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damlif, le rappeur aux paroles bleues

crédits Simon Bouillère

           

Derrière cette épithète quasi homérique, se cache damlif, un jeune rappeur nageant dans les eaux poétiques et esthétiques de la 75e session. Après un premier projet (I, Who Dreamed en 2018) et une collaboration remarquée en offrant la première berceuse du rap français A la mer sur le dernier album de Sheldon, Spectre, damlif (Dan de son prénom) a fait éclore en ce printemps sa fleur du mal à lui : Marcelle (sortie le 15 avril 2022). Figure androgyne au-delà de la binarité, prénom qui sonne masculin mais qui s’écrit au féminin.

 

«Deux-cents à l’heure dans la Pontiac,

la pluie se mélange à la soundtrack

la nuit est bleue, la route est sombre.»

in Marcelle

 

            Marcelle, comme sur la cover de l’EP, se jette en arrière dans le vide que représente son lit, pleine de grâce et de volupté cinématographique. Cette femme «qui pourrait être Marcelle mais qui n’est pas Marcelle» est une figure support de toutes les émotions du rappeur. Comme le dit si bien damlif : «A travers Marcelle, on peut trouver toutes les questions qui fâchent mais aussi toutes les réponses.»

 

Ne cherchez donc pas un portrait, ni une ode, encore moins une déclaration d’amour dans ce projet, on y trouve surtout des motifs, des ambiances, des textures, des mélodies, des sensations, des images vibrantes comme l’est toute poésie oscillant entre réalisme et symbolisme. Deux anges tutélaires de la composition et de la réalisation sont venus accompagner damlif sur ce projet : Sheldon et Toboë, amenant chacun à leur manière une atmosphère onirique encore plus dense.

 

 

«Où est passé mon mal-être?

Celui qui me rendait beau

Mon fard et mon rouge à lèvres»

in Fard, rouge à lèvres

 

Dans cet EP, damlif se cache autant qu’il se dévoile, maniant les antagonismes et les contraires ; les images créées permettent de définir les contours d’une mélancolie créatrice et d’un mal-être assumé. Il confirme : « Avec le mal-être en général, il faut vivre pleinement sa maladie, aller au bout, sinon c’est compliqué d’en sortir.» Assumé, certes, mais l’enjeu de ce malaise existentiel est aussi de trouver des subterfuges, de chercher à se dissimuler pour faire exister les mots : « Paroles bleues, se cachent dans ma joue, les paupières se ferment».

 

«Son nom sur page de garde

Son nom sur dalle de marbre»

in Sous mon vocodeur

 

On traverse le projet comme Marcelle les grandes étendues dans sa Pontiac. Les titres suivent un schéma narratif commençant avec Marcelle entre et finissant avec Sous mon vocodeur, et c’est bien sûr derrière son micro et ses textes que se dévoile l’autopsie d’un corps vivant sous la plume d’un rappeur qui sait que son art est « un jeu d’adresse : dextérité requise.» Lui qui va « devenir un homme qui se permet de vivre » comme il le dit dans Marcelle entre, s’est bel et bien permis d’offrir un EP touchant de qualité et de dextérité musicale et littéraire.

 

 

 

Marie-Gaëtane Anton

En remerciant damlif pour sa précieuse collaboration