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AL QASAR dévoile son premier EP enregistré entre Paris, Los Angeles, Nashville et Le Caire

Thomas Attar Bellier et Jaouad El Garouge, têtes pensantes de AL-QASAR – crédit : Rodrigue Mercier

MIRAJ, le dernier né du groupe de garage oriental AL-QASAR brasse influences orientales et psychédéliques avec brio. Rencontre avec sa moitié, le producteur franco-américain Thomas Attar Bellier.

Réunissant le producteur franco-américain de rock psyché Thomas Attar Bellier, et Jaouad El Garouge, musicien de tradition gawa originaire d’Essaouira (ville de pêcheurs marocaine), AL-QASAR est révélé au grand public français suite à sa programmation au fameux festival des TransMusicales de Rennes en 2018.

Le 6 juin prochain, ils dévoilent leur nouvel EP MIRAJ chez The Arabian Fuzz, un ouvrage engagé qui évoque le pouvoir, l’oppression, les réfugiés mais aussi de liberté et de rêves. Il a été mis en boite entre Los Angeles, Le Caire en Egypte, Nashville et Paris, et invite de talentueux musiciens comme Amar Chaoui (qui officie aussi pour Tinariwen et Robert Plant), le “héro du oud” algérien Mehdi Haddab (Ekova, Africa Express). AL-QASAR a aussi fait appel à des instruments bédouins en voie de disparition tels que le kawala et l’arghul.

Rencontre avec Thomas Attar Bellier, leader & producteur d’Al-Qasar

Quelles ont été les étapes et lieux, de composition et de réalisation de MIRAJ ?

Thomas : J’ai fait le gros de la pré-production en 2018, alors que j’habitais encore à Los Angeles. Quelques dates et festivals en Europe et au Moyen Orient ont ensuite permis d’affiner les arrangements en live.

Puis je suis parti en résidence au Caire, où j’ai eu la chance incroyable de collaborer avec un groupe de Zar, un rituel ancestral de guérison par la transe percussive (proche du Gnawa). Ca m’a permis d’enrichir certains grooves et rythmes de l’album, par exemple en jouant les morceaux avec eux, mais surtout de développer mon oreille et mon jeu, car j’ai performé toute une partie de leur propre répertoire avec eux. Ca fait un choc quand 15 musiciens mystiques commencent à jouer tes compos, avec à leur tête la sheikha (la prêtresse en charge d’exorciser les djinn) qui danse en te fixant droit dans les yeux. J’en ai profité pour enregistrer des instruments typiques de la région du Caire, comme le mizmar, l’arghoul et la kawala, tous joués par l’exceptionnel Amin Shaheen.

A Paris, j’ai fini de développer tous les arrangements et posé le reste des instruments dans mon studio. Puis j’ai fait mixer l’album par mon vieil ami Chris Rakestraw (dont j’étais le stagiaire à mes débuts) qui a un studio à Nashville et qui est connu pour ses services auprès de Danzig, de Megadeth…

Tu peux nous présenter les musiciens invités sur ce disque ?

A l’exception d’Amin Shaheen, tous les musiciens de l’album font partie de la formation live d’Al-Qasar (certains à plein temps, d’autres plus sporadiquement). Au chant, c’est mon partner le grand Jaouad El Garouge, musicien gnawa originaire d’Essaouira. J’ai également eu la chance d’enregistrer deux des meilleurs joueurs de oud actuels : le oud héro algérois Mehdi Haddab et l’égyptien Mohamed Abozekry, prodige du oud classique diplômé à quinze ans de la Maison du Luth Arabe. Aux percus, Amar Chaoui (qui officie également dans Tinariwen) s’est fait plaisir avec tout le panel de percus orientales classiques (écoutez son duel de darboukas sur le titre Gnawi), mais aussi quelques instrus africains et latins. Jaouad a également posé une dose de percus gnawas et africaines (caxixi, karkabou, shakers, etc…).

Quel message est diffusé dans MIRAJ

Al-Qasar est un miroir de la société d’aujourd’hui : on est un groupe multi-national, multi-racial, multi-lingue, multi-générationnel et multi-culturel… Ca nous pousse naturellement à défendre des valeurs fortes comme la tolérance et la lutte contre l’injustice. Sur Miraj, ça prend la forme de morceaux qui évoquent l’expérience des réfugiés, la place de la femme, le racisme, le pillage des cerveaux et des richesses de l’Afrique, l’environnement. On a confronté la langue arabe classique à des thèmes qui ne lui sont pas habituels, en se plaçant volontairement dans la lignée de Sheikh Imam (chanteur égyptien) et du poète Ahmed Fouad Negm.

Quelles sont vos inspirations avec Jaouad ?

Jaouad et moi avons des influences musicales assez proches. La différence est surtout dans le processus artistique : j’amène des compos très écrites, ultra carrées, et Jaouad les enrichit d’une “vibe” plus organique et naturelle. Musicalement, Al-Qasar n’a pas grand chose d’un groupe de Gnawa (à part bien sûr notre chanson tribute, qui s’appelle Gnawi). C’est plus dans l’approche du groove, de la transe et de la jam que Jaouad amène mes compos garage rock psyché vers ce territoire musical.

Et pour ce disque en particulier ?

C’est difficile de pointer du doigt des influences concrètes, car Miraj est le fruit de deux années de maturation, et les morceaux ont acquis une identité propre. On peut tout de même identifier quelques points de départ, tels que la pop psyché orientale des années 1960 et 1970. J’ai été marqué par les albums Mosaic Of The Orient d’Elias Rahbani et Hard Rock From The Middle East, du groupe The Devil’s Anvil, mais également par des douzaines d’albums de pop psyché turcs et iraniens, qui combinent des instruments traditionnels et des percussions orientales avec des grosses batteries Ludwig, des amplis Fender et Ampeg…

Comment s’est fait ta rencontre avec Jaouad El Garouge ?

J’avais eu écho du travail de Jaouad au sein de différents projets (dont Global Gnawa et Acid Arab), mais on ne se connaissait pas personnellement. Début 2019, lorsque la nécessité de changer de chanteur est devenue criante, Jaouad a été mon premier choix. Huit jours plus tard, nous sommes devant 1200 personnes sur la scène du Rocher de Palmer à Bordeaux, pour les Nuits Zébrées de Radio Nova. J’avoue qu’il avait quelques antisèches collées sur ses enceintes de retour, mais il a fait un travail de fou.

Quel a été l’accueil des musiciens classiques devant ce melting pot d’influences ?

Même si certains membres du projet ont une connaissance pointue de la musique classique arabe, personne n’est musicien classique en tant que tel. On est tous un peu à la confluence de plusieurs styles, époques et zones géographiques… C’est ça qui donne une profondeur au son et qui ancre les grooves dans une richesse culturelle. Quand Mehdi Haddab (qui est franco algérien et qui a grandi au Burundi) pose une partie rythmique de oud (un instrument classique du monde arabe) sur le titre Raqs Al Hayat (composé par mon ami jordanien Fareed Al Madain et par moi-même, franco-américain), j’ai l’impression d’entendre du funk nigérian.

Une anecdote d’enregistrement à nous partager ?

Le mizmar d’Amin Shaheen sur le titre Dance Of Maria (il s’agit de la flûte à anche qui joue le thème principal du morceau) a été enregistré dans une villa à Fayoum, au sud du Caire. C’est plus ou moins le début du Sahara, il faisait 43°C, aucune clim’, et les ventilateurs étaient tellement bruyants qu’on devait les couper pendant les prises. Le matos surchauffait toutes les 15 minutes, puis devait reposer au congélateur 30 minutes. Autant dire que cette petite ligne de mizmar qui ne dure que quelques secondes dans la chanson a pris des heures à enregistrer. On a passé un sale moment dans la sueur et la mauvaise ambiance, donc appréciez bien cette mélodie lorsque vous l’entendrez sur l’album.

L’ep MIRAJ de AL QASAR est disponible dès le 6 juin chez The Arabian Funk.