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Interview: JD Beauvallet nous raconte ses années New Wave pour la sortie de son nouveau livre

Ancien rédacteur en chef et cofondateur des Inrockuptibles, JD Beauvallet revient un an après la sortie du Passeur, avec un nouveau livre qui raconte la new wave, mouvement né en Angleterre au début des années 80 qui réinventa la pop et le rock. “Les années New Wave“, sorti aux éditions GM, est disponible depuis le 10 Novembre dernier : l’occasion pour General Pop de revenir avec l’auteur sur ses années 80, passées entre Manchester et Liverpool.

© SARAH LEE

Votre livre Les années New Wave fait suite au “Passeur“, sorti en 2021. Vous semblez avoir un bon rythme d’écriture ?

JD: Eh bien, cela fait des années que je macère dans mon esprit toutes les histoires que je raconte dans mes livres, et les sujets que je traite. J’ai grandi et vécu avec la new wave, ainsi qu’avec tout les groupes qui y sont associés. Tout ce que j’ai écrit, je l’avais déjà en moi, sous forme de pièces détachées. Je n’avais plus qu’a résoudre le puzzle.

Quels sont vos rituels d’écriture ?

JD: J’ai un besoin d’équilibre entre activités cérébrales (comme l’écriture), et des activités plus manuelles, comme le bricolage ou la poterie. Dans mon appartement, j’ai une pièce dédiée aux activités manuelles et une autre aux activités cérébrales. Je passe d’une pièce à l’autre. Cela me permet de déconnecter complètement avec la tâche que j’étais en train de faire. Alterner entre les deux me permet de me ressourcer, pour relancer la machine de l’écriture, quand je n’ai plus d’idées.

Parlez-nous de cette photographie utilisée pour la couverture du livre.

JD: Ce qui est drôle avec cette image, c’est qu’on dirait que la photographie est en noir et blanc, mais en réalité c’est une photo couleur ! Elle représente la ville de Manchester, ce qui illustre bien ce qu’était la ville à l’époque. Dans une ville industrielle telle que Manchester, le gris était une couleur prépondérante. Elle a été prise par Kevin Cummins, un photographe anglais.

On y voit le groupe Joy Division qui traverse une étendue de neige immaculée. C’est la symbolique du groupe qui passe de l’underground au mainstream. Juste après que cette photo ai été prise, le groupe est allée faire des photos sur le Epping Walk Bridge de Manchester, photo qui deviendra la pochette de leur album best-of.

La préface de votre livre a été écrite par Jehnny Beth, chanteuse du groupe Savages. Pourquoi l’avoir choisi ?

JD: C’est intéressant parce quelle vient de la new wave, alors qu’elle a 25 ans. Elle a complètement assimilé cette musique qui existait bien avant sa naissance. Cela crée une continuité dans le temps intéressante, et montre que la new wave continue d’exister et d’influencer les nouvelles générations.

Elle a aussi une vision un peu différente sur cette période et le style musical new wave, du fait qu’elle n’a pas vécu la période en question ?

JD: Oui, parfois les jeunes génération réduisent cette musique à une musique froide, synthétique. Jehnny s’est vraiemnt approprié l’esprit new wave. Elle a le son, l’allure, de l’époque. Elle aurait pu jouer dans Joy Division…

Pour continuer sur l’aspect esthétique, la révolution New Wave, c’était aussi un bouleversement du milieu de la mode ?

JD: C’est certain, il faut voir comment des groupes tels que Visage, Ultra Vox ou Durand Durand étaient habillés pour le croire ! C’était une manière pour ces groupes, qui venaient de milieux populaires et ouvriers, d’échapper à leurs condition sociale en revêtant les habits de l’artiste, des habits de prince. Leur apprentissage de l’esthétique était très lié aux école des Beaux-Arts (arts schools). Il y avait une effervescence permanente au niveau des looks.

Dans votre livre vous faites des focus sur des villes comme New York, Manchester ou encore Liverpool. C’était important pour vous ce découpage spatial pour comprendre les années New Wave ?

JD: Chaque ville avait sa propre scène : un son qui lui était propre, des micro mouvements au sein de sa scène, etc. Manchester et Liverpool sont séparées de 35 km, et pourtant les scènes des deux villes étaient très différentes. Alors que la scène de Liverpool était plus ambitieuse et tournée vers la recherche d’un nouveau son, celle de Liverpool avait plus l’ambition de créer une pop sophistiquée. Il est intéressant de voir comment, au sein d’un même lieu, pleins d’acteurs se coordonnent pour y faire naitre un son unique: les disquaires, la radio locale, les salles de concert… Cela crée une synergie et un son particulier se développe.

Aujourd’hui grâce à Internet, tout le monde a accès au même “disquaire”: Spotify, Deezer … Les genres se multiplient, et de plus en plus de morceaux sortent chaque jour (mettre la stat). Est-il plus difficile de penser une révolution comme pour la new wave, ou un esprit porte l’évolution musicale malgré les subgenres ?

JD: A cause de la globalisation, c’est difficile de penser les révolutions musicales comme avant, fruit d’une ébullition culturelle locale. A l’époque, les groupes de Liverpool et qui avaient adopté le son spécifique à la ville habitaient à Liverpool, et n’auraient jamais déménagé à Londres. Aujourd’hui, les scènes ne se créent plus sur des villes, des espaces géographiques, mais sur des communautés, qui ont grandi en écoutant des musiques similaires, et qui habitent souvent aux 4 coins du monde. Donc les communautés autour d’un son ou d’un artiste ne sont plus déterminées par les origines sociales, l’âge, ou la géographie. C’est comme ça que de nouveaux sons émergent, par le pouvoir des réseaux sociaux et d’Internet.

Vous avez habité à Liverpool et à Manchester, et avez vécu l’effervescence des années New Wave. Avez-vous un souvenir personnel à nous raconter, qui illustre la naissance de cette scène ?

JD: Un souvenir qui me tient à coeur, c’est un concert des Smiths à l’Haçienda de Manchester en Novembre 1983. La salle est bondée, et une nouvelle génération de gens habillés en noir, extravagants, qui se considèrent sauvés par les Smiths sont là pour les soutenir, alors qu’à l’époque ils n’ont sorti que deux 45 tours. Je sens à ce moment là que quelque chose se passe, pas seulement au niveau de l’esthétique et du son, mais aussi au niveau de l’attitude. J’ai eu l’impression d’y trouver ma famille.