Rallye, poésie bucolique sous mélodies obsédantes
Musique - 18.6.2021
De la fusion musicale et amicale de Léo, Stan, Greg et Bapt est né le groupe Rallye. Ayant offert le 28 mai 2021 son premier EP, intitulé «l’Age d’Or », Rallye (signé chez le label PIAS) ne peut laisser indifférent. Dès la première écoute, on savoure les mélodies qui réveillent nos mémoires musicales forgées par la pop indé et le rock psychédélique.
Un revival hippie légitime et à propos
« Un petit feu de camp nous éclaire
Dans la nuit noire
On fait tourner un joint
Je joue de la guitare
Rien ne manque » Auguste
La belle exécution de ce voyage dans les grandes heures de la musique, des 60’s à aujourd’hui, s’accompagne avant tout de paroles aux thématiques issues de la contre-culture : éloge de la vie simple, valorisation du lien humain, retour à la nature. En cela Rallye offre un beau et intelligent message, ce qui fait qu’il en devient nécessaire.
Une ode à la décroissance et à l’autonomie
« Dans les herbes, sous les arbres
Sur tes lèvres qui me parlent, je vois
Une envie de vivre autrement
Que c’est bon de se détendre
Que c’est bon de perdre du temps, simplement
Manger le fruit de la terre
Boire du vin, faire l’amour et voir, simplement » Flower Girl
Non, ce n’est ni Virgile dans les Bucoliques, ni Hésiode dans Les Travaux et les Jours, mais bien le groupe Rallye qui, dans ces paroles, remet à l’honneur « l’aura saecula » (Siècle ou Âge d’or). Ce mythe, valorisant un âge disparu où les hommes et les Dieux vivaient en harmonie et en osmose avec la Nature, est la source de biens des récits poétiques d’appropriation.
Plus que jamais, ce mythe prend sens dans notre époque où la Nature souffre, ploie sous le poids de l’homme postmoderne, capitaliste et ultra consommateur. Le message de ce groupe, en plus d’être porté par la très belle voix du chanteur et par des mélodies planantes car souvent étendues et distendues (magie du shoegaze), a donc toute les raisons d’être écouté. A travers l’allégorie évidente, notamment de cette femme-fleur qui fait planer, l’esthétique du clip de Flower Girl est une belle illustration du lâcher prise que l’on peut opérer face à la modernité.
S’aimer comme dans Easy Rider ou sous l’impulsion de Pasolini
« Sous la voix lactée
Dans les grands espaces
On aurait de la place pour s’aimer
Comme dans Easy Rider
Sur un chopper
On prendrait tout le temps
Tes mains dans ma veste en jean
Comme dans Easy Rider» Easy Rider
Rallye, c’est aussi des univers précis de références, des échos puissants qui créent image et sens, et le tout sans nostalgie puisque l’exécution musicale est d’une grande modernité (le producteur Krampf a aussi su amener une justesse vocale contemporaine plus qu’appréciée).
Les deux derniers sons de l’EP évoquent des histoires d’amour et font appel au cinéma des années 60 – évidemment – pour l’élaboration des récits. On apprécie le légitime choix d’Easy Rider de Dennis Hopper, sorti en 1969, année ô combien symbolique puisque c’est l’apogée du mouvement hippie et de l’émancipation de la contre-culture. La même année : Woodstock et Easy Rider !
Film précurseur du Nouvel Hollywood et manifeste vibrant de la liberté, de l’autonomie, de la quête de soi où deux bikers (Dennis Hopper soi-même et Peter Fonda, frère de Jane et fils de Henry) traversent les Etats-Unis en écrivant le mot Liberté sur leurs bécanes.
On comprend alors que, pour Rallye, s’aimer comme dans Easy Rider signifie que la liberté est le maître mot d’une relation et de la vie plus largement. Cet idéal semble acquis lorsqu’on observe le clip dirigé par Kevin Elamrani-Lince, où l’osmose musique – nature donne simplement envie de vivre comme eux !
« Toi et moi on est tous les deux pareils
Fidèles comme les ombres au soleil
Moi et toi on est du pareil au même
On vit le même théorème » Théorème
Le dernier son de l’EP Théorème évoque, quant à lui, une relation achevée puisque l’amoureux se demande très intimement « Est-ce que tu sors dans de nouveaux endroits? Est-ce que tu penses à moi? Toutes mes nuits sont longues et toi ? Que fais-tu demain soir? Ton parfum s’accroche à mes draps. » Honnêteté et vérité se retrouvent dans ce questionnement universel post-rupture.
On note par là même un dernier hommage, plus discret, au film Théorème de Pier Paulo Pasolini, sorti en 1968 et où, là encore, on retrouve des personnages qui refusent les codes et qui ébranlent la culture bourgeoise. (Le héros du film – joué par Terence Stamp – incarne une sorte de dieu-amour et se tape littéralement tous les membres d’une même famille de la bourgeoise milanaise.)
Rallye reprend, là encore, avec mesure et distance, des symboles de la contre-culture et élabore une vision nouvelle de l’amour, celle de la déconstruction, et on leur en est plus que reconnaissants de le faire avec une musique aussi addictive.
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Marie-Gaëtane Anton