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Scène française à l’arrêt : 4,5 milliards d’euros perdus

Source Flickr – Crédit : The Green Album

Alors que le déconfinement se poursuit, les différents acteurs du secteur musical témoignent leur inquiétude. Des effets d’annonce au silence radio, le gouvernement est directement interpelé par des tribunes qui restent sans réponse pour le moment.

4,5 milliards d’euros de pertes. Voilà le bilan du Covid-19 sur la filière musicale selon l’étude d’impact de l’association Tous pour la Musique. En comparant le chiffre d’affaire prévisionnel 2020 et le chiffre d’affaire effectif, il s’agit de 43%. Les répercussions économiques concernent les activités du spectacle qui accusent la perte de 83% de leur chiffre d’affaire. Le personnel des salles de plus 5000 personnes, première fermées, dernière rouvertes, espère qu’en septembre un redémarrage sera possible. Dans l’attente de nouvelles annonces sur la culture de la part du gouvernement après celles du 6 mai dernier, la filière musicale s’organise.

Lettres ouvertes, lettres mortes

Depuis le début du mois de mai, les lettres ouvertes au gouvernement se succèdent. Attachés de presse indépendants, managers, producteurs, acteurs du spectacle vivant, tous ont adressé leurs demandes au Président Emmanuel Macron, son premier ministre Edouard Philippe ou encore au ministre de la culture Franck Riester. En vain.

Ces courriers font valoir la volonté d’une large majorité du public de réinvestir les salles de spectacles. 89% des personnes interrogées pour l’appel du 18 juin d’acteurs du spectacle vivant s’y disent favorables. Ces lettres mettent aussi en lumière la situation précaire des acteurs culturels et demandent des versements accélérés, des votes exceptionnels et l’exonération de certaines charges (comme les charges patronales…). Si les fonds de solidarité et les prêts garantis par l’Etat sont salués, ils sont jugés insuffisants. Puisque les rassemblements de plus de 5000 personnes sont interdits jusqu’en septembre, salles de concert et festivals accusent le coup. Les très grands lieux de rassemblement étaient qualifiés “d’adversaires” par le Premier Ministre le 28 mai dernier.

Plus largement, ces tribunes réclament une meilleure prise en compte des spécificités de la filière musicale. Constatant l’urgence dans laquelle les lieux culturels ont été fermés et l’absence de concertation préalable, Tous pour la Musique demande la création d’un Valois de la musique (le ministère de la Culture étant rue de Valois) pour qu’un investissement public puisse être pensé pour le monde de la musique en particulier. Le manque de communication des autorités fait aussi couler l’encre. En cause, la dernière allégation du Président où la culture n’est pas mentionnée.

Payés à la prestation, en fonction de la durée et du périmètre de leurs projets, les attachés de presse indépendants sont également fragilisés par l’annulation et le report des projets. Qu’ils soient auto-entrepreneurs, salariés ou libéraux, les aides sont insuffisantes et les perspectives peu réjouissantes. Patricia Teglia, attachée de presse indépendante, signale que le courrier co-signé par le MMF (Music Manager Forum) et le collectif “Les artisans du spectacle” à la Direction des médias et des industries culturelles est resté sans réponse.

Diversité culturelle en danger

L’heure n’est plus aux prises de risque. Dans les salles comme dans les programmes, il faut se cantonner à ce que l’on connaît. Du côté des artistes, le bilan financier s’annonce lourd à tel point que lorsqu’on l’interroge, l’artiste électro et césarisé Arnaud Rebotini déclare qu’il ne préfère pas faire le calcul.

“Normalement le printemps et l’été sont de bons mois pour les lives qui sont une part très importante de mes revenus et mes droits d’auteur sont aussi liés au nombre de prestations effectuées durant l’année. (…) Comme je ne suis pas intermittent, j’ai reçu une aide pour ma boîte de 1500 euros durant les trois mois de confinement, ce qui couvre à peine les frais courants. J’ai aussi reçu une aide personnelle cette fois du fond de soutien de la Sacem de 3000 euros.”

ARNAUD REBOTINI, artiste

L’artiste dont la sortie du prochain album est repoussée jusqu’à nouvel ordre a sorti quelques titres pendant le confinement : “Minimize Contact Between People”, “Etat Naturel”, “To (Wo)Men in the Assembly”… Les idées fourmillent, il ne manque que la scène.

Dans de telles dispositions, il semble que l’émergence des artistes ne puisse se faire qu’à crédit. Dans une filière où l’interdépendance fait système, les revendications sont complexes, plurielles et appelle une concertation poussée avec les pouvoirs publics.

“La filière foisonne d’organismes, réseaux, fédérations, regroupements, syndicats, mais il est vrai qu’ils sont plutôt organisés par corporation, concentrés sur des problématiques qui leur sont spécifiques. Les différents acteurs de la filière ont des professions qui collaborent toutes à un moment mais qui fonctionnent différemment, et dépendent de tutelles diverses. Ce qui fait que chacun·e est bien obligé·e de ‘défendre sa chapelle’, et c’est bien normal.”

PATRICIA TEGLIA, attachée de presse

La Sacem lance l’opération #SCENEFRANCAISE

Malgré tout, la Sacem a lancé l’opération #ScèneFrançaise face à cet arrêt de près de 100 jours. Le communiqué enjoint ses lecteurs à écouter les artistes français sur les plateformes de diffusion, les droits d’auteurs étant répartis selon l’écoute. Sollicités par la Sacem, Radio France, Skyrock, Le Printemps de Bourges ont notamment accepté de diffuser plus largement les artistes français. Un engagement qui pourrait payer pourvu qu’en complément, l’aide des pouvoirs publics soit à la hauteur.

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Mathis Grosos.