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Comment cet ancien cinéma est devenu un des meilleurs studios d’enregistrement du monde

Après l’histoire du mythique studio Ferber, il est grand temps de revenir sur un autre temple parisien de la musique : le studio Davout. Si ses portes ont hélas fermé après 52 ans de bons et loyaux services, l’histoire elle reste à écrire. 

En 2016, la décision tombe : la mairie de Paris ne renouvellera pas le bail des studios Davout. Les tentatives de négociation sont vaines. La municipalité ne démord pas de son projet de crèche. Pour ce lieu mythique, il n’y aura ni prolongation, ni relogement. Mieux vaut être propriétaire de son studio, c’est là la morale de l’histoire. Et quelle histoire !

A vous les studios

Au début de Davout, il y a du bricolage. En 1965, Yves Chamberland, fort de quelques repérages innocents aux Etats-Unis, fabrique de toute pièce une console à la pointe de la technologie. L’ingénieur du son n’en est pas à sa première : à partir de lignes téléphoniques, il avait tenté d’enregistrer la résonance de l’orgue de Notre-Dame. Claude Ermelin le rejoint pour faire d’un immense cinéma de quartier l’un des meilleurs studios au monde.

Porte de Montreuil, 1965. Le boulevard Davout accueille donc son studio d’enregistrement. Quatre cabines, plus de 1200 mètres carrés dont plus de 300 pour le studio A. Un espace inédit dans la capitale. Pour les artistes, venir à Davout est un choix à tous les points de vue : c’est l’un des premiers studios privés. Il n’appartient à aucune maison de disque. Une autre particularité du studio devient sa force dans les années 1970 : le son “live”.

Gated reverb naturelle pour la batterie ou réverbération idéale pour les orchestres, chacun trouve son compte chez Davout. Si on en croit l’historique du lieu, il y en a pour tous les goûts. The Rolling Stones, Rihanna, U2, Miles Davis, Yves Montand, AC/DC, Lady Gaga, Eminem, Gene Kelly… Un beau tableau de chasse que le studio doit à ses ingénieurs, mythiques eux aussi.

Davout fait son cinéma

Si Davout a volé quelques salles à l’industrie du cinéma, c’était pour lui apporter quelques unes de ses plus belles bandes originales. “On avait dès la base une couleur orchestrale qu’on aurait pu retrouver au théâtre des Champs-Elysées. Pour ceux qui voulaient entendre ce qu’ils avaient écrit, Davout était un studio qui respectait l’oeuvre explique Jean-Loup Morette, l’un des ingénieurs du son maison pendant 35 ans.

Quelques micros d’ambiance sont suspendues trois mètres au dessus de l’orchestre alors que s’enregistrent la musique de Borsalino de Claude Bolling, Un homme une femme de Francis Lai, Le dernier métro de Georges Delerue, Les Demoiselles de Rochefort de Michel Legrand et La Marche de l’Empereur d’Emilie Simon par la suite… Avec les noms d’Alexandre Desplat, Philippe Rombi, Yann Tiersen ou encore Vladimir Cosma, Davout s’est fait “une image de marque” selon Jean-Loup Morette.

Michel Legrand lors de l’enregistrement de la musique du film ‘Les Demoiselles de Rochefort’ au studio Davout à Paris le 28 mars 1966, France

La crise de la cinquantaine

Ils se sont décarcassé, les ingénieurs du son de Davout. Sessions nocturnes, commande de trampoline pour un groupe fasciné par la hauteur sous plafond du studio A ou encore d’une bouteille d’oxygène pour un artiste à bout de souffle… Pour Magma, Jean-Loup Morette accepte de travailler de nuit. Pour d’autres, il lui faudra installer des paravents pour séparer les instruments les uns des autres. Et s’il fallait tirer des câbles le long des passerelles pour poser du molleton d’un bout à l’autre du studio, qu’il en soit ainsi ! Quelques heures de travail pour une acoustique intime dont l’ingénieur du son se rappelle encore.

“Pour la musique ou les demandes, on s’adapte. Ce qui compte, c’est de travailler avec des gens sympathiques. Et ce n’est pas toujours le cas”, nous précise-t-il en prenant pour exemple un rappeur qui avait menacé de “couper” les doigts d’une assistante si elle loupait “le drop”.

Malgré tout ce travail, la mairie de Paris a choisi de couper le son. Rentables ou pas, les studios sont passés de mode. On peut enregistrer chez soi, à l’étranger où les orchestres sont parfois fournis avec le studio pour des prix plus intéressants. Lock Out, film qui devait être réalisé sur cette fermeture, n’a même pas pu être produit.

En tirant au maximum jusqu’au mois d’avril 2017, Davout auront permis au compositeur Philippe Rombi de signer une dernière bande originale (Ricky de François Ozon, 2009). Et faute de pouvoir les visiter, vous pourrez au moins écouter le son des mythiques studios Davout avec notre playlist :

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Mathis Grosos

Playlist de Seril Farran