Samba De La Muerte souffle un vent de liberté sur la scène indie française
Musique - 03.10.2019
Avec son second album solo “A Life With Large Opening”, le caennais Adrien Leprêtre, s’éloigne des acrobaties pop de Concrete Knives et s’offre un manifeste épuré et audacieux. Rencontre.
Après avoir officié pendant 12 années aux claviers de Concrete Knives et composé de façon collégiale avec les ambassadeurs de l’indie rock normand, Adrien Leprêtre continue sa route en solitaire aux manettes de Samba de La Muerte.
“J’ai commencé Samba de La Muerte parce j’avais besoin d’autre chose, de raconter mes propres histoires, ça s’est fait assez naturellement, en 2012, alors que j’étais encore en tournée avec Concrete Knives.”
En 2016, il signe un premier album en solo Colors puis l’ep Les Passagers (2018), tous deux très colorés et inspirés par ses lointains voyages. Le 27 septembre dernier, il nous revient avec un second disque, plus adulte et où voyages introspectifs résonnent avec ses expéditions terrestres :
“Ce second disque, c’est vraiment une photo de ce que je suis aujourd’hui, là où Colors était un peu plus désordonné. J’ai suivi une trame, celle de notre société, de ce qui se passe, des changements qui doivent s’opérer et vite.”
De l’Iran au pays du soleil Levant
Après avoir sillonné le globe du Maroc à l’Iran, Adrien met cette fois-ci le cap vers le pays du soleil levant. Séduit par l’architecture japonaise, il emprunte le nom de son second album, A Life With Large Opening à celui d’une construction nichée dans le coeur de la ville de Tokyo, suggérant cette ouverture d’esprit et ce désir d’évasion qui l’animent :
“C’est une maison qui est ouverte, toutes les pièces communiquent. Tout doit être relié pour connecter les gens. Ça résonnait bien avec ce que j’avais envie de transmettre dans mes textes : rester ouvert au monde musicalement. Et quand on voit la photo de cet immeuble, il est coincé entre d’autres gros immeubles : l’idée étant de regagner de la place dans un endroit exigu, grâce à ses ouvertures.”
Avec A Life with Large Opening, Adrien nous emporte dans cette quête de liberté et de transmission. Il nous offre un ouvrage “fait main” développant une seule et même histoire, avec pour chaque morceau, des intros et de longues fins, chacun ayant “son propre caractère”.
“Dans la société actuelle, on veut nous mettre les mêmes choses dans les oreilles, et tout se lisse un peu. Il faut aller chercher un peu plus loin et prendre des risques, et moi j’aime bien prendre ces risques.”
Le titre Motech a ainsi été imaginé comme une pièce classique avec des mouvements et une évolution continue sur 8 minutes, un mélange de musique Motown puis de techno. Quant à Park, ce pur bijou de pop urbaine, il invite un rappeur new-yorkais sur un couplet et développe un message caché, poétique mais insidieusement politique – derrière de fausses mitraillettes en guise de percussions :
“Park je l’ai écrite le jour où j’ai appris que Donald Trump venait d’être élu président des Etats-Unis. Il pleuvait, on était en novembre, il y a un papillon qui s’est envolé devant moi, je me suis dit : tiens il y a une sorte d’espoir quand même dans ce monde”.
Un disque audacieux et libéré des codes
Ébloui par son mentor Bon Iver “un mec qui me fascine autant qu’un Zidane en foot ! Il s’aventure toujours sur de nouveaux terrains”, le Normand n’hésite pas à prendre des chemins de traverse et à expérimenter dans son home studio : “dès que j’ai une idée, je la couche sur le papier et j’enregistre”. Pour ce second disque, trois instruments ont particulièrement guidé son travail :
“Le wurlitzer, la batterie et la basse : ce sont les fondations de tous les morceaux de l’album”.
Le son épuré du norvégien Erlend Øye a aussi été une grande source d’inspiration pour peaufiner ses mélodies : “J’ai beaucoup écouté l’album Rules (2009) de Whitest Boy Alive pendant que je composais et je mixais, je voulais arriver à quelque chose de très épuré.” Autre spécificité du disque, la voix d’Adrien n’occupe pas ici le premier plan mais retrouve une place d’instrument à part entière (à l’exception peut-être du morceau Home construit plus comme une chanson) : “Ce sont plus les sons qui me portent. Je suis revenu sur ce que je faisais au début, avec des nappes de voix, des choeurs, des choses un peu plus fondues dans la musique.”
A Life with Large Opening prend aussi ses racines dans la pop et le groove briton. Impossible de ne pas penser à Metronomy et Hot Chip sur un titre comme Side by Side ou de percevoir des échos post punk sur Fast. Quand Even if s’engouffre lui dans un registre club assez acide, avec une rythmique soutenue bercée par des nappes atmosphériques et une voix non sans rappeler le bassiste de The XX (Oliver Sim).
“Je suis bercée par toute la musique anglaise actuelle, c’est inconscient. Mount Kimbie est une de mes plus grandes références.”
Plus indépendant que jamais
Après plusieurs collaborations (chez Yotanka notamment), Adrien signe ce second album sur son propre label Toujours et compte bien soutenir et y impliquer la nouvelle scène caennaise à laquelle il appartient :
“Je voulais reprendre l’autonomie de la production en sortant ce disque sur mon label et collectif Toujours, et j’aimerais bien y défendre prochainement d’autres artistes.”
La nouvelle scène normande est en de bonnes mains…
L’album A Life With Large Opening est disponible en version digitale.
En concert le 10 octobre au Hasard Ludique (Paris), le 9 novembre au Normandy (Saint-Lo) et le 15 novembre à l’UBU (Rennes).
Abigail Ainouz