Avec son nouvel album “Braquage”, Marie-Flore casse la baraque de la pop
Musique - 30.10.2019
Ciao la folk brindille ! La songwriteuse parisienne nous revient avec un disque moderne et urbain à la fois. Sans détour et sans filtre, elle se livre sur une relation amoureuse houleuse. En concert aux Etoiles le 25 novembre. Shooting photo signé Sidney Carron.
En 2014, on découvrait Marie-Flore avec un premier essai en anglais dans le texte : By The Dozen, très largement inspiré par ses références adolescentes : du garage rock des années 80, au Velvet Underground, Joan Baez (à qui elle doit son prénom) en passant par Janis Joplin. Après son EP Passade Digitale, revoilà la Parisienne avec un premier album entièrement en français et dans un registre radicalement différent :
“Je le vois comme une renaissance. J’ai l’impression de repartir de zéro.”
Dès la pochette, Marie-Flore annonce la couleur en détournant les codes : en déshabillé couleur chair avec de grosses bagouzes thug aux doigts, elle fait voler en éclats les clichés de la jeune songwriteuse folk qui lui collait jusqu’ici à la peau. A poil au sens propre, comme au sens figuré, elle peut enfin présenter à son public cette nouvelle identité de femme : “De mes débuts, de 17 ans à 33 ans, on grandit, on évolue. C’est pas un calcul, ou un phénomène de mode ce disque c’est juste moi.”
“Il y a un truc qui a changé pour moi quand j’ai commencé à écrire ce disque : je me suis mise à écouter toute autre chose. “
Et on peut dire que ses nouvelles maraudes musicales lui ont permis de s’affirmer et de s’assumer plus que jamais. S’emparant des codes de la scène rap, tel que Damso ou PNL “j’ai usé et sur usé leurs sons, et ça a infusé en moi”, elle adhère à leurs punchlines, certes cash et trash mais où se glissent le plus souvent une double lecture. Résultat, plus question de prendre des chemins détournés et poétiques dans la langue de Shakespeare, elle lance des uppercuts très directs (et sans alexandrin) :
“Je me suis dit qu’il n’y avait pas de raison qu’on s’empare pas de ces codes-là (nldr du rap), ou juste d’une certaine franchise, parce qu’entre femmes, on en parle comme des hommes, de cul et des rapports de force, alors pas de raison que ça soit édulcoré ! C’est ce que je ressentais après tout et j’avais envie de pouvoir le dire, qu’on puisse en parler.”
Symptomatique d’une nouvelle ère post #Metoo, des langues qui se délient et d’une libération artistique personnelle, Marie-Flore se découvre dans Braquage, avec un langage franc, cru et direct (“pour moi, t’es qu’un détail, une pipe de plus que j’taille”). Elle n’épargne personne, pas même elle (“Oui chéri, je fais peur à voir”) et ses paroles pourraient tout aussi bien être des punchlines de rap que des sms coupe-gorges.
“C’est assez impudique : d’une part c’est en français, et dans le propos c’est assez proche de la réalité. Il y a certes des parts d’autofiction. “
Sans détour, Braquage raconte sa propre histoire au fil des 12 titres du disque : ”ce disque c’est vraiment 12 photos de cette histoire, qui n’a été que rupture en soi ; ça n’a été que galère sur galère. Ça parle de lui et moi, pas que de rupture.” Retraçant toutes les étapes d’une relation amoureuse “brute et violente”, des bons et (surtout) des moins bons moments, c’est très frontalement qu’elle choisit d’en rendre compte : “J’allais quand même pas faire un truc fleur bleue !” Libératrices, ses paroles semblent taillées à la hache : “parce que j’en avais besoin, fallait que ça sorte”.
Musicalement, Marie-Flore change aussi drastiquement de cap, faisant table rase des guitares pour accueillir plus de synthés et de musique électronique. Elle s’entoure des musiciens de OMOH (pour qui elle a aussi joué) et du producteur Antoine Gaillet (qui a bossé pour Julien Doré). Ensemble, ils construisent un disque de pop urbaine, sombre par moment, solaire à la fois, et irrésistiblement bien rythmé. Chao la folk brindille, Marie-Flore s’offre avec Braquage une tranche bien plus ‘bouncy’ : “même si on est quand même assez loin de Taylor Swift (rires), ça a été une vraie volonté de ma part de m’ouvrir.”
Ce désir d’ouverture concorde également avec un lâcher-prise inédit pour la songwriteuse, habituée à tout contrôler, en plus de tout écrire, penser, arranger… “Laisser faire l’équipe, leur confier mes pré-productions, écouter leurs idées, rebondir dessus, et leur faire confiance finalement en ayant un peu moins de self-control, je pense que ça a servi le disque”. La production offre au final un disque assez incisif, où chaque note est pensée et réduite à son plus strict appareil : “Antoine Gaillet il m’a aidé à simplifier là où j’en mettrais trois tonnes. C’est un réel taf de producteur et réalisateur.”
Pour la chanson QCC par exemple, Marie-Flore écrit frénétiquement plus de 16 couplets, “j’étais tellement vénère le soir où je l’ai écrite. J’aurais pu faire une chanson de 16 minutes (rires). Je ne m’arrêtais pas d’écrire.”. L’exercice de haute voltige pour Antoine a justement été de sélectionner les 8 couplets qui sublimeraient sa chanson.
“J’ai su quand cet album était terminé. Quand j’ai écrit Partie Remise, je me suis dit ça y’est c’est la fin. Ces paroles sont une ouverture vers autre chose. J’en pouvais plus ! “
Si album est une longue histoire, deux ans de relation houleuse, il a bien un début et une fin. La première chanson mise en boite, c’est l’inquiétante Presque-Ile, qui permet à Marie-Flore de trouver le ton, tant dans l’écriture que dans sa personnalité, “c’est comme si je m’étais annoncée à moi même le drame que ça allait être cette histoire. Elle m’a permis de me trouver”. Quant à la dernière, Partie Remise, écrite pendant les dernières semaines de l’enregistrement, elle lui offre une ouverture sur ce que sera la suite…
Au final, le tracklisting de Braquage ne suit pas la chronologie de cet ascenseur émotionnel mais s’orchestre assez harmonieusement autour d’une première partie, très punchy et une seconde plus sombre : “il y a ce coté face A, face B sur Braquage”. Plutôt qu’un album de rupture, on préfère résumer Braquage en une traversée émotionnelle, où Marie-Flore se confie avec sincérité, ténacité et modernité :
“J’ai ce côté chin up : il faut garder de la dignité même si quelqu’un est en train de te mettre à terre, et dans toutes mes chansons, il y a toujours un moment de lucidité, on se redresse ! C’est mon état d’esprit, enfin c’est celui que j’essaye d’avoir”.
Les photos sont signées Sidney Carron. Retrouvez l’intégralité du shooting sur le compte instagram de General POP. Stylisme : Vanessa Metz
L’album Braquage est disponible sur les plateformes digitales et en version physique.
En concert le 25 novembre, le 2 et le 9 décembre aux Etoiles.
Abigail Ainouz