Le journal de bord inspiré et insomniaque du songwriter Ghostpoet
Musique - 30.4.2020
Crédit photo : Emma Dudlyke
A la veille de la sortie de son nouveau disque, le producteur et songwriter anglais prend sa plus belle plume pour nous raconter son quotidien : entre expédition au supermarché et angoisses liées à l’isolement.
Après Dark Days + Canapés, Ghostpoet poursuit dans sa lignée avec un nouvel album dystopiqueI Grow Tired But Dare Not Fall Asleep : “Selon moi, il reflète la société dans laquelle on vit, une société dans laquelle nous avons tout et rien à la fois. Il y a des possibilités infinies, mais nous semblons être comme figés sur place… » confie le compositeur londonien. Des mots qui sonnent (malheureusement) encore plus justes aujourd’hui, comme ceux qu’il a choisi d’utiliser dans son carnet de bord de confiné.
Ghostpoet parvient avec succès à illustrer ses pensées dans le clip sombre de Concrete Pony (premier extrait de l’album) réalisé par Thomas James (dont on vous parlait dans notre sélection des clips de la semaine).
I Grow Tired But Dare Not Fall Asleep sort le 1er mai chez Play It Again Sam.
Carnet de bord de Ghostpoet
“La journée commence vraiment quand la nuit s’achève, sauf que le sommeil et moi on est un peu en froid en ce moment. Comme je m’y attendais, mon cerveau ne veut pas s’éteindre lorsque ma tête tombe sur l’oreiller. J’essaie toutes sortes de remèdes, de rituels et d’applications de relaxation, mais en vain… Bon… Je pourrais tout aussi bien me lever…
Comme je me réveille tôt ce matin-là, je décide d’aller à la chasse pour me nourrir, ce qui ressemble plutôt au blues du supermarché. Dans l’ancien monde (avant le Corona), les rayons étaient remplis de produits, alors qu’aujourd’hui je me sens tout chose si un paquet de pâtes daigne me sourit.
L’expédition du jour s’est avérée plutôt fructueuse tout compte fait, mais mon euphorie du moment s’est rapidement interrompue à l’idée d’accomplir ma prochaine mission… Une fois rentré chez moi : je dois nettoyer tous ces putains d’achats… merde !
Une heure plus tard environ, tout ce que j’ai acheté au supermarché a été nettoyé et est prêt à gagner sa place dans le frigidaire et les placards de la cuisine. Je pousse un gros soupir et je retourne me coucher, non pas pour dormir bien sûr, mais pour planifier le reste de ma journée sur cet ilot isolé.
Chaque jour, mon plan c’est de me laisser porter par la vie autant que possible. Parfois, je suis d’humeur à composer de la musique, d’autres jours je veux juste monter à cheval dans la région vallonnée de Red Dead Redemption (ndlr : le jeu vidéo). J’essaie de ne pas trop stresser ou de me sentir coupable à l’idée de ne pas utiliser tout ce “temps libre” de manière productive.
Je n’ai jamais forcé ma propre créativité et je ne vais certainement pas commencer à le faire maintenant. Promets-toi ça Obaro (ndlr : Obaro Ejimiwe est le nom civil de Ghostpoet). Je t’en prie.
Il faut essayer de rester discipliné.
J’essaie de rester actif et de faire de l’exercice à la maison autant que possible, c’est difficile de rester motivé quand la salle de sport est votre rituel quotidien. J’y arriverai peut-être un jour. Je fais régulièrement des cauchemars où je mange tellement de confiseries que je deviens énorme et je ne peux même plus passer la porte d’entrée le jour du déconfinement. De telles angoisses me remettent illico sur le droit chemin. C’est certain.
Mon esprit vagabonde beaucoup, je me souviens du bon temps passé dehors, des nuits insouciantes et de jours remplis de joie. Je tenais tant de choses pour acquises. J’aurais peut-être dû en profiter un peu plus de tout ça ? Peut-être que je n’aurais pas dû me précipiter autant et prendre plutôt le temps d’apprécier tous ces petits détails…
J’espère avoir une chance de corriger ces erreurs, mais pour l’instant, je m’entraîne à prendre soin de moi et je met au point des recettes de pâtes digne d’un roi… au maigre budget.
Quelle drôle d’époque nous vivons. Je ne pourrais jamais l’oublier, personne ne l’oubliera…”