Johanna Olk : “dessiner des femmes, c’est un moyen de s’approprier un corps, de comprendre comment on est fait et apprendre à s’aimer”
Arts - 21.10.2019
Tatoueuse, aquarelliste et designeuse, l’oeuvre de cette artiste bretonne de 26 ans nous séduit avec ses courbes féminines et corps entremêlés. Rencontre.
Quand on scrolle le profil instagram de Johanna Olk, on comprend vite que la figure féminine y tient une place de choix. Tout en courbes, ses traits simplifient et subliment l’esthétique du quotidien, mettent au premier plan ces petits détails réconfortants qui rendent “beaux et heureux”. En tatouage, à l’aquarelle ou à l’encre de chine, son dessin respire la quiétude, la même qui l’accompagne dans son petit village au bord de l’eau à Guéthary au Pays Basque, là où elle vit à l’année entre deux expositions. Découvrez notre interview avec Johanna Olk.
Le folklore de la Bretagne, ta mère patrie, a influencé ton travail ?
La Bretagne c’est là où je suis née et où j’ai grandi. C’est une région où les femmes ont un caractère très fort et assez mélancolique à la fois, car elles s’occupaient à l’époque des champs, des foyers, elles bossaient beaucoup, mais seules, sans leurs maris partis à la guerre ou les époux marins péris en mer… On retrouve ça dans mes représentations féminines.
J’ai été marqué par un monument en hommage aux marins péris en mer, en face de mon école primaire à Pont l’Abbé. C’est le seul que je connaisse qui représente non pas des hommes mais cinq femmes qui les attendent sur la terre ferme.
Avec du recul, je me suis rendue compte que je dessinais beaucoup des femmes qui sont les unes sur les autres, entremêlées, au regard assez mélancolique. Et ça me rappelle beaucoup cette sculpture. Je pense qu’inconsciemment il y a du folklore et donc mes origines qui s’impriment dans mon travail.
Et ces femmes que tu dessines, qu’est ce qu’elles t’évoquent aujourd’hui ?
J’ai commencé à dessiner toute petite et j’ai toujours dessiné que des femmes. Je pense que c’est un moyen de s’approprier un corps, de comprendre comment on est fait et on fonctionne pour apprendre à s’aimer. C’est comme un petit travail d’anthropologue qui dessine ce qu’il observe pour mieux comprendre.
Je n’arrive pas à dessiner les hommes, il sont plus carrés, il y a moins de courbes. Des fois j’essaye mais ça n’a pas la même émotion pour moi.
Tu as privilégié des études de design industriel plutôt que d’art. Quel a été le déclic pour te consacrer au dessin ?
J’ai toujours dessiné et tatoué, mais j’ai jamais pensé que ça puisse devenir un métier, ni jamais pris ça très au sérieux. À côté, j’avais de “vraies” études et j’envisageais de devenir designer industriel. Je suis partie en Australie en stage, et je me suis rendue compte que ça me plaisait pas du tout de designer des meubles. Heureusement, j’ai eu la chance de partager mes bureaux de design avec des graphistes. Et petit à petit je me suis mise à les aider et j’ai découvert le graphisme. Mes dessins ont plu…
Tu mets encore en pratique tes compétences en design ?
J’ai des notions de fabrication qui sont utiles pour des collaborations avec les marques, ça va plus loin que juste faire un dessin et l’envoyer. Je peux m’intéresser au produit comme je l’ai fait avec Lomography.
J’ai aussi collaboré avec la lingerie Chantelle, on a fait un pop up au Bon Marché. J’ai accepté ce projet car il s’intéressait au corps des femmes et à l’acceptation de soi. Ce sont des sous-vêtements uni-taille qui vont à tout le monde et la campagne ne met pas en scène des mannequins mais des modèles de toutes les tailles et avec des beautés différentes.
Comment en es-tu venu au tatouage ?
J’ai commencé au lycée avec mes copines, des petits travaux à l’aiguille à coudre et à l’encre de chine, pour rigoler. J’ai grandi en surfant beaucoup, en faisant du skate et ça nous paraissait normal (rires). Et en école de design à Nantes, j’ai rencontré Ivan Le Pays, qui tatoue aussi. On voyage et on fait beaucoup de projets ensemble. Et c’est à partir de là, je m’y suis mise sérieusement.
En plus de tes dessins, tu signes quelques poèmes. Quel est ton rapport à l’écriture ?
L’écriture, ça me vient car j’ai surement besoin d’extérioriser des sentiments. J’ai toujours avec moi un petit carnet où je dessine et où j’écris, quand je trouve ça beau. J’ai des carnets remplis de petits mots qui ont pas vraiment de sens, mais je les relis pour trouver de l’inspiration ou des idées.
En marge de tes expositions, tu partage ton travail sur Instagram, comment vois-tu ce réseau social ?
Pour le tatouage je suis persuadée que c’est utile, mais pour la peinture moins.
Quand tu regardes des comptes instagram d’artistes même très connus, j’ai l’impression que tu vois toujours la même chose. Ça va plaire à leurs abonnés, qui cherchent ce réconfort de retrouver le même style pour lequel ils se sont abonnés… mais je me demande si ces artistes s’épanouissent vraiment à faire ça. Enfin moi au bout d’un moment, j’en ai marre de faire toujours la même chose. Et dans l’histoire de l’art, les artistes n’on pas toujours fait la même chose !
Retrouvez Johanna Olk sur instagram et si vous souhaitez un tatouage, RDV sur son site.
Abigail Ainouz