Pourquoi la virilité rime-t-elle avec la violence ?
Lifestyle - 20.7.2018
Hercule : symbole du héros et mythe guerrier
A l’heure où même de hauts responsables de l’Elysée usent de violence physique, nous nous sommes demandé d’où venait la violence, et pourquoi est-elle davantage exercée par les hommes ?
Si nous n’avons absolument pas la prétention de répondre à la question, voici quelques éléments de réponse.
« Sois un homme ». Cette injonction, adressée directement ou non, a été entendue au moins une fois par tous les mecs de mon entourage.
Mais c’est quoi être un homme ? Dans son ouvrage, Le Mythe de la Virilité, Olivia Gazalé retrace la construction historique de la virilité. Elle explique que ce que l’on appelle « virilité » est une construction sociale ancienne et archaïque. Selon cette idéologie, être un homme c’est d’abord se démarquer des femmes (des comportements que l’on associe à la féminité), et donc ne rien montrer, ne pas pleurer, ne pas avoir peur et évidemment ne pas en parler.
On associe par exemple la vulnérabilité, la douceur ou un comportement hystérique aux femmes, quant on associe la force, l’ambition et la maîtrise aux hommes. Ces valeurs ne leurs sont pourtant pas innées, elles sont issues de l’éducation qu’on donne aux enfants, et il est temps d’en changer.
“Qui aime bien châtie bien”
Ce proverbe vient des pédagogies antiques qui visaient à endurcir les jeunes garçons. Un homme doit encaisser les coups, mépriser la souffrance. Cette éducation avait pour objectif de créer des soldats. Il fallait donc les endurcir afin de les envoyer se battre sans redouter la mort. Le paroxysme de l’éducation virile s’est toujours perçu dans les régimes fascistes. Le culte du muscle et de la force y est très présent. Derrière ce besoin de former une carapace brutale et insensible, se perçoit une angoisse terrible de l’indifférenciation. Chez les nazis par exemple, l’homme ne devait absolument pas être une femme et devait donc s’en différencier à tout prix. L’homosexualité était l’abomination suprême en ce qu’elle brouillait les différenciations sexuelles, et donc potentiellement les distinctions de classes et de races. Car s’il n’y avait plus ce type de distinctions, le nazisme n’avait plus lieu d’être.
Les gymnastes, Gerhard Keil, 1939.
Le mythe guerrier est donc central dans la construction historique de la virilité.
Comment fabriquer un combattant ? Lui dire qu’il n’a pas peur de mourir et encore moins de souffrir. Un homme (viril) doit donc supporter la douleur et même désirer la mort. On éduquait les petits garçons dans le but d’en faire des brutes sans aucunes émotions avec l’idée qu’être fort, c’est ne pas parler de soi. Mais problème : les hommes sont des êtres doués de sensibilité et ne pas exprimer ses émotions ou pire, les réprimer, a de lourdes conséquences.
Les hommes se suicident trois fois plus que les femmes
Selon l’Observatoire National du Suicide (ONS), en 2014, sur les 8 885 suicides enregistrés, 6 661 concernaient des hommes et 2 224 des femmes. Les hommes représentent donc 75 % des suicides en France. Au delà de la violence que les hommes exercent sur eux-mêmes, on dénombre que 70% des femmes (dans le monde) sont confrontées à des violences. Dans la plupart des cas, cette violence est exercée par le conjoint de la victime, à tel point que la banque mondiale estime que les cas de viol et de violence conjugale représentent un risque plus grand pour une femme (de 15 à 44 ans) que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis.
Les hommes violeurs ne sont pas des malades mentaux
Il faut également revenir sur l’image que l’on a du violeur : l’idée d’un homme frustré sexuellement, rodant la nuit, et qui saute sur sa victime pour répondre à une pulsion. Les hommes violeurs ne sont pas des malades mentaux, leurs actes ne répondent pas à une pulsion incontrôlable, ils appartiennent à toutes les catégories sociales, ils connaissent leur victime dans 75% des cas et ont plus de partenaires sexuels que la moyenne.
Le site antisexisme.net nous apprend que “la plupart des violeurs ne sont pas inquiétés par la justice : seuls 5 % des viols de femmes majeures font l’objet d’une plainte. Par ailleurs, le taux de fausses accusations de viol ou d’amplification des faits ne dépasse pas 3 à 8%, un chiffre semblable à celui des autres crimes. Sur la totalité des plaintes, seulement 2% sont condamnés ; et dans ces 2%, seul 1% est considéré comme un crime”.
Pourquoi violent-ils ? Souvent il s’agit d’un viol par désir de dominer. Ce n’est pas le désir sexuel mais la volonté d’obtenir ce qu’ils veulent qui les poussent à agresser des femmes, « elle me doit ceci (comprendre, l’acte sexuel) parce que j’ai fait cela (j’ai été gentil, j’ai payé le restaurant,etc) ». L’idée qu’un homme a des “pulsions” qu’il doit assouvir immédiatement est évidemment fausse, le viol est d’ailleurs souvent un acte prémédité.
Qui sont les hommes violents ?
Victoire Tuaillon a créé le podcast Les couilles sur la table qui traite de la masculinité. Elle nous apprend que chaque année en France, 225 000 femmes subissent des violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou de leur ex-conjoint (chiffre tiré de l’enquête que l’Insee mêne chaque année sur les violences domestiques). Pour son émission “Qui sont les conjoints violents ?” ,Victoire Tuaillon a invité Isabelle Steyer, une avocate qui traite des affaires de violences conjugales et qui a créé des groupes de parole d’hommes auteurs de violence.
Isabelle Steyer nous en apprend plus sur le profil de ses hommes violents. Bien souvent, ces hommes ont eux-mêmes subit des violences dans leur enfance. Il peut s’agir de différents types de violence, elle n’est pas toujours physique. Certains évènements comme les divorces peuvent être intégrés comme un acte violent. Il y a donc eu un craquement dans leur vie d’enfant, et ils se sont construits sans avoir réparé cette fêlure. “Souvent les hommes n’ont pas parlé. Ils n’ont ni parlé de leur histoire en tant que victime ni en tant qu’auteur (seul 10% des hommes violents reconnaissent leurs actes, ndlr). Les hommes se taisent, ils ont beaucoup plus de difficulté à parler que les femmes. Le tabou, le secret, la difficulté de dire est toujours beaucoup plus forte pour eux”.
On en revient donc à cette éducation genrée qui enferme les hommes et les femmes dans des comportements non naturels. Et qui, par conséquent, rend beaucoup d’hommes mutiques, incapables de trouver d’autres solutions que la violence. Il est peut être temps d’offrir un peu plus de journaux intimes aux petits garçons.
Pour plus de renseignements vous pouvez lire le site très référencé antisexisme.net et écouter les très bons podcasts La Poudre, Quoi de Meuf ou Les couilles sur la Table.