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[POP TALK] Léonie Pernet, l’instinctive

Léonie Pernet est insomniaque

On la retrouve au beau milieu du 18e version Simplon, pas loin de son studio, pour un café et deux tartines beurrées. Vous l’aviez peut-être déjà aperçue à la batterie aux côtés de Yuksek ou entendu (parler de) sa musique si particulière est pourtant familière. Si ce n’était pas le cas, nous vous offrons une session de rattrapage format paysage.

Qui es-tu ?
J’aime vraiment pas cette question. Je suis musicienne, compositrice, je joue pas mal d’instruments, batterie, piano, percussions, synthé etc. Je mixe de la techno à mes heures perdues, parfois dans des soirées Corps vs Machine que j’organise de temps en temps. J’habite à Paris depuis 11 ans mais avant j’étais à Reims, au Conservatoire, en percussion classique.

C’est là que tu as rencontré Yuksek ?
Pas vraiment, on s’était déjà croisé à l’époque mais on avait pas le même âge, j’étais vraiment ado. Ca s’est fait plus tard par connaissances communes.

Organiser des soirées queer, est-ce que c’est une façon d’être militante ?
Je crois que tout participe de tout et tout et politique, donc en étant soi-même, en disant je suis ceci ou cela, c’est politique. Après, il me semble qu’en 2018, à Paris, c’est pas exactement la révolution, quand je les ai montées on était en 2011. Ce qui est intéressant c’est qu’il n’y a plus vraiment besoin d’appeler des soirées queer « queer », les pédés, les gouines, c’est complètement décloisonné, c’est cool quoi. On y va plus pour le line up que pour la communauté représentée.

Quel est ton rapport à la nuit ?
Je suis out of the game moi hein. La nuit c’est la grande fatigue, j’aime bien de temps en temps mais c’est pas une vie quoi, et puis je suis totalement sobre depuis plus d’un an, ça y participe, ça change mon rapport à la nuit. Si vraiment y a la formule bon son + bons gens je peux rester jusqu’à 6 ou 7h du mat. Tout le monde est obnubilé par la night mais je comprends pas pourquoi… C’est d’une telle banalité maintenant de bouffer des taz et d’écouter de la techno que je vois pas comment tu peux te dire WOUH !
Maintenant faut aller dans les caves, les lieux en friches etc pour avoir l’impression de vivre un truc alternatif, et qui l’est par ailleurs. Mais bon, ça m’intéresse pas, ça m’intéresse plus.

“Moi féministe, moi gouine, le racisme ne passera pas par moi”

Ton dernier clip African Melancholia est bouleversant. Parler de la situation intenable des migrants c’était important pour toi ?
Après que j’ai donné le titre du morceau, assez important à titre personnel et artistique, j’ai tout de suite voulu trouver une réponse visuelle à ce titre. Je voulais que ça soit dans les quartiers nord de Paris, la nuit, avec un personnage noir et mettre cette identité au centre du clip. Comme ça devait se passer dans ces quartiers, je voulais que la question des réfugiés, hommes notamment, auxquels on a prêté des intentions d’agression, de viol etc via des polémiques faites de toutes pièces, existe. J’avais besoin de mettre ça en avant pour dire aussi que moi féministe, moi gouine, le racisme ne passerait pas par moi, même sous couvert de féminisme.
La rencontre avec Adrien Landre le réalisateur a nourri cette réflexion, puis celle avec Mohammed Mostafa l’acteur, via l’association Good Chance qui fait des ateliers théâtre en Angleterre et en France. Il y a des passage inspirés de sa vie à lui, dans sa fuite.
Pour être totalement honnête, je m’intéressais à tout ça, mais je faisais partie des gens qui n’agissaient pas, pas d’équerre entre notre empathie et le fait qu’on ne sache pas par où commencer etc.

L’idée c’était aussi de réhumaniser ceux qu’on appelle génétiquement « les migrants » ?
Exactement, et de partir d’un individu pour parler du collectif en responsabilisant le spectateur aussi. On aurait d’ailleurs tendance à traduire le tire comme « mélancolie africaine » quand moi je l’entends plus comme « africaine mélancolie ». « African » c’est plus de l’ordre de l’ellipse et du poétique qu’un terme essentialisant qui impliquerait qu’il y ait une mélancolie typiquement africaine, qui n’existe évidemment pas.

L’art, c’est nécessairement un engagement, est-on fondamentalement un artiste engagé ?
Non, pas forcément. Il y a des endroits artistiques où c’est pertinent de s’engager, où la forme supporte ça. Mon album, en soi, n’est pas engagé, le moment où je fais ma musique, les morceaux ne sont pas engagés, on est plutôt dans un truc poétique et « hors-sol ». Pour moi c’est le moment de l’image, du clip, où tu vas mettre en jeu la représentation, quoi ? qui ? et pouvoir y insuffler de l’engagement, comme sur African Melancholia.

“Le live c’est ma passion, le live c’est la vie !”

Tes morceaux ne sont pas construits sur des structures pop ou rock habituelles type couplet/refain, ça sonne plutôt instinctif, est-ce que tu penses que déconstruire c’est créer de la nouveauté ?
Je pense pas déconstruire mais plutôt construire en dehors de sentier battus. J’ai pas une démarche de casser le format pop. C’est naturel pour moi, sans doute lié à ce que j’ai écouté comme musique : du metal mais surtout du classique. Mes premiers morceaux étaient néo-classiques et me donnaient une grande liberté, au piano seul, sans voix parce que je trouvais ça impur, la voix.

Comment ça ?
J’écoutais pas de musique vocale, pas par principe mais j’aimais pas ça, les choses étaient trop incarnées et ça me dérangeait -hors pop et metal. L’état de l’album il y a deux ans était quasi exclusivement instrumental, et puis j’ai pris plaisir à chanter. Maintenant le live c’est ma passion, le live c’est la vie !

 

Nouvel album Crave à sortir le 21 septembre 2018, on vous tient au courant.

 

Agathe – itw et photos – est sur Instagram @ag_rou