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“Pierre Vassiliu : en voyages” : la compile géniale qui rend hommage à cet ovni de la chanson française

Mais “Qui c’est celui là ?” A l’occasion de sa sortie chez Born Bad Records, nous avons rencontré Guido Minisky (Acid Arab) qui a piloté l’édition de cette seconde compilation de Vassiliu, succédant à la croustillante FaceB.

Pierre Vassiliu, c’est un nom qui est familier à tout le monde, mais rares sont ceux qui connaissent en détails la vie et l’œuvre de cet auteur-compositeur-interprète génial, qui est un peu tombé dans l’oubli malgré son grand talent. Cette compilation, Pierre Vassiliu : en voyages, dont l’édition a été confiée à Guido Cesarsky d’Acid Arab rend hommage à l’extraordinaire inventivité du chanteur.

Vassiliu est connu du grand public grâce à son plus grand tube : Qui c’est celui-là ? qui avait atteint la première place du hit-parade en France en 1973. Ce que l’on sait moins, c’est que ce tube ultra-connu est l’arbre qui cache la forêt d’une discographie extrêmement riche, qui emprunte à des dizaines de genres différents.

Le voyage, inspiration première de Vassiliu

Chaque fois qu’on voyageait quelque part, on était attiré par la musique. Pierre prenait le rythme du pays où on était et trouvait une chanson” Laura Vassiliu (épouse de Pierre)

Voyage, c’est le titre d’un album de Pierre Vassiliu paru en 1975, mais c’est aussi une philosophie de vie faite de rencontres et de nouvelles musiques venues d’ailleurs. Guadeloupe, Amérique du Sud, Sénégal : grâce à sa carrière, Vassiliu a pu poser le pied sur les cinq continents et son œuvre s’est nourrie de ces expériences autour du monde.

Musique brésilienne, funk américain, rythmiques Afrobeat : Pierre Vassiliu savait faire de tout. C’est par exemple de la bossa nova que l’on retrouve dans la chanson Initiation. Le titre L’oiseau quant à lui nous emmène dans un trip halluciné dans un style funk américain, tandis que Noix de Cola emprunte aux rythmiques afrobeat.

Pierre Vassiliu : en voyages rend hommage à un artiste précurseur de la “world music” qui savait s’imprégner du lieu dans lequel il se trouvait pour créer sa musique. Nous avons rencontré Guido Cesarsky, membre du groupe Acid Arab, qui a piloté l’édition de cette compilation.

Quel a été ton premier contact avec la musique de Pierre Vassiliu ?

Guido : Un jour, le chanteur Arnaud Fleurent m’a dit : « Tu connais Pierre Vassiliu ? ». J’ai répondu : « Oui, c’est celui qui a fait Qui c’est celui-là ? », mais en fait, c’était beaucoup plus que ça.

En rentrant de chez Arnaud, j’ai découvert tous ses morceaux et ça a été une révélation. Je me suis rendu compte que c’était un auteur absolument extraordinaire, essentiel et hallucinant.

Est-ce que tu vois un parallèle entre lui, qui mélangeait sa musique avec des styles venus d’Amérique du Sud et d’Afrique, et toi qui au sein d’Acid Arab mélange électro et techno avec la musique orientale ? 

G : Ça ne m’avait pas frappé. Mais indéniablement, il y a un goût prononcé pour le voyage un intérêt particulier pour l’autre. Avec Acid Arab, notre projet a commencé parce qu’on avait flashé sur ce que faisaient des musiciens Tunisiens.

Qu’est-ce que Pierre Vassiliu représente pour toi ?

G : Vassiliu représente une sorte d’excellence à la française, que ce soit au niveau de la production ou bien des paroles, qui sont parfois un peu enlevées, avec beaucoup de sentiments et pas mal de provoc’. C’est devenu une espèce de chanteur parfait et inconnu.

Comment tu expliques le fait qu’il soit un peu tombé dans l’oubli pour les jeunes générations ?

G : Ça ne s’explique pas. C’est arrivé à tellement d’artistes… Il y a toujours ce moment où la carrière s’arrête, sauf pour quelques artistes exceptionnels… Sortir un énorme tube dans sa vie est probablement le plus gros piège possible. C’est très dur de s’en relever. Tu seras toujours jugé à l’aune de ça. […] À la base, il était humoriste et Qui c’est celui-là ? l’a remis dans la position du chanteur comique, alors que c’était pas du tout son truc. Ça a un peu tué sa carrière finalement.

Tu as rencontré ses proches pour éditer cette compilation ?

G :  Le premier disque (Pierre Vassiliu – Face B – 1965-1981) était focalisé sur la période pendant laquelle il était avec sa femme Marie, un personnage incontournable dans sa vie, que j’avais rencontré. Quasiment un tiers de ses chansons s’adressaient directement à elle. C’était toute sa vie. J’ai rencontré sa fille Sophie aussi.

Ce volume est bien plus éclaté dans le temps : la première chanson date de 1968, la dernière de 2003. J’ai aussi rencontré Laura, l’une de ses femmes, Léna l’une de ses filles et puis tout un tas de musiciens qui avaient travaillé avec lui.

Comment tu as choisi les titres ?

G : Au début je voulais faire une compile pléthorique. J’imaginais un triple album, mais on m’a convaincu de pas faire un truc trop long et trop lourd à écouter. Nous nous sommes focalisés sur la thématique du voyage. […] La sélection a été hyper dure et chaque chanson enlevée a été un déchirement. Il fallait qu’il y ait de tout : de la musique brésilienne et africaine, du jazz, des chansons drôles et tristes.

Le manager de Vassiliu avait dit qu’il n’avait jamais vu un mec faire autant d’effort pour saccager sa carrière : c’était lié à quoi tu penses ? C’était quelqu’un hors système ?

G : J’ai rencontré son attachée de presse, qui m’a dit à propos de lui : Il ne voulait pas faire partie du système mais il voulait en profiter”. Voilà le paradoxe de la carrière de Vassiliu. Ça illustre aussi toute la schizophrénie entre tout ce que lui avait apporté son tube Qui c’est celui-là ? et tout ce à quoi il n’avait pas accès parce qu’il avait fait ce tube. C’était à la fois une chance, et une malédiction.

Il aurait pu toute sa vie refaire du Qui c’est celui-là ? et obtenir du succès par rapport au public. Au lieu de cela, il a préféré faire de la world music et de vivre le truc intensément : il vivait en Afrique avec ses musiciens lorsqu’il a sorti des chansons d’inspiration africaine. Il avait ouvert avec Laura un club de jazz / restaurant à Dakar. Ce qu’il faisait était sincère.

Tracklist complète :
1 – Initiation
2 – L’oiseau
3 – Moustache
4 – Qu’il est bête ce garçon
5 – J’ai trouvé un journal dans le Hall de l’aéroport
6 – Mange pas les bras
7 – Pierre bats ta femme
8 – Spiderman
9 – Fais moi savoir
10 – Noix de cola
11 – Viens ma belle
12 – Ça va, ça va

Toutes les infos sur la compilation Pierre Vassiliu : en voyages sont à retrouver sur le site de Born Bad Records. 

Et si vous voulez (ré)écouter la compilation FACE B 1965-1981 c’est par ici.

Clément Perruche