu’elle se cherche de moins en moins. Plus proche d’elle-même, la Londonienne ne se prétend pas la confiance en soi incarnée, mais elle se reconnaît un certain laisser-aller, qui ne peut que faire du bien… Tout en conservant ses influences jazz, qui lui confèrent cette part d’originalité supplémentaire.

S’ouvrant avec le titre Crash, l’EP Feeling Lucky? annonce la couleur : maintenant, il s’agit de croire en soi, et de faire les choses à fond. Cela rappelle à l’artiste ce moment où, vers 15 ans, sa professeure elle aussi auteure/compositrice, lui avait dit : “Il faut vraiment que tu le fasses, tu dois te prendre au sérieux, parce que tu pourrais vraiment faire de la musique ta carrière si tu le souhaites.” Guidée et soulagée par les encouragements de sa mentor, Nilüfer s’élance dans cette industrie. Dire qu’elle est délaissée en tant que femme dans le milieu serait “injuste” de sa part :

“C’est vrai que ça faisait quand même du bien d’entendre ça de la part d’une femme. C’est une chose dont on ne se rend pas vraiment compte quand on est jeune, et quand on rentre dans le vif du sujet, on se dit, wow, toutes les personnes avec qui je travaille sont des hommes, c’est dingue.”

Les compositions de la Britannique ne véhiculent pas nécessairement ce message, mais il ne sera jamais trop répété que la parité laisse parfois encore à désirer. Et pour cause, peut-être que le manque de confiance en soi provient, inconsciemment, de réalités intégrées depuis le plus jeune âge. Nilüfer Yanya confirme : “Le patriarcat existe encore, mais, comme bien des choses, c’est un élément qu’on ne prend pas en compte quand on grandit. D’ailleurs, je ne crois pas que j’écoutais beaucoup d’artistes femmes, avant, et je n’y avais jamais réfléchi.” Qu’elle revendique un message politique ou non, la chanteuse admet qu’étant elle-même sur le devant de la scène musicale, elle participe à la petite avancée qui se profile dernièrement. Et c’est tant mieux.

Comme un jeu d’enfant

Issus du même label ATO (King Gizzard & The Lizard Wizard, Rodrigo y Gabriela, Black Pumas…), Nilüfer et le musicien Nick Hakim s’allient sur le premier morceau de l’EP, que l’Américain a également produit. Collaborer avec un artiste qu’elle admire depuis longtemps aura peut-être permis un temps à la Londonienne de s’alléger de la pression qu’elle ressent. Tout le monde ressent une pression dans ce qu’il entreprend, mais certaines sont différentes des autres :

“Tu veux t’améliorer, mais parfois, tu ne vois même pas que la direction que tu prends n’est pas celle qui te correspond. En musique, tu ne peux pas toujours fournir le même travail et obtenir des résultats égaux, comme ce pourrait être le cas dans d’autres domaines.”

Crédit Molly Daniel (la sœur de Nilüfer)

Les aléas du métier sont une réelle source de questionnement pour quiconque l’exerce, et puisqu’il faut bien gagner sa vie, Nilüfer lève le voile sur ces éléments qui malgré tout, entrent en compte dans le processus de création. Du moins, ils ne sont jamais bien loin. L’artiste ne néglige cependant pas la bonne note qui clôt ses réflexions certes moins pimpantes que son EP, et tente de prendre la situation actuelle comme une opportunité “d’entendre un peu plus les artistes à ce sujet. La pression cette année aura été énorme pour tout le monde, et j’ai l’impression qu’on en parle un peu plus. Je pense que ça va s’améliorer.”

Ce sera donc sur cette thématique de bonne ou mauvaise chance que, comme un jeu d’enfant, Nilüfer Yanya saura se rappeler à nous avec Feeling Lucky?, mélangeant tous genres avec une évidence qui lui colle à la peau. On peut affirmer sans crainte que c’est la bonne chance qui a mis cette prodige sur notre route.

L’EP Feeling Lucky? est disponible en version digitale ici.

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Raphaëlle Berlanda-Beauvallet