Sortez les mouchoirs, Cigarettes After Sex revient avec l’album post-rupture “CRY” et une session filmée à tomber !
Musique - 08.11.2019
A l’occasion d’un concert privé, filmé aux Magasins Généraux (chez BETC) pour ARTE Concert, on a rencontré le leader de Cigarettes After Sex : Greg Gonzalez. Il nous raconte la genèse de son deuxième album CRY.
Après un premier album éponyme paru en 2017 et encensé par la critique, le crooner à la voix suave, Greg Gonzalez est de retour avec un second épisode, toujours aussi apaisant et mélancolique : CRY. Les Magasins Généraux* recevaient l’équipe de tournage Neutra et ARTE Concert à l’occasion d’une session vidéo exclusive en noir et blanc (à retrouver ci-dessous). Elle nous donne un petit aperçu du live de folie qui vous attend pour la soirée du vendredi 8 novembre prochain à l’Olympia (Paris).
Pour l’enregistrement de tes albums, tu privilégies des lieux assez singuliers, n’est-ce pas ?
Greg Gonzalez : On aime vraiment les lieux atypiques. J’ai toujours détesté l’idée d’enregistrer en studio : j’ai l’impression de travailler dans un bureau. Et quand on a commencé à s’y mettre sérieusement avec Cigarettes After Sex, on a fait notre premier enregistrement dans un escalier de l’université de El Paso, ma ville maternelle. On s’y est senti si bien, qu’on s’est dit mais pourquoi on continuerait pas à enregistrer dans des lieux un peu atypiques. Plus c’est imprévu et mieux ça sera.
Et pour l’album CRY justement, vous avez choisi une île en Espagne, tu nous racontes pourquoi ?
Pour cet album, on avait la chance de pouvoir enregistrer un peu où on voulait. Et comme on avait une période de break entre deux dates vers Barcelone et qu’on voulait un peu d’exotisme, on s’est dit pourquoi pas Majorque, cette île est si belle. Dans une villa d’architecte incroyable et moderne à la fois, on a passé une semaine, isolés du monde. Il y avait plein de chambres mais on a préféré enregistré dans le patio, sous les étoiles. On y a juste installé quelques micros. C’était si rapide, une semaine avec tout le groupe. J’ai toujours produit moi-même le disque, et l’idée c’est un enregistrement live de tous les instruments en même temps, et dans un second temps, je rajoute quelques arrangements et la voix.
Tes chansons ont une aura cinématographique, comme celle d’une bande originale, ça t’inspire le cinéma ?
Absolument, et depuis toujours. J’ai grandi dans une maison où mon père accumulait pas loin de 1000 cassettes vidéos VHS. Il travaillait pour un distributeur et on lui envoyait plein de films à voir, des versions promotionnelles. Il y avait vraiment de tout, des séries B, des films d’horreurs et du cinéma d’auteur européen aussi. De Casablanca à Citizen Kane passant par des films érotiques et aussi des Disney. Et je les ai vu quasiment tous, gosse j’étais super curieux. Je crois que j’ai idéalisé des réalisateurs parfois plus que des musiciens, même si la musique reste mon premier amour. Je pense à Kubrick, Hitchcock, Godard..
Tu as une voix très douce et androgyne. On ne sait pas toujours si c’est une femme ou un homme qui chante. Comment tu as trouvé ce timbre si particulier ?
Ça m’a pris pas mal de temps, j’ai essayé de chanter de plein de manières et j’ai eu tellement de groupes différents. J’ai été joueur de basse dans un groupe de jazz, ou même chanteur dans une formation de death metal, quand j’avais 11 ans. Et puis le temps a passé et j’ai fini par trouver la voix qui est la mienne aujourd’hui, douce et délicate. Je me suis inspiré de pas mal de chanteuses, principalement une française : Françoise Hardy. C’est de loin une de mes influences principales et j’adore vraiment sa voix, et son album La Question (1971) reste un de mes préférés de tous les temps. Je crois que je voulais m’inspirer de la beauté de sa voix et me l’approprier à ma façon. Cela peut paraître étrange d’être autant influencé par une voix féminine en tant qu’homme… mais ça m’a permis de trouver ce chant qui est le mien, comme un murmure, très calme.
D’autres influences vocales marquantes ?
Il y a eu bien sur d’autres influences, comme Hope Sandoval de Mazzy Star, Cat Power, Jeanette – une chanteuse espagnole qui chante très doucement aussi.
Avant de vivre à NYC, tu habitais à El Paso au Texas. Comment cette ville a (ou n’a pas) infusé dans ta musique ?
Il y a tout un héritage musical à El Paso en effet. J’ai eu l’impression d’être né au mauvais endroit ou un truc comme ça. Car toute la musique que j’aimais, et bien je ne connaissais personne d’autre qui l’appréciait. J’étais un peu le seul. Et si mes amis ont commencé à écouter Françoise Hardy par exemple, c’est parce que je leur ai fait découvrir. Même Serge Gainsbourg, je l’ai trouvé par moi-même. Eux ils s’en foutaient un peu. Quand j’ai grandi, au lycée, je pouvais chercher tout ça sur le net, j’allais sur allmusic.com et c’est comme ça que j’ai pu découvrir Hardy, Gainsbourg, Ennio Morricone, Stereolab, Spiritualized.. J’essayais vraiment de me nourrir de musique au maximum.
Le point de départ de ce disque, c’est une rupture. Et à l’écoute de tes chansons, on ressent justement cet effet pansement, comme un remède. C’est le but recherché ?
Merci, ça fait plaisir d’entendre ça ! En effet, j’ai moi-même écouté beaucoup de musique comme médicament, à des moments de ma vie où je ne pouvais plus dormir car j’avais le coeur brisé, j’étais terriblement inquiet ou endeuillé. Et je n’avais qu’à mettre un album comme Brian Eno par exemple, et ça m’aidait à trouver le sommeil, à m’assommer un peu et retrouver mon calme. Ma propre musique, je voulais qu’elle procure la même émotion.
Tu es le genre de personne qui aime prendre son temps ? dans la vie et en musique ?
Oui complètement. Et pour cet album j’ai eu l’impression de ne pas avoir eu assez de temps pour le boucler. Le process de création a été assez curieux. On a enregistré toute la partie instrumentale de CRY il y a deux ans à Majorque. La musique a été finalisée si rapidement, en une semaine alors que d’habitude je prends vraiment mon temps pour construire chaque chanson.
Puis on est parti en tournée pendant quasiment deux ans, juste après la sortie du premier disque en 2017. Et j’ai vraiment pas trouvé le temps d’écrire sur la route, je crois que je suis pas bon à ça. En tournée, tu vas d’un hôtel à un autre… Et l’hiver dernier, j’ai enfin trouvé le temps d’écrire les paroles en seulement trois mois à NYC. C’est un album spontané au final, qui s’est fait rapidement.
Quel est la rencontre la plus marquante de ta carrière ?
On parlait de Françoise Hardy un peu plus tôt, et justement je crois que mon meilleur souvenir vraiment, c’est elle. J’ai eu la chance de la rencontrer deux fois. Et le plus dingue dans tout ça c’est qu’elle m’a avoué qu’elle était très fan de notre groupe. On a même pu dîner ensemble, on a longuement parlé et elle connaissait toutes nos chansons. C’était fou et j’étais pas mal timide moi ! Dîner avec elle et Etienne Daho en même temps à Paris ! Etienne est aussi un chanteur incroyable. Et c’est mon meilleur souvenir car cette rencontre était cosmique. J’ai tellement été obsédé par sa musique pendant si longtemps, et elle m’a tellement transportée. Et voilà que des années plus tard, tu te rends compte que cette même personne aime ta propre musique ! C’était surréaliste et ça va être dur de surpasser ce souvenir.
L’album CRY est disponible en version physique et digitale sur toutes les plateformes.
En concert ce vendredi 8 novembre à L’Olympia (Paris) – lien billetterie et évènement
*Les Magasins Généraux sont situés à Pantin et accueillent les locaux de l’agence BETC (et General POP)