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Rencontre avec Joanna : “à mes débuts, j’ai eu ce sentiment de me prendre un mur en tant que femme et artiste”

Crédit Morgane Quere

Avec seulement une poignée de titres au compteur, la jeune Rennaise s’est déjà fait une place sur la scène RnB française. Avant de la découvrir en live au festival MaMA, on vous dresse son portrait.

Avec une mère militaire, c’est le solfège et la théorie qui rythment les premières années d’apprentissage musical de Joanna. Bercée par la musique classique à la maison, elle se met très tôt au piano, avant de délaisser brutalement la théorie à l’adolescence pour cette bonne vieille méthode empirique : “ je suis passée de maîtriser des partitions à écouter et tenter de reproduire. “

“Ma mère me faisait écouter beaucoup de classique, dès mes premières années. Petit à petit, le piano est devenu le seul truc que j’avais envie de faire. C’est une grosse partie de ma vie.“

Au lycée, ce sont la musique électronique et la techno, puis le hip hop, qui vont prendre le pas sur le classique. Passionnée par l’image et la vidéo, Joanna s’engage en parallèle dans un parcours cinéma au lycée de Rennes, et capte très vite la nécessité de savoir gérer les différentes facettes (vidéo, images, réseaux sociaux, musique) d’un métier d’artiste d’aujourd’hui. Et entre deux productions visuelles, elle se lance dans des reprises faites maison en piano voix : “je m’enregistrais avec un micro un peu pourri avec le logiciel Audacity (rires) et je partageais parfois mes essais sur Soundcloud”.

“La scène rap était vraiment en train de s’installer à Rennes quand j’étais au lycée. J’étais un peu pote avec cette bande, des Colombine et Lorenzo, on faisait des soirées ensemble”.

Le bacho en poche, et à défaut de rentrer dans une école de cinéma (qu’elle ne peut se payer), elle occupe ses heures libres – entre deux cours à la fac – en bricolant des sons dans sa chambre. C’est à Colombine qu’elle doit sa première collaboration, via leur producteur Saaavane : “il m’avait repéré sur un type beat que j’avais fait un peu plus tôt”. Elle collabore ensuite avec KCIV, un autre producteur de la sphère rap rennaise et chante sur son ep Affection.

Ces premiers essais lui mettent le pied à l’étrier, rapidement la Rennaise délaisse l’anglais pour le français, et se met à écrire plus régulièrement : “je me suis dit qu’il n’y avait pas trop de sens car ce n’était pas ma langue maternelle et je la maîtrisais pas forcément”.

De ses échanges à distance (“je faisais des trucs dans mon coin”), Joanna finalise enfin un premier morceau dont elle est particulièrement fière et qui lui ressemble, Seduction. Dans la foulé elle réalise son propre clip, et il ne faut pas longtemps pour que la machine s’emballe : “ça m’a permis d’être repéré par les professionnels..”

A partir de là, elle se concentre sur son propre répertoire, abandonne définitivement les reprises pour se forger son identité. La petite fille unique et réservée qui composait seule dans sa chambre au piano, est devenue une femme forte, prête à exposer son travail : “J’ai avancé sur mon projet et sur ce que j’avais envie de dire. En tant que femme, je pense qu’on expose plus nos vrais sentiments.” Peu à peu elle met la main à la pâte côté production, en rencontrant Sutus, qui partage la même vision de la musique “ça a toute suite matché, et j’ai commencé à m’impliquer aussi dans la composition”.

Rattrapée par les inégalités homme femme dans l’industrie musicale, Joanna confie que sa musique et son premier EP (Venus, qui sortira en novembre prochain) sont empreints de cette même lutte “ce sentiment de se prendre un mur en tant que femme et artiste”. Car si à l’adolescence, elle évolue dans une bande majoritairement masculine et ne se sent “pas forcément femme ou garçon”, la barrière entre les genres la rattrape assez vite à l’âge adulte.

“Je me suis prise une espèce de claque, j’avais jamais vraiment tilté que ça pouvait être un frein ou que ça allait m’attirer des problèmes d’être une femme. Ça m’a donné la niaque tout ça. Et du coup j’ai beaucoup travaillé.”

Depuis elle bosse encore plus dure, et sa voix s’est endurcie : “j’ai plus de force, après le coaching vocal y est aussi pour beaucoup”. Loin de mettre de côté sa féminité, elle détourne les codes et la met en scène comme dans ce shooting initié par une artiste des Gobelins, où elle incarne une icône quasi religieuse, sanctifiant la femme autant qu’elle l’enchaîne, avec ce bijou-muselière de diamants, des attributs aussi inquiétants que sulfureux.

“Depuis la nuit des temps, la femme est un objet de fascination mais aussi de dégoût, on ne nous considère pas d’égal à égal…  Alors que c’est juste une histoire d’éducation tout ça !”

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Un grand écart d’influences :  de Mylène Farmer à Grimes

Dans ses modèles, on trouve des femmes fortes de tout horizon. Sa mère lui a transmis sa fascination pour la sensuelle et provocante Mylène Farmer “elle m’a suivie toute ma vie avec des degrés de lecture différents”. Sa voix, elle la doit à Lana Del Rey “c’est elle qui m’a donné envie de chanter”, la singularité de son univers à Grimes, et le côté self made woman à la chanteuse hollando-iranienne Sevdaliza, “j’aime sa vision de la femme. C’est une claque pour moi.”

“Je me découvre encore, j’ai du mal à me définir”.

En pleine quête d’elle-même, Joanna tente d’insuffler dans son travail cette même impulsion, de la musique aux productions visuelles. On a hâte d’écouter son tout premier disque EP Venus, réunissant des productions inédites inspirées de la trap signées Skuna.boi, mais aussi ces premiers coups de maître : Seduction et Oasis, des titres reflétant tous finalement “ce combat quand j’ai commencé la musique.”

Et si il y a un an tout pile, Joanna débutait sur scène avec son premier concert, elle se prépare à vivre un baptême de feu au festival MAMA, le mercredi 16 octobre au Magnum Club. Une étoile à suivre de près…