Y’akoto : un voyage peut en cacher un autre
Musique - 28.10.2020
En quittant la vieille Europe pour revenir au pays, la soul woman germano-ghanéenne accomplit un double voyage. Derrière une quête identitaire, l’EP OBAA YAA fait état d’une paix intérieure retrouvée, d’un amour du “je” à défaut d’avoir perdu son toi(t).
“En tant qu’artiste noire, j’avais besoin de vivre et de travailler dans des espaces ‘noirs’. Je n’ai rien trouvé de tout cela en Allemagne.“ Musicienne et chanteuse déterminée, Y’akoto débute sa carrière en Europe avant d’éprouver un besoin urgent de “migrer”. Elevée au Ghana jusqu’à ses 11 ans, d’où son père est originaire, elle se fait connaître en Allemagne où Y’akoto publie ses trois premiers disques : Baby Blues (2012), Moody Blues (2014) et Mermaid Blues (2017).
D’Hambourg à Château Rouge
Et c’est bien le blues au ventre, pas assez épanouie personnellement et “lassée de répondre encore et encore aux mêmes questions”, que la chanteuse finit par quitter le pays teuton de sa mère, direction Paname City et son quartier populaire de Château Rouge. Là-bas, Y’akoto cherche à se reconnecter à son identité noire, comme elle nous le confie :
“Après deux ans de vie dans le quartier le plus noir de Paris, à deux pas de la station de métro ‘Château Rouge’, j’ai senti que ma réflexion évoluait. Mes pensées sont devenues plus légères et plus faciles à analyser.”
A Paris, elle retrouve une “certaine légèreté” et une attitude de “laisser-aller” qu’elle adopte définitivement : “Une façon de ne pas prendre tout et tout le monde si au sérieux.” Ses idées semblent s’y s’éclaircir à mesure que son addiction pour le café parisien se durcit…
Inspirée par ses voyages en Afrique de l’Ouest et aux Caraïbes, qui lui permettent d’étudier l’histoire des noirs “pour en apprendre plus” et échanger sur des questions raciales, la pression sociale qu’elle vit et “l’impression de ne jamais vraiment s’intégrer”, Y’akoto choisit finalement de quitter Paris et de rentrer au Ghana, sa “père patrie”.
Retour en grâce au pays
“J’avais besoin de boucler un cycle” nous raconte-elle. Jugeant que son “potentiel” artistique est “né” là-bas, Y’akoto souhaite avant tout revenir au Ghana, pour “rendre hommage” à son enfance et entreprendre un nouveau disque : “J’ai appris à marcher, danser, lire, jouer du piano et écrire ici. Tout a commencé ici.”
A son arrivée au pays, cette libération émotionnelle et ce bonheur retrouvé ne lui inspirent étonnamment aucune nouvelle chanson. Y’Akoto y ressent plus le besoin de s’exprimer physiquement (notamment par la danse) que de coucher ses émotions sur du papier. Ce n’est donc pas cette quête identitaire qui va donner naissance à son nouvel ouvrage OBAA YAA, mais une peine de coeur immense… jusqu’à en perdre la raison :
“Je suis un vrai cliché en tant qu’artiste. Quand mon coeur est brisé, si brisé qu’il reste ouvert, ça permet finalement de m’oublier et de m’exprimer pleinement. Tout peut sortir de là. Le bien, le mal…”
Une libération personnelle
De cette peine de coeur, née une fulgurance artistique et une révélation personnelle. S’envolant d’Accra pour Hambourg, la musicienne et chanteuse les enregistre dans le vif, avec son ami et confident Agajon, avec qui elle s’enferme en studio quelques jours. Avec cinq titres concis, l’EP OBAA YAA réussit à célébrer l’amour de soi et l’épanouissement personnel de Y’akoto. En quittant son pays d’adoption et ses proches, la voilà enfin en paix avec elle-même et capable de s’aimer :
“Aimer quelqu’un d’autre ça ne m’a pas libéré, par contre m’aimer moi-même si !“
Cette oeuvre personnelle, dévoile ainsi une toute autre facette de Y’akoto, 10 ans après son départ d’Allemagne, et lui permet de poser les bases, s’affirmant plus que jamais :
“ J’ai perdu la peur du jugement des autres.”
Artiste soul bercée par la culture musicale de son père également musicien, mais aussi par les années 80 et 90 de TLC à Tracy Chapman en passant par Destiny’s Child et Missy Elliott, Y’akoto prend un virage éclatant avec ce nouvel EP OBAA YAA et y laisse infuser un message personnel et à la fois universel comme le raconte le single phare I Agree, dédié à toutes les personnes qui “croient en elles-mêmes et choisissent de prendre la vie du bon côté”. Un bienveillant signal d’espoir en ces temps troubles !
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Abigaïl Aïnouz