CHRONIQUES DE TABLE par Adraste – PASSERINI – N°9
Lifestyle - 09.2.2017
PASSERINI, 65 Rue Traversière, Paris 12ème
Un italien de mes amis se moque régulièrement des restaurants italiens en France. Dans un seul et même lieu, on vous propose le grand tour de la botte. A la carte, vous avez le Sud, le Nord, l’Est et l’Ouest. Accrochez bien vos ceintures, attention aux haut-le-cœur, le circuit ne compte pas ses escales ! Pourtant, est-il nécessaire de le rappeler, la cuisine transalpine diffère d’une région à l’autre. A Turin par exemple, les plats issus du territoire sont à la carte de toutes trattorias. Les habitants sont heureux : ils jouissent d’une cuisine réalisée avec des ingrédients d’une grande qualité. Les agriculteurs ne le sont pas moins, assurés qu’ils sont de débouchés stables. Le locavore est un état d’esprit bien vivant en Italie, et les traditions culinaires tenaces.
Ce soir, on va manger chez Giovanni Passerini, anciennement propriétaire et chef de Rino. Ce lieu m’avait posé problème car je pensais y manger italien et que j’avais mangé français. En plus, j’étais mal installé. Dur, dur… Croisé plus tard autour d’un plat de pâtes Carbonara parfaitement exécutées, l’homme a reconnu cuisiner à l’époque sur un fourneau inadapté à ses intentions, certes décousues mais sincères. Sans devenir une épreuve de philosophie, manger au restaurant peut s’avérer une expérience doublement intéressante lorsqu’on essaie de comprendre chez qui l’on va manger. Ce que le chef a à nous dire. S’il cuisine avec inspiration ou transpiration…
Passons à table donc. On arrive chez Passerini et on est pas déçus : grande salle avec cuisine ouverte et vue plongeante sur la ville dans une atmosphère vaguement new-yorkaise. Sur la carte, Giovanni revendique être un chef Italien à Paris et il joue avec cette double culture. Dans l’assiette, c’est émouvant de beauté. Pour ma part, j’enchaîne la mini pizza frite, les tripes à la romaine, les crevettes de Sicile et les pâtes généreuses : une claque. Tout comme les tortellinis au gorgonzola, shiitake et bouillon que j’ajoute in extremis par gourmandise avant de passer au plat de viande à partager. La grouse est divine, accompagnée de son crumble fenouil et oignons. Le chef semble vouloir nous dire qu’il est italien de cœur et parisien d’adoption (il est passé par l’Arpège et le Chateaubriand) avec un regard portant sur l’horizon. Les plats sont lisibles, sincères et cuisinés. Le chef en pleine maturité, nourri par ses expériences et en décalage avec les modes. On sort ici de la recette des bistrots de Papa aux chaises en bois rustiques proposant de la cuisine d’assemblage esthétique, instagramable et molle. C’est sacrément bon, c’est nouveau et c’est intelligent. Ce n’est PAS un restaurant italien mais le restaurant d’un italien (de Rome) qui affiche son nom sur la porte et propose une cuisine personnelle. A Paris. Une talentueuse critique italienne m’a dit un jour que Babbo, à New-York, aurait pu être un de ses restaurants préférés s’il n’avait pas prétendu être un restaurant italien. Giovanni n’a pas fait cette erreur et cela nous réjouit. Il transpire certes derrière ses fourneaux mais nous propose une carte drôlement inspirée et inspirante (je parie qu’il créera une tendance auprès des chefs étrangers à Paris… en tout cas, je l’espère). Pour le vin et le service aussi, on est en place. Alors donc, on dit bravo et merci Giovanni. Et moi, j’ai déjà pris une nouvelle réservation.
Retrouvez toutes mes chroniques :