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Le Joker, l’anti-héros au charme horrifique

De son vrai nom Jack Napier, le Joker est devenu aujourd’hui un personnage incontournable. Méchant badass, zouave du grand écran, l’histrion démoniaque du 21ème siècle est un protagoniste bankable et soumis à de nombreuses interprétations. Décryptage des acteurs de cet auguste tragique.

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Kitsch et guignol chez Romero

Créé par Bob Kane, père de Batman, Bill Finger et Jerry Robinson dans les années 40, son premier rôle remarquable est interprété par Cesar Romero.

C’est en 1966 dans la série éponyme Batman de Leslie H.Martinson, que Cesar devient une référence de la pop culture. Un Joker hystérique et maladroit, loin de son image sadique du comic, qui pour le coup ressemble plus à un clown de cirque qu’à un sociopathe. Il sera néanmoins le précurseur du fameux rire sarcastique du personnage. La petite anecdote : sa moustache, qu’il tenait absolument à garder malgré la demande des producteurs. Un air grotesque qui résonne comme sa marque de fabrique, évoquant davantage Chaplin qu’un tueur enragé. Romero, premier hipster du cinéma.

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L’étrange Noël de Mr. Jack

C’est Jack Nicholson, l’illuminé Jack Torrance de Shining, qui reprend le costume du Prince du Crime en 1989, sous la direction de Tim Burton.

L’univers glauque mais poétique du réalisateur transforme Gotham en un véritable cimetière industriel gothique, très proche de son apparence dans les comics. Ainsi, il n’est pas étonnant d’observer un Joker bien plus sombre, les yeux injectés de sang et la figure barbouillée de maquillage. L’ennemi juré de Batman ne fait plus rire. Il suscite la cruauté, l’horreur, le machiavélisme. Les mimiques rapides des sourcils et le sourire interminable de Nicholson transpirent la démence du protagoniste, narcissique comme jamais. Son jeu paraît écervelé, cynique, et traduit impeccablement la violence de Mister J.

Son ambition est démesurée, et vaincre Batman n’est plus sa priorité. Un Joker obsédé par le culte de son image, symbolisée par la représentation pitoyable de la société de Gotham, qui l’accueille violemment comme un Dieu de la mort. Une ville en perte d’identité, soumise à la mafia, les crimes par intérêt et guidée par la vengeance. Celle d’un clown arbitraire, impitoyable, qui nous prépare à la quintessence même du sadisme de son prochain interprète. Si Jack était Noël, Heath sera Halloween.

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Rest in Pea(th)

Et puis le 7ème jour, Heath Ledger interpréta le Joker. Une annonce quasi biblique. Acclamé par le public, salué par la critique, l’australien transcende le rôle à sa manière. Ironie du sort, son dernier film (il décèdera pendant le tournage de L’Imaginarium du Docteur Parnassus) fait écho à ses débuts en tant qu’acteur, dans un long intitulé “Clowning Around“.

L’histoire est aussi tragique que le personnage. Heath passe un mois entier dans une chambre d’hôtel, isolé et déterminé à s’emparer de l’esprit détraqué du Joker. Son seul compagnon est un journal intime, dans lequel il converse avec lui-même. Il note scrupuleusement le moindre de ses actes, fait part de ses ressentis et détaille sa démarche de métamorphose. Sa logique est plutôt simple : pour assimiler l’esprit d’un sociopathe, il faut le devenir.

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Sur le plateau, l’équipe de tournage évoque des moments de folie, durant lesquels l’acteur semblait possédé par son rôle. Incapable de se calmer, les techniciens sont parfois obligés de l’atténuer par la force. Une plongée en enfer vers la schizophrénie, qui prendra tout son sens à la fin du calepin. Deux mots, qui concluront son funeste carnet, résonnant aujourd’hui comme un avertissement avant ce déplorable 22 janvier 2008 : “Bye bye”.

Son pitre sociopathe, tueur en série sans empathie au rire marmoréen, expédie un Batman affaibli et torturé au second plan. Le héros de The Dark Knight, c’est le super vilain. Résultat : 5ème succès mondial des films de super-héros, devancé de nos jours par son grand frère Rises et les tsunamis Marvel (Avengers 1 & 2, Iron Man 3) pour un bénéfice de 1,4 milliards de dollars. Christopher Nolan a de quoi sécher ses larmes, il devient l’incarnation des blockbusters intelligents et des castings 4 étoiles.

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Quand à Heath Ledger, il recevra un Oscar à titre posthume en 2009, comme preuve de son dévouement à la cause du cinéma, une déclaration d’amour à la tragédie. Il reste aujourd’hui, aux côtés de Peter Finch, le seul acteur au monde à capter cette récompense une fois disparu. Un génie submergé par la folie, pris à jamais dans l’illusion de son autrui fictif. Une situation qui nous évoque étrangement un méchant au gloussement pernicieux de l’univers DC Comics.

Le Joker de 2016 : Perdu entre Eddie Izzard et Lil Wayne

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Jared, le Multiface

Rarement un rôle aura généré autant de pression et de médiatisation pour un méchant du cinéma. Heath Ledger ayant créé une aura populaire et emblématique sous le costume de Jack The White, seul un acteur au parcours aussi atypique que Jared Leto semblait tailler pour reprendre la cravate de l’énergumène.

Chanteur à la voix puissante et mélancolique au sein de 30 Seconds To Mars, Bartholomew Cubbins de son surnom est un homme aux multiples talents. Chanteur donc, mais aussi compositeur, producteur, mannequin, égérie, et acteur. Activité qui lui réussit relativement bien depuis Requiem For A Dream. Sa filmographie paraît irréelle pour ce jeune quarantenaire, constituée de longs-métrages cultes (La Ligne Rouge, Fight Club, American Psycho), de grosses productions hollywoodiennes (Panic Room, Alexandre, Lord Of War), d’OVNIs scénaristiques (Highway, Mr Nobody) et du génial Dallas Buyers Club. Le film lui vaudra l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle. Une consécration pour ce spécialiste du second plan au grand écran.


L’influence des comics

Le burlesque bad boy apparaîtra à l’écran en 2016, dans le film Suicide Squad de David Ayer (End Of Watch, Sabotage, Fury). Jared Leto s’inspire pour son jeu, de deux comics profondément troublants, de par leur noirceur et l’ingéniosité de leur Joker, d’une intelligence phénoménale: “The Dark Knight Returns” de Frank Miller et “The Killing Joke” d’Alan Moore.

Ce mélange transforme la gueule de l’acteur de façon surprenante. Cheveux plaqués teintés d’un vert émeraude glam-rock, smoking sur-mesure aux couleurs excentriques, teint blafard et sourire à rallonge en demi-teinte, qu’arrive-t-il à Mr. J ? Une réinterprétation qui a l’audace d’être innovante et osée. Souhaitons que la facette bling-bling et superproduction hollywoodienne de l’industrie DC ne tarira pas l’image machiavélique de l’ennemi juré de Batman.

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Marvel et DC Comics : Une guerre mainstream et mythologique

Concernant les antagonistes de la Justice League, l’objectif business est délicat et indispensable. Celui de concurrencer l’écurie Marvel, dont les Avengers et leur propre équipe de super-vilains, les Sinister Six, aperçue dans la scène bonus d’Amazing Spider-Man 2. A savoir qu’en ce moment même, Avengers 2 : l’Ere d’Ultron ravage tout sur son passage. Néanmoins, quand on jette un coup d’oeil au casting, le film de super-vilain se révèle attractif. Will Smith (Deadshot), Joel Kinnaman (Rick Flagg), Viola Davis (Amanda Waller) et Adewale Akinnuoye-Agbaje (Killer Croc). Du côté des stars montantes, on retrouvera Cara Delevingne (L’Enchanteresse), Margot Robbie (Harley Quinn) et Jai Courtney (Captain Boomerang). Le trailer, récemment dévoilé lors de la Comic-Con, est désormais disponible en ligne.

Derrière cette bande-annonce sombre, intrigante, à l’atmosphère particulièrement glaciale, notre Joker se permet une courte apparition. Le temps d’observer son magnifique sourire, angoissant (et c’est tant mieux). Et puis on entend une phrase, qui semble s’extraire naturellement de la démence du personnage: “Je ne vais pas te tuer, non. Je vais juste te faire vraiment très, très mal.”
Quelques mots, un sourire malsain et des mimiques qui présagent un Jared Leto dévoué à son rôle. Une situation bien flippante quand on sait que l’équipe du film a engagé un psy, afin de protéger les acteurs de leur rôle. Un bon coup marketing me direz-vous, mais quid de la rumeur disant que Jared a volontairement offert à ses collègues un rat vivant et un cochon mort. Imprégné dans son personnage ? Pleinement. Et dangereusement. C’est ce qui fait tout le charme de ce sempiternel clown, et qui vantera au fil des ans son histoire, morbide mais tellement admirable.

Il faudra néanmoins patienter jusqu’au 17 août 2016 pour confirmer lors de la sortie de Suicide Squad, si oui ou non, le Joker est devenu un thug. En attendant de découvrir une éventuelle bande annonce, on vous laisse juger de l’apparence du bonhomme et de son crew, sur ces premiers clichés du tournage:

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Par @Drounix