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POP CORN : Pourquoi faut-il aimer Roberto Benigni ?

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S’il n’existait qu’une seule phrase pour décrire l’acteur Roberto Benigni, ça serait celle de Jacques Prévert : “il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple.

Roberto, c’est cet Italien au physique lambda, celui que l’on croise dans la rue sans jamais prendre la peine de se retourner. Le même adulte que l’on croise le matin, dans un métro parisien, tête penchée dans un livre. C’est cette personne qui nous tient la porte à la fin d’un couloir, le sourire facile, le regard familier.

Et elle est là toute la simplicité de l’acteur. Pourquoi vouloir perdre son temps à se démarquer alors que la vie est trop courte pour aimer pleinement.

Car oui, Roberto Benigni a toujours su comment fonctionne la vie, les vies. La sienne, puis celles des autres.

Ce contraste entre le bonheur et celui du malheur, il la cerne bien.

Expert de Dante (incontournable poète italien, auteur de La Divine Comédie) qu’il récite merveilleusement bien dans ses derniers spectacles, il façonne l’existence comme une recherche perpétuelle du bonheur :

« Le bonheur, tout le monde le possède, on nous l’a donnée comme un don lorsque nous étions petits. C’est un cadeau si beau que nous l’avons caché, comme les chiens avec leur bout d’os. Plusieurs d’entre nous l’ont tellement bien caché qu’ils ne souviennent même plus où ils auraient pu le mettre… Mais nous possédons tous le bonheur ! Regardez partout, dans les profondeurs de votre âme, sous votre tapis, dans les tiroirs de vos commodes… Nous devons sans cesse penser au bonheur, même si le bonheur, lui, oublie de penser à nous. Nous nous devons de ne jamais le perdre de vue jusqu’au dernier jour de notre vie. Ne pas avoir peur de la mort, oui, vous savez il est plus risqué de naître que de décéder »

Ici pour les italiens -sans sous-titres- le discours complet :

Faire rire ou pleurer, c’est la chose la plus belle au monde. Credo de Roberto, il ne lésine jamais sur le burlesque comme moyen de transmission avec le public.

Quand Night on Earth de Jim Jarmush sort en 1991, le rital nous offre une scène qu’il marque au fer dans le monde de l’absurdité. Son personnage : un chauffeur de taxi qui confesse à un client, prêtre catholique, ses expériences sexuelles avec une…chèvre.

Mais ce qui définit l’art de Roberto Benigni est incontestablement son film, La Vie est Belle (1998) où il incarne Guido -sûrement l’un des personnages les plus généreux que le cinéma ait pu connaître. Il incarne-là un père juif embarqué dans un camp de concentration avec femme et fils et qui tente alors de protéger son enfant de la réalité des camps en lui faisant croire que tout est un jeu, tout simplement.

Le film épuise le cœur.

Spéléologue des émotions, Roberto Benigni a ce talent, indissociable, inexplicable. Il a cette capacité de créer une comédie à partir de l’un des évènements les plus tragiques que la condition humaine aie connu : la Shoah. Et de nous rappeler que même si la mort est prédominante, la vie aussi existe et qu’elle se doit d’être levée au-dessus de nos têtes, célébrée, et goûtée sa saveur inestimable.

Ici l’acteur à la cérémonie des oscars en 1999 recevant le prix du meilleur film étranger. Une vidéo de 3’33 où la joie d’un homme traverse le temps et les écrans.

Benigni est de ceux qui pointent le doigt vers la gauche lorsque l’on regarde vers la droite en nous murmurant à l’oreille que dans la vie il n’y a jamais un seul endroit à regarder. Il conclura en vous disant que la beauté peut être créée partout, qu’elle est source d’équilibre car les choses de la vie ne sont jamais totalement obscures.

Ce poète adroit, reflet de Charlie Chaplin, transmet une chose essentielle et complètement banale que tout le monde connaît mais a du mal à exploiter : celle d’aimer. Les gens oublient d’aimer. Et ne pas avoir peur d’aimer est primordiale chez Roberto Benigni.

Dans son dernier film Le Tigre et la neige (2005), un conte en pleine guerre d’Irak, l’acteur prolifique rallume incontestablement la flamme laissée 15 ans auparavant par Robin Williams dans Le Cercle des Poètes Disparus. Une ode au bonheur, aux rires qui volent en éclats et à la naïveté sincère.

C’est un vivant qui ressuscite les morts, un transmetteur de culture et de philosophie par le biais de ses arts, du cinéma au théâtre et à l’éloquence. Un relayeur de sentiment, un amoureux de l’amour, un cabotin de génie.

Alors oui, il faut aimer Roberto Benigni. Ou du moins savoir qu’il existe.

Matteo est sur Instagram @matteoveca