Mixtape “Confinatto ma non troppo” : une transe éclectique signée Ariel Wizman
Musique - 16.6.2020
A l’antenne comme aux platines, Ariel Wizman fait parler de lui. Pendant le confinement, le DJ franco-marocain a (re)collé des morceaux et fait naître une mixtape singulière qu’il nous offre en exclu.
Le confinement a été une période “débordante” pour Ariel Wizman. Heureusement, le DJ a trouvé dans la musique une façon de rythmer son quotidien, de retrouver un ailleurs au milieu du salon. Avec cette mixtape au titre italien, Wizman fait dialoguer des instants musicaux. De Debussy à Kraftwerk, l’immersion est complète.
Rester sans voix “mindfulness et de gourmandise”
Un état contagieux : l’auditeur est transporté. Entre réflexion et évasion, l’ensemble peut sembler exigeant, il n’en est pas moins efficace. Le mix s’écoute comme une seule et même piste dont les contrastes passagers trouvent progressivement une cohérence. Idéal pour se recentrer à une époque où l’attention est plus fluctuante que jamais.
“La concentration est un concept paradoxal. Vertu solitaire, elle a pourtant besoin de l’autre. On se concentre parce qu’il y a de l’extérieur.”
Et quel extérieur ! Pas étonnant que Wizman se passe des mots. A l’exception des lignes introductives. Des premiers mots signés Baudelaire, des paradis artificiels mis en voix avec l’éloquence caractéristique de Jean-Louis Trintignant, quelques phrases sur la drogue avant ce long trip musical. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est l’amour du texte et non du haschisch qui a guidé ce choix. Pourtant, les morceaux du DJ restent sans voix. Si on entend Jeanne Moreau fredonner l’India Song de Marguerite Duras, les instrumentales sont majoritaires dans la mixtape. La musique a sa propre grammaire et Wizman est polyglotte.
“Je n’aime pas les paroles, donc je n’aime pas le format ‘chanson’. Je trouve que c’est pas sérieux de chanter un beau texte. Et si le texte est moche ou trivial, à quoi bon ?”
Ariel Wizman joue des codes
Puis, les atmosphères se superposent. Le rythme lie des genres opposés. Du marimba au synthétiseur, Ariel Wizman joue des codes. Le DJ témoigne encore une fois son ouverture d’esprit en enchevêtrant Bach, Debussy, Monteverdi à Kraftwerk dont on retrouve The Man-Machine. Wizman fait aussi la part belle aux genres hybrides. Les musiques sont centrales dans la mixtape. De l’italien Nino Rota, l’alter-égo musical de Fellini, à Jun Miyake, compositeur japonais familier de l’industrie hollywoodienne, la mixtape est un véritable voyage. Le DJ fait le choix d’artistes pluriels, chaque référence en appelle une autre. Les airs andalous et orientaux de Luis Delgado se mélangent délicieusement à ceux d’Abed Azrié, puis à ceux du groupe brésilien Uakti. La mutation est perpétuelle comme si chaque phrase musicale trouvait sa réponse dans les autres œuvres.
“Un mix puise dans le rare pour créer l’inédit. Sinon c’est la radio. Ça doit être une aventure dans l’improbable, qui donne une autre vie à ce qui a été déjà enregistré et donc, d’une certaine manière, figé. Un mix délie les morceaux pour en faire un moment. C’est ce que permettait plus facilement le confinement.”
La radio, Ariel Wizman la connaît bien. Tantôt animateur, tantôt chroniqueur, le journaliste franco-marocain est passé de Radio Nova à France Inter, de France Inter à Europe 1. Entre temps, le grand public a découvert Wizman au petit écran, majoritairement sur Canal +. Le travail de Wizman s’est toujours conjugué au pluriel. La mixtape est à l’image de son créateur : engageante et imprévisible. A écouter ici.