Naë : Au bout du sentiment pour trouver sa force
Musique - 16.11.2021
Chanteuse, auteure, compositrice, Naë nous plonge dans un univers sentimental, sincère et profond marqué par sa force de caractère et sa sensibilité. Général Pop est allé à la rencontre de cette jeune artiste – signée chez Elektra – qui sortira son deuxième EP début 2022. Deux sons clippés annoncent déjà un projet mature aux mélodies pop et inspiré de soul et de RnB.
Aux origines
« À l’amour vouloir s’offrir
Et toujours devoir souffrir
S’enfuir
Coup de dés dans le désir
Tant de plaies dans le plaisir. »
in Éclair.
« J’existe, c’est déjà pas mal sinon je fais beaucoup de musique, de la compo, de l’écriture et des concerts », c’est ainsi que se décrit Naë pour qui tout commence à Bordeaux. D’abord danseuse avant d’être chanteuse, elle grandit dans un environnement familial musical où le père écoutait et chantait des classiques du rock des années 60 et 70. Une fois que le rythme danse-école-dodo devient pesant, c’est au collège que Naë commence à chanter, dans un groupe de rock appelé Malice : « J’étais devenue la nana qui se révèle au collège, qui fait de la musique, j’avais un groupe, j’étais la chanteuse du band, la seule fille avec des mecs autour d’elle, j’ai parcouru beaucoup de choses après mais ça a été formateur avec des premiers tremplins, des premiers concerts. »
A 16 ans, aucune peur
Arrivée au lycée, Naë, après quelques temps difficiles, préfère se déscolariser et se concentrer sur sa musique. La musique la sauve littéralement et elle arrive à créer un petit label avec des amis qui l’entourent toujours aujourd’hui. « On avait une sorte de pot commun avec le bénéfice de nos dates et on arrivait comme ça à être autonomes, c’était une sorte d’autogestion qui m’a beaucoup émancipée, j’ai beaucoup grandi à ce moment-là. » Naë a 16 ans et sort un premier EP No fears en 2018, amorçant ainsi le début de sa deuxième vie. « J’ai exploré plein de genres musicaux, j’ai fait du reggae, un peu de rap, un peu de new soul avec ce label qui me portait, ça m’a permis de me développer et de savoir ce que j’aimais. Cet EP, j’en suis fière, c’est comme un vieil album photo, t’es content de le ressortir, je suis heureuse d’avoir gardé ces traces-là sur mon parcours. »
A cette période déjà prolifique, elle s’entoure notamment de Plae Casi qui l’accompagne en live aujourd’hui encore au piano et qui deviendra son co-producteur et son réal artistique. Enchaînant les dates dans les bars en piano-voix, elle jouera en première partie de Soprano et, ainsi, arrive doucement une notoriété méritée.
En 2019, première flamme
« Tu prends le temps cette fois
de penser à demain avant de disparaître
Je te vois à peine, aveuglée par la lumière
Tu me rappelles les enfants que nous étions hier. »
in La Flamme
A 20 ans, Naë décide de ne plus faire les choses à moitié, elle arrête ses études et se consacre à son art, en particulier au travail de l’écriture mais cette fois en français. Cette démarche est illustrée par la sortie du son Flamme. « Une première relation me pousse à écrire en français. Ma langue natale semble évidente car je me rends compte que ma relation au monde s’est faite dans mon rapport aux hommes et l’écriture devient urgente. Il fallait que j’écrive tout ce que je ressentais à défaut de ne pas pouvoir le dire, là mon écriture est devenue cathartique, très thérapeutique. L’écriture et la composition mélodique d’ailleurs, car pour moi c’est la même chose.»
A cette période, la force de Naë a été de bien s’entourer et d’engager de passionnantes collaborations artistiques. Repérée sur le chantier des Francofolies au Rocher de Palmer à Bordeaux en mai 2019, Naë rentre en contact avec Rodolphe Dardalhon, son futur éditeur chez Roy Music. Ce dernier tient à lui présenter Jérôme Attal, romancier et parolier. Cette rencontre marque le début d’une étroite complicité : « Dès la première rencontre, on a été sur la même longueur d’ondes. Il arrivait à traduire par des mots, des émotions qui étaient en quelque sorte muselées en moi. Depuis cet été 2019, nous n’avons jamais cessé de coécrire, c’est un vrai pilier dans mon entourage musical et un repère dans mon cheminement personnel. »
Une collaboration comme une bonne étoile
En 2019 toujours, une nouvelle étape est franchie dans ce début de carrière progressif et plein de lucidité. La sortie de Flamme arrive en même temps que sa collaboration avec le rappeur Nekfeu pour l’album Les étoiles vagabondes où elle co-compose le son Elle pleut, interprété par Nekfeu et Nemir. « Quelques années auparavant, j’avais mis un son piano-voix qui était sorti sur l’EP No fears, et via les réseaux, on flashe sur une de mes compos et on me propose de sampler ce son. On m’a proposé cette collaboration, et à cette période, je trouvais ça cool d’être valorisée pour ma compo et pas pour ma voix. C’est pas si courant. Et j’ai posé quelques voix sur des morceaux de l’album aussi comme Koala mouillé et De mon mieux. Le tout fait que ça a été une sacrée belle aventure. »
Une écriture tournée vers le sentiment
«Toutes ces vies que l’on refuse
Sans jamais sauvegarder
On est perdu sans arrêt
Sans savoir qui on est
Tout ce qui nous arrive est déjà spoilé
Faut pas qu’on se prive de tout débrancher. »
in Love
« Je suis une artiste plutôt love, c’est autobiographique, je m’inspire de ce que je vis ou de ce qui m’entoure. » Attachée à raconter des histoires qui marquent mais qui forgent le caractère, les paroles de Naë sont le fruit d’expériences, de prises de recul et de compréhension d’elle-même, le tout à l’aune du sentiment comme élément destructeur puis réparateur. Transformation des douleurs en joie, des échecs en émancipation, l’amour vaut d’être vécu dans la mesure où il nous définit tous. « Ma musique de prédilection c’est la mélancolie mais je suis solide et ça se sent. On a dit un jour de moi que j’étais lumineuse jusque dans mes ténèbres et je trouve ça assez vrai. Je fais du recyclage sentimental, un sentiment violent ou triste peut se transformer en jour. Dans ma musique, on entend des bribes de moi qui vont résonner où on se dit que j’ai galéré, mais c’est OK, car on sent que je vais me relever. C’est comme si j’avais un moi au-dessus du moi.»
La force s’entend dans sa voix claire et dans les prods puisque les mélodies ne cherchent pas à évoquer la tristesse mais bien plutôt la volonté d’aller au-delà afin de raconter comment on s’en sort plutôt que la souffrance, c’est ce que l’artiste évoquera bientôt : «Je parle que d’amour et de relations amoureuses mais il y a un son qui va venir où je m’extirpe de ce registre, je parle du fait que je n’existe pas qu’à deux ou à travers de quelqu’un, j’existe d’abord toute seule. S’appartenir au bout du compte, être féministe c’est ça en fait, ne plus avoir besoin d’être obsédée par une relation ou d’exister qu’à travers elle. »
En ce début de concrétisation professionnelle, après des années où les deux pieds de la chanteuse ont toujours été bien ancrés dans le monde artistique et la musique, il reste à mettre au clair que rien ne l’empêchera d’aller loin. Galvanisée par une notoriété ascendante et des auditeurs déjà nombreux, le projet de Naë s’attend avec sérénité et impatience. « Aujourd’hui que j’entame cette troisième vie, il est hors de question qu’on me mette des bâtons dans les roues. Aller au bout de ses rêves et de ses espoirs m’anime mais le tout c’est que tu aies des bonnes assises. Se connaître c’est ça la liberté et ce sentiment de liberté est fort. »
Marie-Gaëtane Anton
en remerciant Naë pour sa précieuse et chaleureuse collaboration.