On adore les femmes à poils de l’illustratrice Marie Boiseau (et on vous dit pourquoi)
Arts - 08.7.2020
Exit les codes des magazines et la femme idéale ! Dans les dessins de Marie Boiseau et de son alter ego Marie Grognon, on découvre les humeurs d’une dame grosse, rose, poilue (et hilarante). Portrait.
Marie Boiseau et Marie Grognon sont inséparables. La première est une illustratrice freelance nantaise passée par l’école de BD d’Angoulême, et la seconde… son alter ego. Cette petite femme poilue et joufflue, souvent de mauvais poil (et à moitié à poil) lui permet d’exterioriser ses émotions en dessins, un véritable exutoire “pour les poser quelque part, les faire sortir de moi-même, et puis aussi, les accepter.” Sur instagram, chacune a donc son compte, et en fonction des humeurs, on retrouve dans un univers coloré et fleuri, les illustrations de Marie Boiseau ou les prises de tête de Marie Grognon.
Poils, graines et gouache
Inspirée par des artistes contemporains comme les couleurs vives d’Anne Laval, les femmes engourdies de Ness Lee, les crayons kid friendly de Camille Jourdy et Manu Montoya, l’univers fleuri de la suédoise Monika Forsberg, ou encore la féminité célébrée par Herikita… Marie Boiseau privilégie la technique de la gouache, plus fastidieuse que les illustrations numériques mais bien plus authentique. Quant à son alter ego Marie Grognon, ses scènettes spontanées et orageuses affectionnent le crayon de bois ou de couleur.
Passionnée par les plantes, “par la nature et par les formes et les couleurs qu’elles offrent”, l’illustratrice dévoile tout un univers réconfortant et cocooning, “des choses douces, apaisantes, qui nous font sentir bien”. Côté palette de couleurs, le rose est clairement omniprésent, même si pour elle, ce n’est certainement pas une façon de traduire la féminité :“Je ne sais pas ce que ça veut dire ‘la féminité’ et si je devais lui apposer une couleur, ça ne serait probablement pas le rose, un peu trop cliché.”.
“Je représente des femmes grosses, poilues, le genre de femmes qu’on voit rarement dans les magazines, la TV, les films… Qu’on ne voit jamais”.
Au delà de ses influences, ses traits et couleurs, c’est bien son sujet et travail engagé qui nous séduisent chez Marie Boiseau. Le modèle féminin que l’artiste dessine et décline sur ses planches est bien loin des clichés de femme sylphide sans poil. Malgré elle, Marie aide ainsi toute une génération de femmes à s’accepter, à bannir le mot “défaut” de leur méninges et assumer leurs corps : “ je suis vraiment ravie et touché lorsqu’on me dit que mes dessins aident certaines personnes à se sentir mieux, c’est vraiment fou.” Et si la Nantaise nous avoue dessiner que très rarement des hommes, c’est très simple : elle “préfère laisser la place aux femmes (…) les hommes m’intéressent moins”. Et toc !
Ni bon, Ni mauvais ni tout à fait le contraire
Dans son premier ouvrage solo, Ni bon Ni mauvais, ni tout à fait le contraire, l’artiste offre le premier rôle à sa Marie Grognon et compile les vignettes de son compte instagram comme un journal intime : “ce sont des dessins que je fais lorsque je ne vais pas bien, ou lorsque j’ai envie de raconter des petites choses. L’idée c’était aussi de montrer que oui, parfois ça va pas, et on ne peut pas y faire grand chose, c’est bien de l’accepter, et d’accepter que ça ira mieux plus tard.” Un ouvrage égocentrique ? Que nenni, et que celle qui ne se reconnait pas dans ce bouquin lève le doigt !
“J’ai l’impression que beaucoup de personnes se retrouvent dans ces dessins, c’est un peu un message qui dit : non, tu n’es pas seul-e à ressentir ça même si tu en as l’impression.”
“Instagram c’est vraiment l’ange et le démon”
Révélée au grand public par le biais d’Instagram, Marie confie avoir eu beaucoup de chance, mais continuer à se méfier de la course à la productivité encouragée par le réseau social, et la comparaison malsaine liée à la dictature du like : “on a l’impression que seuls les likes comptent, l’algorithme effectivement fait n’importe quoi, il y a la course à la productivité… On a trop tendance à penser qu’Instagram est la seule manière de se faire connaitre”.
Book is not dead heureusement ! Et comme nous ne sommes pas à l’abri que cette plateforme disparaisse du jour au lendemain (et qu’il existe tout autant d’illustrateurs géniaux qui n’ont pas instagram), Marie Boiseau s’illustre également sur papier et va sortir prochainement un second livre illustré : La Girafe pas de cou avec Carole Tremblay (chez la maison d’édition Les 400 coups). Son premier ouvrage jeunesse, un genre qu’elle affectionne tout particulièrement, lui permet ainsi de sortir de sa zone de confort… et de prendre le large pour de nouveaux horizons : “J’étais très heureuse et aussi un peu terrifiée car faire des illustrations jeunesse, ce n’est pas un exercice facile. Mais je suis super contente d’avoir pu faire quelque chose de différent de mes femmes grosses, c’est toujours chouette de s’éclater ailleurs, dans un autre domaine. ”