De Paris Yearbook : le skate en 365 pages
Arts, Lifestyle - 26.10.2017
Le skate c’est partout, toute l’année, et répertorié en image dans un très beau livre, le De Paris Yearbook.
365 pages – 3 Villes – Plus de 260 skateurs du monde entier – 58 photographes – 45€. Depuis 2013 ce projet unique publie des centaines de photographes de la scène skate à travers le monde. Pour cette quatrième édition Paris, Londres et Berlin ont fusionné: De Paris, Of London et Aus Berlin, le triptyque explore une certaine réalité des scènes européennes et a ainsi été documenté une année de plus par les photographes qui la font vivre.
Le lancement c’est ce soir chez OFR 18h-21h (be there!) avec projection vidéo et expo des tirages (jusqu’au 30/10). Pour mieux comprendre ce que représente la sortie de ce livre dans la scène skate Thomas Busutill, fondateur de ce bel et ambitieux projet:
Salut Thomas, qui es-tu ?
Je suis le rédacteur en Chef et fondateur du projet De Paris Yearbook, associé à Stephane Borgne qui est le managing director avec qui nous avons la maison d’édition DPY. J’ai travaillé dans la photo et pour différents magazines avant de lancer ce projet dont c’est maintenant la cinquième année.
« Nous avons privilégié le temps long et choisit d’explorer une vue d’ensemble ».
De Paris documente un an de skate à Paris, à quel besoin cela répond-il ?
Sur ce projet, nous avons voulu prendre le contrepied de ce qui se faisait déjà, loin des formats trop traditionnels et notamment bien inspiré et investit des fanzines. Au moment ou le gros de la presse skate se tourne vers le gratuit, ou leur visibilité se retrouve surtout sur Instagram, nous avons privilégié le temps long et choisit d’explorer une vue d’ensemble.
En utilisant le concept de Yearbook, (exercice très scolaire, dans les mentalités) nous avons voulu nous réapproprier des codes plus institutionnels et essayer de faire entrer le skateboard dans cette dimension: quitter l’instant présent et créer une histoire. L’histoire en question se déroule le temps d’une année, dans un endroit donné. Nous souhaitons ainsi sortir de la description de la performance pure, pour écrire et décrire un bout de vie de chacun, à mesure d’une exploration citadine et de son évolution au fil des années.
Le tout est compilé, retravaillé et nous permet d’avoir une image de la ville et de ses acteurs à un moment donné. Cela répond aussi au besoin de vouloir documenter et pouvoir se rappeler comment étaient les choses. Permettre une nostalgie que l’internet ne véhicule pas et que les magazines, plus éphémères en terme de conservation, n’arrivent pas toujours à atteindre/
Là c’est à Paris, tu édites aussi des Yearbooks pour Londres et Berlin, mais, en soit, ça pourrait être partout, non ?
C’est justement le concept. Le sujet est déclinable dans le temps, et l’espace , sans pour autant perdre de son intérêt ou de sa substance. Cette année nous avons décidé de rassembler les trois villes ( Paris Londres et Berlin) dans un seul livre de 365 pages et de permettre d’avoir un oeil sur les similitudes et différences entre ces trois villes et leurs scène, afin de permettre une sorte de dialogue, sur l’utilisations des différentes typologies d’architecture et du rapport au jeu..
L’autre intérêt est qu’il est aussi déclinable sur d’autre sujets. Nous avons cette année également sorti De Biarritz Yearbook, qui documente ce qu’il se passe dans la scène surf, sur les côtes basques et landaises. C’est donc un concept déclinable quasiment à l’infini, dans le temps, l’espace et sur différents sujets, en print, sur les expositions, en vidéo et sur le web. Il permet d’explorer le sujet et d’avoir une vision à 360 degrés
« Avec DPY on souhaite permettre une compréhension de l’esthétique skate autour de la production d’images ».
La scène skate n’est pas ultra médiatisée pour ceux qui n’en font pas partie. Est-ce un moyen de la mettre davantage en avant ?
Le skateboard en lui-même est très médiatisé, ou plutôt récupéré et réutilisé. Il est repris comme élément de tendance, comme marqueur temporel d’une certaine génération et époque -souvent également associé a certains styles vestimentaires. Il est cependant souvent utilisé sans vraiment respecter les codes que nous suivons.
Ça n’a l’air de rien, mais les images amateurs sont souvent produites avec une exigence quasi professionnelle, souvent réalisées sans moyens. Les photographes et réal de skate, travaillent de façon intuitive, avec une envie de ne pas refaire ce qui à deja été fait de pousser vers la nouveauté.
Avec DPY on souhaite permettre une compréhension de l’esthétique skate autour de la production d’images. C’est ce que nous cherchons en choisissant un medium perenne et qui puisse établir un lien avec un public plus large. Parler d’une certaine actualité avec du recul, et mettre en avant ceux qui font avancer cette sous-culture urbaine est une façon pour nous de la mettre en lumière, et surtout de ne pas déservir notre propos et notre communauté.
Les photos publiées dans le livre sont-elles des commandes ou des submissions de différents skateurs autour de toi ?
Certaines des commandes, d’autres sont celles de photographes qui vivent et documentent les sessions à l’année, d’autres encore sont de photographes étrangers qui passent par ici et que je contacte lors de leur passage. Ces dernières années nous avons produit des portfolios avec plusieurs photographes comme Max Verret, Pierre Prospero, Thibault Le Nours, Nikwen, Marcel Veldman entre autres.
Nous travaillons avec plus de 150 photographes ainsi que les caméramans et des créatifs issus d’une 20aine de pays différents.
Chacun a son influence et lorsque leur vision, ou leur art, croise le chemin de notre projet et rentre dans notre nomenclature ça donne des choses suprenantes.
Il s’agit ensuite de les éditer, afin que les photos puissent se répondre au fil des pages et ainsi, au fil des livres, marquer l’évolution et la diversité. 95% des photos du livre sont exclusivement publiées chez nous, et ne sont jamais sorties sur internet ou dans d’autres magazines.
Le lancement du Yearbook implique donc bien sûr la photo mais aussi la vidéo avec la projection de Metrospective , quelle place occupe l’image dans la culture skate ?
Notre axe principal est le print, mais nous ne diffusons pas le contenu du livre sur internet. La vidéo est un bon moyen de diffusion et de faire écho à ce que nous racontons dans le livre car certaines des figures et des sessions font partie du livre ET de la vidéo.
C’est aussi une possibilité de plus d’aller chercher une esthétique et de la développer en dehors du papier. La vidéo, à l’heure des réseaux sociaux, a une importance primordiale… et nous sommes maintenant submergés de contenu. Ça enrichit énormément la pratique de façon technique et explorative mais ça va presque trop vite, et il devient parfois difficile de travailler des projets à plus long terme. On a généralement souvent du mal à prendre son temps…
« Pour moi, ce qui compte le plus pour le futur c’est que le skateboard garde son essence »
L’idée du Yearbook permet aussi de témoigner de l’évolution de la scène au fil des années. Tu dirais que c’est une culture qui évolue rapidement -comme tout le reste- ou au contraire qu’elle est intègre et reste fidèle à son essence ?
Tout évolue très rapidement, mais les grandes tendances restent. L’aspect interaction sociale avec le reste de la ville et des gens qui y habitent permet de garder un ancrage dans le réel et une certaine fidélité à des valeurs d’ouvertures liées aux rencontres induites par le fait de rester dans la rue.
Ensuite la toute puissance des réseaux sociaux, l’arrivée des JO, l’évolution des media qui distribuent l’information qui nous intéresse changent aussi la donne, et tout le monde essaie de s’adapter.
Pour moi, ce qui compte le plus pour le futur c’est que le skateboard garde son essence. Il faut qu’il continue d’y avoir des gens qui créent leur contenu et leurs images, sans forcément savoir quelle sera leur utilisation derrière, sans objectif intéressé. Qu’ils soient capable de continuer de pousser ce qui a toujours caractérisé le skateboard et qui nous a différencié des autres sports et cultures: la création de contenu intuitive, parfois presque naïve. Qui permet d’explorer de nouveaux champs. La créativité reste, je pense, l’essence et la composante la plus importante du skate.
De Paris Yearbook, disponible dans une sélection de librairies, skateshops et concept stores. La liste complète ici.