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Interview Cannes: Eric Hannezo, réalisateur enragé

Pour son premier film, Eric Hannezo nous parle de son parcours de la télévision au cinéma, du Rabid Dogs de Mario Bava et du tournage d’Enragés. Interview exclusive.

Eric Hannezo

Ton parcours ?

J’ai commencé comme journaliste sport chez France TV en 1993. Ça me plait parce c’est un terrain de jeu formidable : je fais de la télé donc je bosse l’image, j’écris, j’apprends le métier et j’ai l’impression de faire mes petits films toutes les semaines.
En bossant sur des magazines comme Stade 2, je m’aperçois qu’il y a deux écoles : les fous furieux des statistiques et ceux qui s’intéressent à la personne derrière les athlètes. Je suis de cette école là et je réalise qu’il y a de la place pour ces formats là. J’y travaille 6 ans et, en dingue de cinéma, je sens qu’il va falloir que j’aille y faire un tour, sans vraiment savoir comment. J’écris un scénario sur mon temps libre, pour essayer et me tester.
En 2000, je quitte France TV, je pars chez Réservoir Sport, où je bosse avec Delarue pendant 3 ans avec l’assurance de pouvoir faire des documentaires, ce qui m’arrange car je veux aller vers des formes de narration plus longues.
2003, je rejoins TF1 où on me propose de reprendre les sports. Pour quelqu’un qui a grandi sur le service public, TF1 c’était le diable, mais j’y vais et je finis par y rester 6 ans. Je vis des expériences formidables comme producteur du sport. Je m’occupe de la Coupe du Monde, des matchs de Ligue Des Champions, de l’Équipe de France, mais aussi des magazines du dimanche matin : Auto Moto et Téléfoot. C’est formidable parce je bosse avec beaucoup de monde, c’était très vivant et stimulant.

Comment arrives tu au cinéma ?

Au fond de ma tête, j’avais toujours cette idée fixe de cinéma. Chez TF1, j’ai rencontré mon associé, Guillaume Lacroix, avec qui on s’est trouvés très complémentaires. Il lit mon scénario, ça lui plait et je lui propose de le travailler ensemble, ce qui nous permet de nous connaître. En 2007, le scénario est acheté par un producteur mais je n’ai absolument pas l’envie de le réaliser, car je ne me sens pas prêt.
En 2009, je quitte mon job, j’en parle à Guillaume Lacroix et Vincent Labrune, un ami d’enfance et patron de l’OM, je monte une boite pour faire ce film, Enragés et nous voilà.

D’où te viens cette passion du cinéma ?

Depuis l’adolescence, je suis un dingue de cinéma, du genre boulimique. Ça commence très simplement par l’arrivée d’un magnétoscope et de Canal + à la maison. J’enregistrais de manière compulsive tous les films qui passaient sur C+ et j’avais pour objectif de tous les voir. Au fur et à mesure, j’ai appris l’histoire du cinéma. Il n’y a aucun genre ne m’intéresse pas, d’un mélo à Douglas Kirt, je vais en voir 1/2/3 pr me faire une idée et si ça me plait, je vais tout voir. TOUT.

En fait, c’était le véhicule parfait pour me l’approprier.

Comment découvres-tu Rabid Dogs, ce film italien de 1974 dont Enragés est l’adaptation libre?

Je lis beaucoup sur le cinéma et c’est au détour d’un Mad Movies, qu’il était plusieurs fois fait référence à un film maudit et censuré de Mario Bava. Au fond, c’est ce qui m’a attiré et je me suis dit : « Pourquoi je le connais pas, pourquoi je l’ai pas vu ? ».
J’ai fait le tour des boutiques spécialisés et un beau jour, je le trouve, en import, un dvd italien sous titré anglais avec une image dégueulasse. En tant que fan de Mario Bava, je le trouve pas mal mais c’est pas le coup de foudre direct (les puristes vont hurler car il est culte). Malgré ça, ce film me travaille pendant longtemps sans comprendre pourquoi. Et un beau jour, j’ai réalisé que j’adorais le genre, que le cahier des charges était génial : braquage, action, road movie, twists, fin étonnante etc etc … En fait, c’était le véhicule parfait pour me l’approprier.

Comment tu te retrouves à le réaliser ?

La première chose qu’on a fait quand on monte la boite c’est acheter les droits de remake. Ensuite, deux excellents auteurs, Yannick Dahan et Benjamin Rataud, ont retravaillé le texte pendant que je montais la boite. Ils ont fait un travail de structure remarquable sur ce film pendant 1 an. N’ayant toujours pas prévu de le réaliser, une fois arrivés à une version lisible, mes associés m’ont annoncé : « de toutes façons, maintenant on ne bougera plus, c’est toi qui le réalise ». J’ai pris le temps de réfléchir et je me suis dit « faut y aller ». Après avoir repris le scénario à ma sauce, j’y suis allé.

« de toutes façons, maintenant on ne bougera plus, c’est toi qui le réalise »

Techniquement, le fait d’être derrière la caméra, tu as retrouvé les mêmes mécanismes qu’à la télé ou dans les documentaires ?

J’ai énormément travaillé pendant la préparation, sans aucune expérience de cinéma et sans trop savoir quoi faire au début. Heureusement, j’avais un premier assistant formidable, Michael Vigier, que j’ai eu la chance d’avoir bien en amont et qui m’a guidé. Le film vivait depuis longtemps dans ma tête, je savais donc précisément ce que je voulais y voir. Ma seule inquiétude était de savoir si j’avais bien digéré mes influences et la direction d’acteurs. Car ils sont 5 et sont tout le temps ensemble. 5 acteurs que j’ai volontairement choisis parce qu’ils viennent d’écoles différentes et demandent des attentions différentes.

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Tu ne l’avais jamais fait en plus ? Expérience inédite pour toi

Disons qu’à la télé pour une Coupe du Monde de foot, c’est 100/150 techniciens, tu dois être itinérant, il y a tout le temps des aléas, tu es constamment sollicité et tu dois répondre à des questions et trancher en permanence. J’ai retrouvé cet environnement sur le plateau de cinéma : 100/ 150 techniciens, les acteurs etc… et j’avais la banane, je me suis dit que ça faisait sens d’être là parce que je me sentais prêt et que toutes les conditions étaient réunies. Pour la direction d’acteurs, j’ai fait simple. Comme il n’y a pas de méthodes, j’ai choisi de leur parler directement je leur ai dit « n’hésitez pas à me rentrer dedans si vous avez un quelconque message à me faire passer » et tout s’est très bien passé.

« n’hésitez pas à me rentrer dedans si vous avez un quelconque message à me faire passer »

Il y a différents statuts d’acteurs : Lambert Wilson, Virginie Ledoyen d’un côté et ensuite tu as Guillaume Gouix, jeune acteur, Franck Gastambile et le québécois François Arnaud … T’es satisfait du rendu ?

Symboliquement, j’avais une famille : Lambert qui joue le père, Virginie la mère, Guillaume l’ainé, Franck le jeune un peu perdu et François le sale gosse. Et oui, j’en suis super content parce que je voulais une lecture nouvelle sur le film de genre donc je trouvais intéressant de choisir les acteurs pour ce qu’ils sont et qu’on ne s’attende pas à les voir dans ce type de rôles. Je voulais qu’il y ait le moins de repères possible tant dans le jeu que dans l’espace. J’ai découvert que Lambert avait une passion pour le film de genre. Virginie, elle, en a fait beaucoup et adore ça mais c’était la seule. Guillaume je l’ai rencontré sur le Débarquement (Canal+), je me disais que son visage collait bien, c’est le premier à qui j’ai fait lire le scénario et il a dit oui. Ensuite, Franck, je l’ai rencontré alors qu’on produisait un sketch, j’étais avec Marc Dujardin en régie, lui jouait et on s’est dit que c’était exactement notre personnage.

Montréal est une ville incroyable et les québécois sont absolument fantastiques

Tu as tourné à Montréal au Canada, parle nous de cette expérience?

Je n’y étais jamais allé. Pendant longtemps, il était question de faire le film en France et j’avais commencé les repérages dans le sud. Je ne voulais surtout pas situer le film dans des lieux précis, je devais donc trouver des décors forts et en même temps non reconnaissables. Vu le cahier des charges du film : road movie, action, un mouvement qui part de l’urbain vers la campagne, c’était pas simple à trouver et ça coute de l’argent.
C’est mon directeur de production, Marc Vadé (Les Infidèles) qui m’a suggéré le Canada, ce que je n’avais pas du tout considéré, mais sur le terrain, je découvre qu’il y a tout ce dont j’ai besoin. Montréal est une ville incroyable et les québécois sont absolument fantastiques. Et le super bonus, c’est que les équipes locales ont des CV de dingues car il y a beaucoup de films américains qui sont tournés au Canada.
Par exemple notre costumière, Odette Gadoury, son 2e film c’est Snake Eyes de Brian De Palma, mon chef déco venait de faire X-Men et a travaillé sur Enter The Void. Je me retrouve donc avec des gens formidables qui aiment ça et qui ont envie de bosser.
Après coup, je me rends aussi compte qu’avoir des acteurs français dans un environnement américain amène quelque chose de totalement inédit. C’est impossible de reconnaître Montréal car j’ai fait spécialement attention à ce qu’il n’y ait aucun panneau.
A l’arrivée, c’était une somme de plus et c’est visuellement intéressant car il y a une perte de repère qui fonctionne vraiment.

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Qu’attends tu de cette projection en séance spéciale à Cannes ? C’est encourageant pour un 1er film.

Tout à fait, j’en suis très heureux mais j’ai une trouille pas possible! Je suis à la fois content et prudent. Ce qui est formidable c’est qu’on a proposé de le projeter en plein air, à côté du palais, là où se déroule le Cannes Classics. Ça va très bien au film : c’est un spectacle, un film fun, accessible et rock’n’roll.

J’ai l’impression de sortir d’une boucle spatio-temporelle

En termes de business à Cannes, il y a des gros enjeux…

Il y a toujours des gros enjeux à Cannes oui. Ce qui est amusant c’est qu’il y a 1 an, on avait absolument besoin un distributeur et je savais que si je n’en trouvais pas, ça aurait été difficile de tourner en Septembre et ça n’aurait peut être pas été possible de réunir les mêmes conditions, le même casting ensuite. Vincent Maraval et Wild Bunch nous ont dit oui l’année dernière, du coup, là j’ai l’impression de sortir d’une boucle spatio-temporelle, hors de tout, à bosser sur ce film. C’est assez troublant.
Donc je remercie tout le monde, notamment Thierry Frémaux d’avoir proposé ce contexte de projection à ce film et toutes les équipes.

Les Enragés
Sortie en France le 9 septembre.

Par @valfeist