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[POP ART] Pierre-Antoine Menard, la possibilité d’une île (d’Yeu)

Pierre Antoine Menard : île d’Yeu, graffiti et sensation

Quand la photographe et réalisatrice Flora Mathieu rencontre le plasticien Pierre Antoine Menard, ça donne une belle série d’image en direct de l’île d’ Yeu où l’artiste travaille, et une conversation riche et inspirante.

 Salut Pierre, peux-tu nous parler de ton métier, de ton parcours ?
Pierre-Antoine Menard, api80. Je suis artiste plasticien.
J’ai commencé la peinture il y a 15 ans, en intégrant le Collectif 1980, entre Paris et Barcelone à l’âge d’or de la capitale catalane. Avant la loi tolérance zéro, cette époque bénie où tous les murs de la ville étaient à disposition de ce qui allait devenir une nouvelle génération de graffiti artiste.
J’ai ensuite passé sept ans en école d’art à Paris, entre modèle vivant, histoire de l’art et graphisme appliqué. Puis la rencontre de la nuit, du graffiti parisien, de ce parc d’attraction pour adultes à ciel ouvert. J’ai réalisé des collaborations avec des studios d’image, de la direction artistique, du set-design, des expositions collectives (Né dans la rue à la Fondation Cartier) et personnelles (Incognito au Purgatoire).

“J’aime le fait de projeter de la couleur, sensation grisante qu’on ne connait qu’en essayant. “

Quelles sont tes inspirations ?
La peinture moderne, celle des années 30, le «combat » Matisse, Picasso, le trait, la couleur, les innovations, les recherches de style, Les Demoiselles d’Avignon, les Bad Paintings, l’odeur et les reflets brillants de la peinture à l’huile. Il y a aussi le graffiti, pour sa régression primitive, son goût du risque, son exécution forcée à l’immédiateté, une vitesse que l’on retrouve dans le cinéma et la ligne claire. J’aime les surfaces murales, de préférences vierges, les dimensions, souvent grandes et les possibilités infinies qui en découlent. J’aime le fait de projeter de la couleur, sensation grisante qu’on ne connait qu’en essayant. L’art primitif, brut, les masques africains, les peintures murales égyptiennes, et d’une manière générale, tout ce qui touche a l’inconscient… La folie, les paradis artificiels, la poésie quotidienne. Nicolas de Staël, les surréalistes, la peinture du rêve, Breton, surtout Ernst et mon préféré, le peintre de la mélancolie : Giorgio de Chirico.
Je suis aussi inspiré par la décoration, les objets, la mode, comme esthétique globale de la vie.

Peux-tu nous parler de ton quotidien à Paris ?
Mon quotidien parisien s’articule entre des moments de création pure (recherches, dessins, formats papier, beaucoup de carnets) dans mon appartement atelier niché sous les toits de Pigalle, et des périodes de production à l’atelier, situé dans une ancienne usine textile classée, dans le Nomansland industriel de la proche banlieue Parisienne, au bord du canal de l’Ourcq entre les dépôts de métro et de RER. J’ai également un atelier à la campagne ou je vais m’isoler de temps à autre pour tester de nouvelles techniques ou peindre de grands formats.

L’endroit où tu as grandi a t-il un lien avec ta peinture et ses inspirations ?
Je passe toutes mes vacances à l’île d’ Yeu depuis tout petit. J’y retrouve mes racines, mon attachement profond à la nature, la force des éléments face auxquels mes gribouillis ne sont que bien peu de choses. Tout, là-bas, est pour moi madeleine de Proust, les odeurs, les bruits, les goûts…
J’y vais me ressourcer dès que l’occasion se présente. J’aime le mode de vie insulaire, modeste, vivre au gré de la météo, des marées, pêcher et cuisiner des produits de qualité. Ce quotidien me rapproche de la vérité et en inspire mes peintures.

Travailles-tu tes procédés de peinture dans cette île ?
Bien sûr, j’ai d’ailleurs un atelier ici aussi et je vais y travailler dès que la belle saison arrive.
Nombre de peintre et d’heureux vivants y ont trouvé lumière et refuge en haute mer, comme l’indique la devise de l’île « in altum lumen et perfugium ».

Quels sont tes projets ?
Actuellement plusieurs collaborations en tant que set designer.
J’ai un solo show prévu pour Avril à Paris intitulé « Lost and Found », 6 ans de collecte d’objets trouvés dans la rue et sur lesquelles j’interviens avec différentes techniques. J’ai aussi des commandes de toiles grands formats à honorer, une résidence à Yeu pour créer des céramiques en vue d’une exposition à Paris pour septembre prochain. Je pérpare aussi l’exposition « Une île » curatée par l’artiste Olivier Kosta-Théphaine, à la galerie L’écho des vagues à partir de juillet 2019.
Enfin, il y aura une exposition en Serbie au mois d’Août avec la galerie Stuarts pour un festival au bord du Danube et un solo show prévu en 2020 avec cette galerie.

Que ressens pendant que tu crées ?
La sensation d’être au bon endroit au bon moment.
Je travaille beaucoup sous tension. J’aime la vitesse, travailler dans l’immédiateté pour permettre à l’inconscient de s’exprimer, ne pas avoir le temps de trop réfléchir ni le recul de trop ressentir.

Qu’elle est ton audience ? Essayes-tu de transmettre un message à travers ton art ?
Je ne vise aucune audience en particulier. Tous ceux qui peuvent être touchés par ce que je crée composent mon audience, de l’enfant curieux à l’historien de l’art.
Je ne crois pas avoir de message particulier à transmettre, je fais ce que j’ai à faire de manière viscérale. Je suis témoin et acteur de la société dans laquelle nous vivons. Je m’ intéresse au monde qui m’entoure, je pense donc je suis, et mon état d’esprit se reflète dans mon travail.

Talk et photo Flora Mathieu