[ITW] Bicep, music builders
Musique - 09.11.2017
A l’occasion de leur passage au Pitchfork Music Festival, on a rencontré le duo Bicep.
Salut les gars ! Comment ça va ?
Matt : Ca va, mais on est très fatigués ! En deux semaines on a fait la Corée du Sud, le Japon, L.A., New York, les Pays-Bas, l’Angleterre… On était à Lyon hier, c’était complet, c’était super. Mais on ne s’arrête jamais.
Pour ceux qui ne vous connaissent pas, vous pouvez vous présenter ?
Andy : On s’appelle Bicep, on est un duo qui vient d’Irlande du Nord, on s’est rencontrés au rugby quand on avait genre 8 ans.
Matt : On a toujours aimé tous les deux la musique, mais tout ça n’a commencé qu’une fois à l’université, quand on avait 21 ans et qu’on a créé le blog Feel my Bicep. Ensuite, on a commencé à beaucoup tourner en tant que DJs, on s’est mis un peu à la production, on a acheté quelques machines… Puis ça s’est fait petit à petit : un studio, un plus gros studio… Et maintenant ça fait 10 ans [rires].
La question que tout le monde se pose : pourquoi vous vous appelez Bicep ?
Matt : Quand on a commencé ce blog, ça parlait surtout d’italo-disco et de synthés, très inspirés par la musique des années 70. Donc “Feel my Bicep” c’était une blague, pour dire que c’était de la musique hyper kitsch. C’était 10 ans avant que les “bros” n’arrivent, donc c’était ironique à l’époque. Mais ensuite, les mecs qui faisaient de la gonflette sont arrivés, et on s’est dit “Merde !” [rires].
Andy : A l’origine, ça venait d’une vibe un peu seventies comme à San Francisco, un peu cool. Mais il y a des gens qui pensent qu’on est vraiment un truc de “bros”, ils achètent nos t-shirts et ils viennent à nos sets en montrant leurs muscles. [S’adressant à Matt] Tu te souviens une fois en Australie, il y a un bodybuilder qui est venu nous voir, il était surexcité.
Matt : On a des “bros” à nos shows, pas mal aux États-Unis surtout. Mais on a aussi des gens qui comprennent toute l’ironie du truc. J’espère que les “bros” disparaîtront vite, et qu’on pourra de nouveau en rigoler [rires].
Andy : C’est toujours très bizarre quand tu vois ta famille à Noël et que tu dois dire à tes grandes-tantes que ton projet s’appelle comme ça [rires].
Vous avez fait beaucoup de tracks faites pour le club. Votre premier album est très loin de ça. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Matt : Ca fait sept ans qu’on tourne, et qu’on fait des tracks de club. Maintenant qu’on est un peu plus vieux, on avait envie de faire de la musique qui n’est pas pensée en fonction du public.
Andy : On a essayé de faire quelque chose de plus épuré, plus travaillé. Quand on écoute l’album avec des écouteurs, le son est en 3D. Alors qu’en club, il faut juste s’assurer que ça tabasse.
Matt : En réalité, on écoute pas trop de musique de club ; on préfère Aphex Twin. Donc ça n’avait pas trop de sens pour nous de faire tout un album de tracks clubs.
On ne sent pas tant que ça l’influence italo-disco…
Andy : Figure-toi que ça a été une énorme influence, en terme d’énergie. Mais on a essayé de ne pas rendre la chose flagrante.
Matt : Musicalement, c’était italo, mais le son ne l’était pas du tout. Ça sonne très UK Garage. En réalité, on a beaucoup essayé de croiser les genres, de prendre un peu de chaque.
Andy : Oui, si ça sonnait trop proche d’un certain genre, on changeait quelque chose pour que ça soit plus subtil. On a beaucoup expérimenté.
Pourquoi vous avez signé cet album sur Ninja Tune, et pas sur votre label Feel My Bicep ?
Andy : On voulait passer plus de temps en studio. La logistique, ça prend tellement de temps, et ce n’est pas quelque chose qu’on aime faire. En plus, quand tu as toute une équipe autour de toi qui est super enthousiaste, et qui a envie de s’en occuper, c’est stimulant. Avant, on devait tout faire seuls.
Matt : Sortir un single pendant que tu es en tournée, faire la pochette, le clip… Un single, et trois minutes de vidéo un peu pourries, ça nous prenait un mois et demi d’organisation. Ninja est arrivé, et tout est hyper pro, c’est… [mime une machine] Ca fait 20 ans qu’ils sont là, ils savent tout faire. Notre musique ne ressemble pas à ce qu’ils ont l’habitude de sortir, mais quand on les a rencontrés à Londres ils étaient tellement enthousiastes.
Andy : Ce qu’on a beaucoup aimé, c’est qu’ils n’ont pas essayé de changer ce qu’on voulait. Les autres labels qu’on a rencontré nous demandaient de mettre des voix, de faire des edits qui pouvaient passer à la radio… Eux, ils ont compris tout de suite ce qu’on voulait faire avec cet album. Ils nous ont suggéré quelques trucs, mais c’était constructif ; ils cherchaient à nous aider, pas à nous contrôler.
Et vous continuez à vous impliquer dans ce qu’il y a autour (vidéo, pochettes…) ?
Matt : On a l’habitude de tout faire nous-mêmes, donc on s’est beaucoup impliqués dans la pochette de l’album, à chaque étape. Pour les vidéos, on donnait un brief de ce qu’on voulait. J’ai été graphiste, et Andy a bossé dans la pub, donc on sait un peu ce que c’est, mais on ne suit pas de réalisateurs. En tout cas pas ceux qu’on peut se payer [rires]…
Andy : Oui, la pub c’est juste vendre quelque chose ; ce qui est compliqué, c’est qu’on n’a pas envie de “vendre” notre musique, on veut que ça soit artistique. Donc c’est un juste milieu entre l’artistique et la puissance. Mais on est contents du résultat, ce sont des amis qui les ont réalisés, donc c’est cool.
C’est quoi votre définition de la pop culture ? Pour vous, c’est négatif ?
Matt : Pour moi, c’est simplement ce qui est dans l’air du temps !
Andy : La pop, par définition, ça veut dire ce qui est populaire. C’est réussir à faire un hit qui traverse les genres.
Matt : Genre Skepta, c’est pop.
Andy : Unfinished Sympathy de Massive Attack, c’est une super chanson pop, mais c’est aussi et surtout une super chanson tout court. Si tu arrives à bien trouver le juste milieu, c’est super positif.
Matt : Après, on a grandi à une époque où la pop était bien. La musique commerciale dans les années 80 et 90 était vraiment bonne, ça ne fait que 10 ans qu’il y autant de mauvaise musique.
Andy : Quand on était petits, Breathe de Prodigy était numéro 1. Kendrick Lamar, c’est de la pop puisque c’est populaire, du coup ? Ca dépend des classements ; en vrai, on a été dans le top de certains charts, donc on est un peu pop [rires] !
Bicep a sorti son premier album éponyme, disponible sur toutes les plateformes.