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CHRONIQUES DE TABLE par Adraste – PAPILLON – N°10

PAPILLON

RESTAURANT PAPILLON – 8, rue Meissonnier (PARIS 17)

Ce soir, je me rends chez l’un des chefs les plus talentueux de sa génération : Christophe Saintagne. Enfant chéri de Mr Ducasse, il fut 3 étoiles au Plaza et au Meurice donc cela pèse. Dans la vraie vie, l’homme est rock, drôle et a une vraie vision. Le lieu est économiquement bien pensé avec ses 70 couverts. Ménageant une vue discrète sur la cuisine, la salle ouverte sur la ville est très agréable et le service avenant. L’épicerie attenante, le Garde-Manger, est tenue par la femme du chef. Une association plaisante, un poil surannée. Monsieur aux fourneaux et Madame à l’épicerie. A première vue donc, tout est parfait. Je décèle même un côté nordique et décontracté dans l’intention.

Résultat : les vins sont bons mais les plats m’interrogent. Le saumon fumé, le saint pierre et le gâteau au chocolat sont dingues mais le cochon, l’aïoli et le fromage ne sont pas au niveau du reste. On ne peut pas dire que ce soit mauvais, simplement lorsque le chef s’attaque au canaille, quelque chose ne fonctionne pas. Gustativement et même visuellement. Malgré moi, j’arrive difficilement à venir à bout de ce cochon fermier un peu fade et sans véritable gourmandise. L’aïoli se veut gastro mais c’est trop propret. En fin de repas, le fromage arrive en force : 6 morceaux mais aucun digne de ce nom. Un seul, vraiment sourcé, eût été plus efficace. Je ne veux pas lui trouver d’excuse mais je pense que ce chef passé maître dans l’art de tout transformer en mode étoilé dans un restaurant gastronomique ne sait pas faire ces plats de bistronomie. De là à vous dire qu’il sont décevants ? Quand même pas. D’autant que pour le prix et le lieu avec un chef présent en salle, dans l’échange avec les clients, on est vraiment dans une belle affaire.

Après le dernier palmarès du Michelin, le positionnement de Christophe fait réfléchir. Bien sûr, comme tout passionné de gastronomie, j’aime à disserter sur les critères pour mériter ou non les fameux macarons. Ici, la question se pose avec intérêt. Car ce multi-étoilé, protégé du maitre es étoile, vous le dira en off : il ne veut aucune distinction. Mais à bien y regarder, ce chef sait-il faire autre chose que des assiettes conçues pour les étoiles ? Christophe ! Papa fait du bistrot chez Benoit et du gastro au plaza ! On en revient toujours au problème d’appellation d’un lieu. Cela donne une direction. Et un bistrot doit nous amener dans le canaille. Or là, on est dans un restaurant certes décontracté, accessible, mais quoiqu’on en dise gastro. Cela fonctionne d’ailleurs à merveille avec le poisson. Pour le reste, c’est moins sûr. Christophe, vous êtes un talent de la gastronomie mais en tant que restaurateur, pour pouvoir dire fièrement je ne veux pas d’étoile au Michelin, je veux donner ma vision de gastro accessible, vous devez encore préciser votre geste. Vous nous donnerez encore plus de plaisir et vos origines Normandes seront peut-être encore plus assumées dans vos plats. Sûr qu’après cela, cher Christophe, courir chez vous sera un besoin vital.

Retrouvez toutes mes chroniques :

N°9 – Passerini

N°8 – Le 21

N°7 – Severo

N°6 – De La Critique Gastronomique

N°5 – Takara

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N°3 – Le Train Bleu

N°2 – Faggio

N°1 – Champeaux

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