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Peter Peter, la Mélancolie entre deux continents

Peter Peter, deux prénoms répétés comme une prière. Une discographie qui est l’illustration musicale, voire pour certains, la bande originale parisienne d’une décennie entière. Un an après la sortie de Super Comédie, rencontre rétrospective et introspective pour Général Pop en guise d’au revoir à Paris avant le retour au pays natal.

             En 2012, une version améliorée de la tristesse sortait, et très vite, la mélancolie prit un nouveau visage, celle d’un jeune homme aux yeux bleus, en gilet, marcel gris et les deux mains dans les poches. L’œuvre de cet artiste nous parlait alors avec cet accent de ceux qui ont souffert, qui force toute personne qui a souffert à laisser là tout le reste et à écouter.

             Ainsi, le décor était planté, un vrai mood : vouloir être une Beauté Baroque qui dit « c’est impossible mais c’est réciproque », marcher avec ivresse dans Pigalle sous le son MDMA puisque « sur les trottoirs, la ville est à genoux », se sentir seul comme un réverbèreet finir par se dire « je me tuerais si tu veux pour que tu m’aimes un peu », mais surtout se répéter « Tu tournes dans ma tête Comme un carrousel Être malade me plaît ». Mais tout ça c’était Peter Peter en 2012.

            Entre temps, il y a eu 2017, et la sortie de l’album Noir Eden. Là encore, l’univers de l’artiste avait sonné juste dans un Paris post-attentat, tentant de retranscrire l’anxiété de chacun. Dans des sons comme Nosferatu, le trip onirique essayait de nous faire garder espoir en l’urbanité :  « Quoique je dise surtout quoique je fasse / Ce que je ferai je l’ai déjà fait / Si je ne résiste pas c’est que la ville est chaque fois plus belle, plus belle, plus belle, plus belle ».

            Or, il y a bientôt un an, en septembre 2020, lorsque la vie reprenait un peu, Peter Peter a sorti une autre version améliorée, mais cette fois de la Comédie Humaine, sous le nom Super Comédie. Peter Peter voit l’existence comme « l’œuvre la plus grandiose que chacun vit, d’où Super Comédie, les deux mots ensemble ouvraient tellement d’images que j’y suis allé. » Un an après, et au moment où il s’apprête à quitter la France pour rejoindre sa terre natale, le Canada, Peter Peter nous a donné encore quelques enseignements sur sa manière d’apprivoiser la vie, la mélancolie et l’écriture.

« Joues-tu encore la comédie? » in Damnatio Memoriae

             Super Comédie est un album traversé par plusieurs thématiques, la plus présente est celle, toute shakespearienne, de l’observation du Théâtre du Monde. Mettant en avant le rôle que chacun se crée dans la société tout en acceptant la grande part de l’illusion et des promesses présentes dans les relations.  Comme on peut l’entendre dans Nature obscène : « Et l’on se met en scène (…) j’ai appris à mentir et à bander mes yeux, A faire l’amour aux ombres de mes illusions. » Sans pour autant condamner les mécanismes sociaux, Peter Peter précise « Je n’ai pas de prétention dans mon interprétation du monde, chacun en a une signification. Faut juste être conscient de quel côté de l’histoire on se range vraiment, qu’on est parfois figurant dans la vie de quelqu’un, et qu’on est protagoniste dans la nôtre. C’est difficile parfois de se dire qu’on est insignifiant dans la globalité du monde et qu’on vit des mécanismes qui sont presque des scénarios. Tu te rends toujours compte que tu es prisonnier d’une caste sociale par exemple, il reste souvent quelque chose de prédestiné. En grandissant, je regarde beaucoup la société, j’aime lire des auteurs qui ont cette lucidité sur le monde, des gens qui parlent de la nature humaine. » Cette lucidité qu’il partage avec de grands auteurs traverse cet album comme on l’entend aussi dans Résurrection : « À faire semblant de vivre pour le temps d’une photo / C’est la règle du zoo» et bien sûr dans la chanson éponyme de l’album Super Comédie : « Je me suis vu évincé des lieux / Je serais resté autrement / Sans interrompre le récit de cette Super Comédie / Vu de l’espace, la Terre est ronde / À mon échelle, elle s’aplanit. »  Recul ou maturité, la rétrospection a permis d’élaborer ces nouvelles thématiques : « Comme chaque artiste, j’étais un peu mono idée aux débuts de ma carrière, je parlais beaucoup de sentiments même si je reste encore très sentimental et romantique dans mes textes, mais maintenant à la trentaine je regarde un peu en arrière et je vois défiler le film avec les différents actes. »

« Laissons la lumière nous guider, peu importe qu’elle soit vraie » in Essayer

            Peter Peter développe dans cet album une mélancolie de plus en plus positive, l’espoir semble transcender l’amour et même la vie. Acceptant d’être « l’ambassadeur de la mélancolie », il précise : «  j’essaye de donner de l’espoir, ce que je veux c’est que les gens se sentent moins seuls dans leur douleur, c’est le but je pense, ce que d’autres artistes ont fait pour moi j’essaye de le faire pour les gens.  Moi ça a été Elliott Smith ou Destroyer qui ont été là au moment où ça n’allait pas

             Dans cette « courte éternité » qu’est l’existence, on laisse le change aux illusions et à la manière de Baudelaire « Enfer ou Ciel qu’importe » le but c’est d’aller « au fond de l’inconnu trouver du nouveau. » Ce besoin de ressentir autre chose que la matérialité, il en parle dans Résurrection : « Qu’un corps ne suffit pas, il faut quelque chose d’autre (…) la mort ne suffit pas ». Alors cette autre chose qu’est-ce donc et Peter Peter a t-il la réponse ?: « On n’est pas qu’un corps robotique sous forme organique, on est autre chose. J’espère que la vie ne s’arrête pas là, faut qu’il y ait plus, quand tu t’émancipes de la religion jeune comme je l’ai fait, tu te sens libéré mais au final j’essaie de retrouver des états de connexion et de transcendance dans la vie tout simplement. Il faut rester empathique, vouloir croire à quelque chose c’est déjà pas mal. »

            L’écriture qui transcende une vie et ce grâce à l’amour comme Dans extraordinaire, où Peter revient à l’amour passion et charnel habité par un modèle obsédant : « Fais-moi tomber plus bas /Je veux voir jusqu’où tu descends / Plus tu respires, plus c’est Extraordinaire. » mais aussi dans Une saison sans le temps qui passe, l’amour s’apaise et devient gage de sérénité «  je parle de ces escapades à deux pour fuir la ville, quand on va dans des endroits où on se sent bien. En fait je parle d’éternité, quand tu voyages et que tu n’as pas besoin de meubler, t’as rien à faire et tu contemples la vie, tu as l’impression que ça dure pour toujours. »

            Qu’elle dure pour toujours, c’est en tout cas ce qu’on souhaite pour sa carrière qui continuera désormais de l’autre côté de l’Atlantique. Nul n’est prophète en son pays, Peter Peter l’a très bien illustré en France, il nous montrera désormais que le contraire est sûrement tout aussi vrai. Bon Vent, Peter Peter !

Marie-Gaëtane Anton

en remerciant Peter Peter pour sa précieuse collaboration.