Le podcast est-il vraiment à la portée de tous ?
Arts - 24.7.2020
Du 15 juillet au 2 septembre, Ground Control propose L’Eté du Podcast, l’occasion de revenir sur les acteurs d’un format qui ne cesse de se renouveler.
Révolution des medias pour les uns, tendance éphémère pour les autres, le podcast ne laisse personne indifférent. Face à cette effervescence, nombre de festivals ont d’ores et déjà émergé pour permettre aux auditeurs d’y voir (entendre ?) plus clair. Il faut dire que produire du contenu n’a jamais été aussi facile. Les outils de diffusion se sont multipliés. Encore faut-il avoir des histoires à raconter…
Un tympan convoité
European Lab, Paris Podcast Festival, les événements ne manquent pas pour écouter des anecdotes, recevoir des conseils des professionnels du podcast. C’est dans cette lignée que s’inscrit l’Eté du podcast, série de conférences en ligne, masterclasses et concours de pitch organisés par Ground Control, (l’ancienne friche ferroviaire logée derrière la Gare de Lyon ) du 15 juillet au 2 septembre (programme complet). De nombreuses initiatives sont mises à l’honneur et beaucoup de créateurs passent de l’autre côté du micro, le temps d’un témoignage.
Parmi eux, on trouve Charlotte Pudlowski, co-fondatrice de Louie Media qui compte de nombreux podcasts à succès (Entre, Emotions, Injustices…), Ziad Maalouf, fondateur de Transmission, école libre et gratuite de radiophonie à Aubervilliers ou encore la plateforme de crowdfunding Kiss Kiss Bank Bank qui participe largement à l’essor de ce nouveau format audio.
Il y a longtemps déjà que les groupes de presse s’intéressent au podcast.Si les rédactions ont globalement loupé le coche de la vidéo, faute de moyens techniques, beaucoup se sont ruées sur le podcast. Une façon de renouer avec un format simple, long qui valorise l’expertise de journalistes, habituellement forcés de condenser leurs articles.
C’est le cas de Prisma media (Femme actuelle, Néon, Gala, Télé-loisirs…) qui a lancé à partir de 2018 ses propres podcasts natifs. Le storytelling n’est pourtant pas l’apanage des journalistes. Si les studios indépendants de podcast (Nouvelles Ecoutes, Louie Media, Binge Audio…) et les groupes comme ArteRadio ont été pionniers en France, des podcasteurs indépendants fédèrent désormais un nombre considérable d’auditeurs.
Simplicité trompeuse
Si c’était si facile, tout le monde le ferait. Il suffit d’un téléphone (si on en croit La dernière séance, le podcast de Benjamin Abitan et son apparente facilité). Si le format n’est pas révolutionnaire, on trouve depuis longtemps des reportages audio en ligne, il a permis une nouvelle approche des thématiques. Une approche que les studios tentent de transformer en signature audio. Arte Radio est par exemple (re)connue pour ses expérimentations sonores, une étiquette que chaque nouveau podcast peut remettre en question.
La plateforme Acast démocratise le podcast
Restent quelques obstacles techniques à la pratique. Pour beaucoup, flux RSS et monétisation restent des gros mots. Pour cela, Acast a été créé en 2014 à Stockholm pour permettre aux producteurs de podcasts d’être visibles et de créer un modèle économique viable. Désormais, Acast propose des abonnements qui garantissent notamment l’hébergement, la diffusion sur les plateformes de diffusion (Spotify, Deezer, Apple Podcast…), la mesure de l’audience et la monétisation des podcasts. L’organisation estime couvrir plus de la moitié du marché français du podcast. Par cette diffusion massive, Acast permet aux créateurs de trouver leur public.
Et les outils se multiplient pour le grand bonheur des créateurs. Désormais, la barrière technique à l’entrée n’est pas la plus haute. Pour Cedric Begoc, directeur des contenus pour Acast France, le plus difficile pour un producteur de podcast reste de trouver son public.
“C’est ça la difficulté du podcast : raconter une histoire. (…) C’est le storytelling qui va être la limite. Il n’y a pas de limite technique, ce qui compte, c’est vraiment la capacité des gens à pouvoir inventer, réinventer leur contenu.”
CEDRIC BEGOC
Il s’agit donc de trouver un format à mi-chemin entre presse écrite et radio : un audio monté, relativement formaté avec du temps long, un sound-design et un ton qui lui sont propres. Cedric Begoc cite à ce titre Code Source, podcast du Parisien, pensé par Jules Lavie avec une identité forte mais également un lien avec la ligne éditoriale du journal. Mais les frontières avec la radio sont parfois minces. Les émissions classiques comme celles de France Culture ont par exemple capitalisé sur le replay. Une façon de diversifier les publics et de fidéliser de nouveaux auditeurs.
Une activité profitable
Depuis leur création, les médias vivent en cohabitation avec des marques, des annonceurs. C’est particulièrement flagrant dans le cas des podcasts dont la viabilité doit beaucoup à la publicité. Qu’elles soient en pré-roll (début de podcast), en mid-roll (milieu) ou en post-roll (fin), préenregistrées ou portées par l’animateur, les publicités sont de plus en plus présentes. Qui ne tend pas l’oreille quand Sophie-Marie Larrouy, l’animatrice du podcast A bientôt de te revoir (dont vous trouverez un épisode ci-dessous), s’empare de la publicité du sponsor pour une interprétation hilarante ?
La plateforme de diffusion Acast essaie également repenser la monétisation des contenus. Cedric Begoc parle de “réconcilier les éditeurs avec la publicité” d’un côté, “évangéliser le podcast“ de l’autre. Acast travaille main dans la main avec l’Interactive Advertising Bureau (IAB), une organisation pour le développement de la publicité sur Internet mais également de nombreux studios de podcasts (Binge, Le Poste Général…).
Pour ce directeur des contenus de la plateforme, le rapprochement entre podcasteurs et publicitaires est garant d’indépendance et de liberté éditoriale. Les créateurs ne sont pas forcés de dépendre de grands groupes de presse pour produire des contenus. Il suffit d’un sponsor. Cette liberté de ton va de pair avec le virage stratégique qu’opèrent les grandes marques aujourd’hui. La publicité assume des discours plus critiques et résolument inclusifs.
Tout comme les médias doivent souvent aux annonceurs l’essentiel de leur profit, les marques ont tout à gagner de ce format où l’auditeur est plus attentif, surtout quand la publicité est ciblée. La Poudre travaille avec Guerlain, Louie Media a également passé le pas. Il est cependant stipulé dans la charte du studio que “les contenus publicitaires, de promotion seront clairement identifiés comme tels“ et que “les impératifs de publicité, de promotion et de partenariat ne peuvent influencer les contenus éditoriaux de Louie Media”.
La France à l’assaut du podcast
L’exportation des podcasts n’est pas seulement difficile pour des raisons linguistique. Elle l’est aussi pour des motifs culturels. Peut-on imaginer l’importation de Walk the dog, le podcast britannique par excellence qui base son concept sur la promenade d’un chien ? Il s’agit de bien cibler le marché national.
En France, les premiers succès du podcast se sont fait sur des sujets de société. Transfert de Slate a été l’un des premiers podcasts à succès en France en reposant sur les témoignages, la micro-histoire. On peut aussi citer Les couilles sur la table de Binge Audio, qui initie une prise de parole étayée et universitaire sur la question des masculinités.
Le podcast est en effet l’opportunité d’amener des questions politiques, militantes, tout en restant au plus près des auditeurs. Une conférence de l’Eté du podcast est justement consacrée au rapport entre le format et la politique (2030 Glorieuses, Le cul entre deux chaises, Extimité) le 31 juillet et aux questions d’intimité le 27 août (Vibrant.e.s, Me My Sexe and I, Entre nos lèvres…).
Si aux Etats-Unis, les contenus foisonnent et s’ils sont très portés sur le divertissement, la France, c’est l’offre qui manque, pas la demande selon Cedric Begoc. Les communautés sont fidélisées aux studios et aux séries qu’ils produisent. La fréquence des épisodes pourrait s’accélérer sans pertes d’audience. D’autant plus que les auditeurs sont partout. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les amateurs de podcast se limitent aux grandes villes, Acast recense 35% des écoutes dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants.
Avec trois axes principaux, podcasts de culture générale (comme Culture 2000,) les talks (comme Kiffe ta race) où invités et animateur discutent sur un sujet et les fictions (comme Conscience), le format promet de belles évolutions. Qui sait, la prochaine bonne idée est peut-être la vôtre ?
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Mathis Grosos