Glints : un ancien choriste flamand débarque dans le rap game
Musique - 06.3.2020
Détournant les codes du hip-hop, ce rappeur anversois nous offre Choirboy, un premier album plein d’ironie, souvent mélo et puisant dans son passé d’enfant de chœur. A retrouver en concert au Printemps de Bourges le 24 avril prochain.
“Je ne veux pas faire croire que je suis un rappeur gangster, ce n’est pas moi. Moi, je raconte les histoires de la vie de tous les jours. Je ne fais pas semblant d’être celui que je ne suis pas.” Cela résume la sincérité de ce rappeur flamand, scène non francophone et de ce fait moins connue en France que celle de Bruxelles. Glints sort son premier album en ce 6 mars et sera au Printemps de Bourges le 24 avril. Il nous a expliqué comment il en est arrivé là. Un univers musical très maîtrisé : mélange des genres comme la trap ou le grime qui accompagne son flow rapide et incisif. Une direction artistique colorée, saturée et quasi surréaliste dans son autodérision.
Tout cela émane d’un jeune homme qui chantait dans un chœur d’opéra et qui a commencé sa vie d’adulte par une rupture douloureuse. Il n’en fallait pas moins à Glints pour chercher à se définir en tant qu’artiste et revenir sur les traces d’une enfance où la musique avait déjà toute sa place. Choirboy, un premier album que l’on recommande plus que vivement. Rencontre.
Après celle de Bruxelles, la France est-elle prête pour la scène rap d’Anvers selon toi ?
Il se passe quelque chose de très positif, c’est justifié, je ne vais pas mentir, faire du rap et venir de Belgique, ça fonctionne ! C’est fou parce que rien que du côté francophone de la Belgique, beaucoup de rappeurs ont percé : Hamza, Damso, Caballero et JeanJass ou Roméo Elvis. En réalité, on a la même chose côté flamand avec Zwangere Guy, Young Yello, Dutch Norris ou Rare Kuma !
Comment comparerais-tu la scène rap en Belgique et en France ?
Les jeunes Belges écoutent beaucoup de rap mais surtout en anglais : Kendrick Lamar, Drake, etc. En France vous avez une beaucoup plus longue histoire du rap, il y avait déjà une vraie scène dans les années 90, nous ce n’était pas le cas. Même moi, mon univers musical est anglais, ça n’a jamais été un choix, mes origines britanniques font que je pense, j’écris et je chante en anglais.
La frontière entre les genres musicaux est de plus en plus floue et tu en es l’exemple parfait, non ?
Depuis quelques années, le rap a gravité autour de ce qui était commercial et la musique mainstream vers le rap, et tout s’est combiné ainsi, surtout avec des artistes comme Drake ou Cardi B. Je ne pense pas tant que ça faire de la pop, mais si on me dit que c’est le cas, je ne serais pas choqué, ce serait même très bien. Dans une certaine mesure, j’essaye de combiner les genres que j’aime : l’électro, le grime, la pop ou la musique orientale.
“J’assume l’étiquette de rappeur mais je veux faire passer ce message : je ne suis pas le rappeur que vous voudriez que je sois ! Je veux être vu comme un artiste qui raconte des histoires et pas seulement comme quelqu’un qui rappe.”
Ton univers s’éloigne des clichés du rap, pourquoi cette volonté ?
Mon univers visuel est très coloré et positif, c’est ce qui me rend si singulier, je ne vais pas dans la représentation classique liée à la “street”, à cette culture de “gangsters” : armes, filles, drogues. Je ne suis pas un ange mais je ne vais pas faire semblant d’être un “gangster”. Dans un sens appeler mon album “enfant de chœur” est la chose la plus anti hip-hop que je pouvais faire et c’est drôle. Je respecte cette culture et je l’aime mais je ne veux pas faire semblant d’être quelqu’un que je ne suis pas. Si je fais semblant et que je détourne cette culture en m’en moquant, ce serait une vaste blague, ce serait facile et en plus déjà fait ! Dans cet album, je ne fais pas semblant, j’essaye de faire mon propre rap et je raconte des choses qui arrivent à tout le monde, c’est déjà bien.
D’où est né cet album Choirboy ?
Si je veux être honnête, l’origine de cet album est une rupture. C’est un album de rupture. J’ai rompu avec ma petite amie, on vivait ensemble, j’ai dormi sur un canapé pendant huit mois et c’était le moment pour moi de me recentrer sur moi-même et sur la musique. Je n’allais pas bien et c’est là le début de ce projet, d’où le fait que le début est triste et plus sombre que la fin. (…)
Donc, en fait, cet album a débuté par une redéfinition, je me suis reconstruit, j’ai cherché mon “nouveau moi” et je suis retourné à l’essence de qui j’étais, à l’innocence que j’avais perdue, à l’enfance, à qui j’étais avant… avant que je me perde en quelque sorte.
Et qu’est ce qui a changé pour toi depuis ?
Depuis, ma vie a changé, je me suis mis à vivre avec tous mes amis. Je vis dans une grande maison à Anvers, avec toutes les personnes avec qui je travaille, mon producteur, mon photographe. On a une sorte de collectif, on vit comme en résidence d’artistes tous les jours. La couverture de l’album a été shootée chez nous.
Ton passé d’enfant de chœur est aussi très présent dans ce disque…
En effet, d’ailleurs dans chaque son, il y a des voix de chœur, je m’en suis rendu compte au fur et à mesure, j’ai fait de la chorale et ça se ressent encore dans mes chansons. Même dans Bugatti, ce son parle de drogues, ça raconte comment j’ai pris de la drogue et comment je me trouve nul après, et même dans ce morceau, il y a cette influence.
Il y a beaucoup d’autodérision dans ton travail, dans cet univers : tu évolues souvent seul et un brin mélancolique. Te reconnais-tu dans l’image du “clown triste” ?
Il fait rire et il pleure, c’est une assez bonne description de moi en réalité, c’est assez juste. Quand je fais mes vidéos, avec mes amis, ils savent qui je suis, c’est avec mes amis et parfois chez nous, donc ça me ressemble. La métaphore par exemple de moi qui pêche dans un bocal alors que la mer est pleine de poissons derrière moi est claire (Not a rapper Ep. 3 : Home) c’est la tristesse de la Belgique, c’est en nous, c’est un peu moche et triste mais c’est notre mélancolie. C’est aussi très surréaliste en un sens dans l’approche artistique.
Tu as toujours le dernier mot et tu contrôles ton projet de A à Z ?
Toujours, je suis un grand control freak. Mélancolique, drôle mais control freak, j’ai toujours le dernier mot… Le label, mon manager, ils savent tous qu’ils ne peuvent pas me dire ce que je dois faire, car je ne le ferai pas !
L’album Choirboy ([PIAS] Recordings Belgium) est disponible sur toutes les plateformes de streaming.
En concert au festival du Printemps de Bourges le 24 avril prochain.
Marie-Gaëtane Anton