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[POP CORN] The State Against Mandela and Others

 On a discuté urgence documentaire, engagement et collectif avec Gilles Porte et Nicolas Champeaux, co-réalisateurs du documentaire Le Procès contre Mandela et les autres, en sélection officielle à Cannes (hors compétition).

Quand on rencontre Gilles Porte et Nicolas Champeaux en mai dernier à Cannes, ce qui nous frappe d’emblée, c’est l’urgence. L’urgence à raconter, à tourner, à imprimer sur pellicule le dernier témoignage d’un moment clé de l’histoire de l’humanité : le procès Rivonia, celui de l’appartheid, de Mandela et des Autres, en 1964.

« C’est un film qui s’est tourné très vite », nous explique Gilles Porte dont le débit extrêmement rapide traduit bien cette urgence. « Quand j’ai rencontré Nicolas et qu’il m’a raconté l’histoire, je lui ai dit ‘Faut partir tout de suite en Afrique du Sud’, parce que les protagonistes dont il me parlait avaient 90, 91, 93 ans. Donc on est parti. Un mois après, on était en Afrique du Sud. »

 Équipe réduite (4 personnes), configuration légère (un Sony Alpha 7S), ils reviennent quelques semaines plus tard avec 17h de rush. Des interviews principalement. Le dernier témoignage des ex-accusés encore vivants, une parole précieuse qui vient compléter les 256 heures d’archives sonores du procès tout juste restaurées auxquelles Nicolas Champeaux a pu avoir accès. « Deux mois après, un des principaux accusés-témoins est mort, et quatre mois après un autre. On a construit le film et on est retourné en Afrique du Sud en décembre 2017 interroger Winnie Mandela, et trois mois après elle décède. On a donc la dernière parole des gens qui ont vécu un procès qui est certainement le procès du siècle. Le procès qui a fait de Mandela ce qu’il était à la fin de sa vie. Ce qu’a dit Mandela quand il est sorti de prison 27 ans plus tard, c’est exactement, mot pour mot, ce qu’il a dit au procès. »

Derrière Mandela, il y a les autres. Et c’est aussi ça que Gilles et Nicolas ont voulu porter à l’écran avec leur documentaire. Mélangeant les interviews aux images d’archives (dont certains films de propagande édifiants), ils ont choisi l’animation et le noir et blanc pour donner vie à l’image aux archives sonores du procès qui constitue le fil rouge du film. Au fil des minutes, on découvre l’importance du collectif derrière la figure de Mandela. « Si Mandela existe c’est parce qu’il y a un collectif derrière. Ils ont choisi de mettre Mandela en tête, pour qu’il y ait un visage sur le collectif mais y a un collectif et c’est pour ça qu’on a fait le film. Au début, on voulait appeler le film The Others. Finalement on l’a appelé The State Against Mandela and the Others qui est le titre du procès. Mais ce film on l’a fait pour les autres, pour dire que Mandela n’était pas tout seul, qu’il y avait d’autres gens derrière. »

 A travers les différents témoignages recueillis, la question que posent les co-réalisateurs est aussi celle de l’engagement. « En faisant le film, en le montrant ce soir, on se rend compte que c’est moins un film sur l’Apartheid qu’un film sur l’engagement. Aujourd’hui c’est important de se poser la question de ‘qu’est-ce que c’est que l’engagement ?’, ‘Qu’est-ce que c’est que de s’engager ?’ C’est un film politique. » Pour Gilles Porte, l’engagement c’est tous les jours et ça commence par l’éducation des plus jeunes. « Nicolas et moi, on a décidé non seulement d’accompagner ce film en salle mais aussi dans les collèges et lycées. Dans chaque ville, on ira en même temps dans les cinémas et à chaque fois dans un collège/lycée pour parler et donner la parole. »

Émus d’être à Cannes, les deux réalisateurs n’en sont pas moins conscients de l’importance du moment pour le succès futur du film. Gagné par l’émotion, Nicolas nous explique « 2018, c’est le centenaire de l’anniversaire de la naissance de Mandela, et donc une bonne occasion pour lancer le film. Cannes, c’était le lieu où il fallait le lancer. Ça nous a forcé à aller très vite, même si cela ne nous a pas empêché de réécrire et réécrire, affiner, peaufiner les animations, faire un travail de fond avec le montage (Alexandra Strauss)… C’est un projet ambitieux qui s’est réalisé en peu de temps mais on avait pas vraiment le choix. Winnie Mandela, par exemple si on attendait quelques mois de plus, on ne l’avait pas. Ahmed Kathrada, pareil (il est décédé deux mois et demi après l’entretien). C’est un tournage tragique quelque part et c’est forcément émouvant quand on va voir le film maintenant et qu’on se rend compte qu’ils ne sont plus là. »

Charlotte