General POP a désormais rejoint le réseau Prose On Pixels

[ITW] Mehdi & Badrou présentent Téléramadan

Téléramadan, c’est le tout nouveau magazine littéraire mêlant culture, littérature, naïveté et spiritualité.
Sorti aux Editions du Grand Remplacement (générationnel !) à l’initative de Mehdi Meklat, Badroudine Saïd Abdallah et Mouloud Achour, c’est un objet singulier, ouvert, militant, poétique et politique. Nous avons rencontré Mehdi et Badrou à l’occasion de sa sortie : 


[ITW] Mehdi & Badrou – Téléramadan par BETCPop

Pourquoi et comment est né Téléramadan ?

Mehdi : Au début ça part d’une blague avec notre ami Mouloud Achour, où on s’est dit que ça serait drôle de faire notre Télérama à tous les 3 qui s’appelerait Téléramadan. On en rigolait, on est passé à autre chose. Et puis il y a eu le 13 Novembre, et un véritable basculement… Et on s’est dit qu’il fallait le faire plus sérieusement, pour raconter sur ce qu’on vit au quotidien, sur ce qu’il s’est passé, sur ce que l’on a à raconter.

Badrou : Et puis maintenant c’est devenu une accumulation de textes qui se contredisent, dialoguent entre eux. On a commencé à le ressentir en rassemblant toutes ces plumes autour de ce qui n’était à la base qu’une blague, Téléramadan. C’est devenu une sorte de réunion où l’on retrouve des écrivains, des cinéastes, des romanciers qui offrent des textes, des journalistes qui ont fait des reportages…

On vous connaît pour votre travail de journalistes et écrivains mais aussi beaucoup en radio et en vidéo, pourquoi avoir choisi le format écrit d’un magazine littéraire ?

M : Parce que c’est quelque chose qui est considéré comme archaïque aujourd’hui. On considère que c’est un format fini, on en dit le plus grand mal, la presse est sensée ne plus se lire… Ça nous amusait de relever le défi et de mélanger le digital, puisque le magazine peut seulement se commander sur le site teleramadan.fr, et de le recevoir chez soi. Les gens sont très étonnés de le recevoir chez eux, ils ont l’impression d’avoir acheté un pdf. Quand on fait une création, même si elle peut rester du domaine de l’idée, je trouve ça bien d’en faire un objet.

B : Sur le site, quand on veut le commander, le seul texte auquel on a accès est notre édito. On l’a pensé et écrit sous la forme d’un manifeste, parce que quelque part avec Téléramadan on a voulu créer un nouveau mouvement littéraire, se frotter à cette ambition là pour proposer de nouvelles écritures. Créer un dialogue entre un écrivain connu comme Faiza Guene et un jeune écrivain qui a souhaité que l’on publie son texte, son point de vue.

Comment avez-vous choisi les contributeurs ? Vous parlez d’une communauté. S’agit-il d’un magazine communautaire ou collectif ? 

M : Je pense que Téléramadan est forcément communautaire, mais au même titre que Le Monde ou Télérama le son, les gens qui les lisent forment une communauté. On peut faire des catégorisations sociologiques de gens qui lisent la presse. Nous avons envie que la communauté de Téléramadan soit une communauté ouverte, inclusive, qui se reconnaisse dans notre naïveté. Dans notre revue, il y a des histoires banales, normales. Les gens qu’on a choisis sont des gens qu’on aimait bien, qu’on aimait lire, mais aussi qu’on aimait bien lire sur Twitter.

B : Pour nous la naïveté qu’évoque Mehdi est très importante, dans une époque où tout va très vite, où l’on a plus le droit d’être naïfs. Il faut être cynique, alors qu’on fond de nous on n’a pas réponse à tout. Cette naïveté là est poétique, et on manque de poésie aujourd’hui. On cherche toujours à parler à notre place, à nous mettre dans des cases, alors qu’on s’y refuse.

La moyenne d’âge du comité de rédaction est de 22 ans, fait assez rare pour être souligné. Que pensez-vous être le discours de cette génération, qu’il soit politique, naïf ou militant ?

M : Cette génération a des colères à partager, et des histoires. On est dans une époque où tout compliqué, où on a une certaine rage à voir le cours des choses, mais on a aussi des histoires qui nous appartiennent et qu’on veut partager. Aujourd’hui, la plupart des jeunes auteurs n’ont pas d’espace pour raconter ces histoires là. Quand on n’a pas le bon réseau, on n’est pas édité, pas regardé, pas montré. Au delà d’être une revue engagée, Télérama est un espace ouvert aux nouvelles écritures, où les gens peuvent venir et écrire.

Est-ce que c’est un acte politique ?

B : Complètement, dans le sens de l’envie de regarder cette société dans laquelle nous sommes, et de s’y situer. Et nous, contrairement au bruit médiatique et politique, ça n’est pas pour chercher de la polémique. C’est de la politique qui cherche à trouver comment construire, comment tisser. On a interviewé une sociologue qui a beaucoup travaillé sur la présence musulmane en Europe, et ce qu’elle expliquait est que finalement les médias et politiques se penchant sur la question ne sont que des amplificateurs, qui n’expliquait pas la société dans laquelle on est. La politique doit aujourd’hui chercher à lier, sans anesthésier les rages que l’on a.

Vous avez choisi l’expression « Grand Remplacement » dans votre édito et dans le nom de votre maison d’édition, un terme utilisé par les extrémistes comme critique de l’immigration. Pourquoi cette expression ?

M : C’est un terme complotiste à la base, à la toute droite de l’extrême droite. Mais je pense que les mots nous appartiennent à tous, et que « Grand Remplacement » ça peut nous appartenir aussi, dans le sens où arrive au bout d’un cycle de pensée, de réflexion, avec des philosophes qui sont au bout de leur cycle de vie. Quand je parle de « Grand Remplacement » dans ma tête j’ai l’idée de remplacer cette pensée qui est archaïque, vieillotte, ringarde, raciste parfois. Je parle du Grand Remplacement d’une génération sur une autre. Il n’est pas question ici d’un Grand Remplacement d’arabes et de noirs qui vont envahir la France comme le disent certaines personnes de l’extrême droite, c’est un grand remplacement générationnel.

B : Le terme de Téléramadan part d’une blague, et « Grand remplacement » c’est une réponse à une théorie absurde, idiote et mortifère. On veut y mettre notre humour et notre piquant, on va pas de défausser, surtout qu’aujourd’hui Téléramadan est une revue éditée par Les Editions du Grand Remplacement.

A qui s’adresse cette revue ?

B : On a cette chance d’entrer dans un vieux monde qui s’appelle l’édition en y injectant tout ce que l’on est, par rapport à notre génération, à notre classe d’âge, aux milieux sociaux auxquels on appartient, et on veut être connectés aux ambitions de culture et de littérature que l’on porte en nous. Si ça peut parler au plus grand monde, tant mieux !

M : Quand on regarde un peu les gens qui l’achètent, on est très étonnés. La France entière est représentée, mais aussi l’Australie, le Maroc, Israël, le Canada. Les gens ont besoin de lire un objet comme ça même dans des pays lointains.

Quelle est la prochaine étape ?

B : Mehdi et moi sommes en train d’écrire notre deuxième livre, c’est ce qui nous inquiète, nous préoccupe et nous excite en ce moment. On espère aller jusqu’au bout dans l’écriture !

M : Et au delà de ça on espère aussi pouvoir développer cette maison d’édition, parce qu’à travers Téléramadan on a découvert des gens qu’on aime lire et qui ne sont pas forcément publiés et qui seront les bienvenus !

par @Joz2p et @Jcointy