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Music Declares Emergency débarque en France

Le 31 mars 2021 naissait l’antenne française de Music Declares Emergency. Nous avons choisi d’en savoir un peu plus sur le mouvement qui vise à conjuguer belles mélodies et sauvegarde de la planète avec l’une de ses cofondatrices. 

10 octobre 2007. Radiohead lève le voile sur In Rainbows, septième album du légendaire groupe originaire de l’Oxfordshire. Mais alors que les observateurs s’agitent autour de la révolution opérée par Thom Yorke et sa bande, celle de se passer de label et d’opter pour une distribution “à la source”, entièrement dématérialisée et à prix libre, un autre aspect plus profondément enfoui fait du disque à l’artworkd’arc en ciel toxique”, selon les mots de son designer  Stanley Donwood, une pièce fondamentale de l’histoire de la musique : en dix titres et 42 minutes, Radiohead se fait le porte-parole d’un monde consumé par la flamme de l’activité humaine.

Fin d’année 2019, quelque part en Angleterre. Alors que le mouvement Extinction Rebellion se fait connaître de chaque côté de la Manche par ses actions non-violentes et pourtant coup-de-poing, certaines personnalités du milieu musical réfléchissent à la façon la plus optimale d’éveiller les consciences de leurs suiveurs et suiveuses quant à l’urgence écologique. Music Declares Emergency deviendra leur bannière, “No Music On A Dead Planet” deviendra leur cri de guerre. Thom Yorke, Brian Eno et Massive Attack, entre autres, en seront les parangons.

J’avais déjà entendu que ça faisait un peu de bruit outre-Manche, me raconte Clémence Meunier, journaliste pigiste spécialisée en musique électronique mais aussi cofondatrice, avec Emmanuel Sala, Mathilde Vohy et Elodie Lifchitz, de la toute nouvelle antenne française de Music Declares Emergency, et puis j’ai été contactée en décembre 2020 par deux-trois personnes qui en sont aujourd’hui les président.es. Elles avaient été elles-mêmes approchées par “l’entité-mère” pour exporter leur initiative chez nous.” Une équipe qui s’est aujourd’hui bien agrandie, avec Julie Gammicchia et Boris Picq en qualité de présidente et président adjoint, Félix Godbille en secrétaire général ou encore Camille Faivre d’Arcier en secrétaire générale adjointe. 

Le secret du fonctionnement de Music Declares Emergency, MDE pour les intimes (et parce que ça fatigue d’écrire constamment Music Declares Emergency en entier), c’est en effet une forme de décentralisation, principe cher à François Mitterrand, qui vise à adapter les mesures à chaque pays en fonction de ses spécificités. 

Il y a un MDE Chili, un MDE Allemagne, un MDE Suisse, encore plein d’autres, et donc un MDE France ! Parce que les pays n’ont pas les mêmes institutions politiques, pas les mêmes réseaux professionnels, pas les mêmes organes de labellisation, parfois pas les mêmes façons de travailler…

Toutes ces entités globales convergent néanmoins vers un même objectif : la sensibilisation, tant des pouvoirs publics par une “activité de lobbying” que des acteurs et actrices du milieu “par des activités de conseil et d’aiguillage”, et même celles des amateurs et amatrices de petit plaisirs auditifs. Une sensibilisation que vous pouvez soutenir par l’intermédiaire d’une cagnotte en ligne, MDE étant une association entièrement bénévole.

 

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En signant la Déclaration d’Urgence Climatique, “parce que, comme la déclaration d’état d’urgence sanitaire qu’on nous rabâche chaque semaine, il y a une vraie symbolique que l’on ne trouve pas dans une pétition, toutes les entités s’engagent à prendre les mesures nécessaires afin de réduire au maximum leur empreinte écologique. “Tout en sachant que tant qu’il n’existe pas de moyen de consommer sans aucune pollution, on ne pourra jamais atteindre les 0% d’impact sur l’environnement, préfère tempérer Clémence Meunier. Même les panneaux solaires, les barrages et les éoliennes ne sont pas si verts que ça…

Des alternatives simples… 

Si MDE ne pointe le bout de son nez qu’en mars 2021 – le 31, plus exactement – en France, ça n’est pas un hasard. En effet, cela fait déjà un an que les concerts et autres festivals, activités qui nous rassemblaient tous, une pinte à la main devant nos artistes favoris, ne se déroulent plus qu’en live-stream sur les écrans de nos ordinateurs. Live-streams qui, faut-il le rappeler, “nécessitent quand même des serveurs qui consomment énormément, parfois autant que si on était allé voir le concert nous-même !”. Une pause pourtant bienvenue, car permettant de repartir sur un pied bien plus responsable.

En effet, quand il pense aux liens entre écologie et musique, le cerveau le plus pragmatique n’aura qu’un mot en tête : “tournée”. “Quand un groupe comme Rammstein fait une tournée autour du monde, c’est 50 camions, plusieurs avions, des scénographies énormes et un backline à n’en plus finir. Et même si, heureusement, tous les artistes et groupes du monde ne sont pas Rammstein, il ne faut pas négliger l’impact que peut avoir plusieurs voyages en avion et en tourbus. Surtout que ce qui pollue le plus dans une tournée, un festival ou un concert, c’est aussi le transport du public.” 

Pas question pour autant de faire disparaître notre passion pour la musique live, qu’elle soit électronique, actuelle ou “du monde”, d’autant plus que le gouvernement s’en occupe déjà très bien. Pour les tournées, les alternatives sont nombreuses. Quand on est artiste, privilégier le train plutôt que l’avion est déjà un geste fort, et on peut même expérimenter un peu… “On a déjà vu des tournées à vélo ou à pied !” plaisante mon interlocutrice. Quant au public, celui-ci doit privilégier les transports en commun, le covoiturage ou, là-aussi, sortir sa plus jolie bicyclette. Une transition écologique, il est vrai, plus facile à réaliser dans les agglomérations au réseau urbain développé.

Pour ce qui est des lieux de tenue des concerts, qu’ils soient “sédentaires” comme une salle ou “nomades” comme un festival, il faut tout d’abord veiller à des choses simples, comme l’origine de l’électricité, qui doit être la plus renouvelable possible, ou celle du catering, de préférence bio, local et végétarien. On peut aussi envisager des connexions avec la ferme urbaine la plus proche, de façon à ce que cette dernière transforme les chutes de nourriture en compost, favoriser le recyclage et la récupération pour sa décoration, faire attention aux produits utilisés pour le nettoyage ou la rénovation… 


Si vous êtes un label ou un éditeur, vous pouvez par exemple privilégier le transport de vos disques par cargo plutôt que par avion, passer sur des vinyles de 140 grammes au lieu de 180, penser au merchandising éco-reponsable pour les gens qui, comme moi, collectionnent les tee-shirts de leurs artistes favoris, mais aussi demander à votre banque de ne pas investir votre argent dans des puits de pétrole et autres mines d’uranium, et plein d’autres choses encore. L’avantage chez MDE, c’est que chaque signataire pourra nous partager ses idées.

… Mais des questions parfois sans réponses

Pourtant, il existe encore certaines inconnues. Quid de la façon la plus propre et responsable de consommer la musique, par exemple. Faut-il plébisciter le streaming, et donc accepter de polluer avec des serveurs qui, selon une étude de l’Université de Glasgow parue en 2016, représentaient (déjà) près de 350 millions de kilos d’émissions de Co2 rien qu’aux États-Unis, ou revenir à nos bons vieux CD et vinyles qui nécessitent d’être transportés par avion ou bateau jusqu’à nos platines – sans même parler de la matière plastique qui les compose ? 

 

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Le gouvernement, et en particulier le nouveau Centre National de la Musique, les grandes entités du monde de la musique mais aussi les Ministères de l’Écologie et de la Culture accepteront-ils de jouer le jeu de Music Declares Emergency, de façon à utiliser leur pouvoir pour tendre vers un monde meilleur ? Quelle place donner à l’upcycling, que l’on parle de scénographies, de disques ou de merchandising ? Enfin, que faut-il penser de l’impact qu’auront les mesures de MDE sur le secteur ? Pour Clémence, le maître-mot sera “renoncement”

De la même façon qu’il vaut mieux manger une fois de la bonne viande chaque semaine qu’un Mcdo midi et soir tous les jours, il faudra revoir beaucoup de choses à la baisse pour continuer à en profiter. La taille du décor de la scène, le nombre de dates et de véhicules quand tu partiras en tournée, la jauge de ton festival, le nombre de tee-shirts que tu imprimeras pour faire ta promo….

Reconnaissant que la musique ne représente finalement qu’une petite partie des émissions de gaz à effet de serre qui étouffent année après année, jour du dépassement après jour du dépassement, notre belle planète bleue, la cofondatrice de Music Declares Emergency est pourtant pleine d’espoir(s). Pleine d’espoir(s) que ce bruit mélodieux qui enchante les oreilles et la vie de l’espèce humaine, peu importe sa culture, depuis plusieurs millénaires, puisse insuffler un vent de changement qui se propagera sur les six continents. 

Quand tu as dix-huit, vingt ans et que ton artiste préféré, qu’on parle de Thom Yorke ou de Billie Eilish, mais aussi Rone ou Fakear en France, prend position pour que tu passes les prochaines années de ta vie dans un monde qui ne brûle ou ne coule pas, ça te fait beaucoup plus d’effet que le discours plein d’éléments de langage d’un homme politique.”

Un combat plus que jamais nécessaire, pour que nos enfants puissent écouter les derniers disques de Peet ou de Voyou sans risquer d’être carbonisé sous une température minimale de 45 degrés à l’ombre. Comme le disent si bien ces tee-shirts imprimés à dix exemplaires, No Music On A Dead Planet. 

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Jules Vandale