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Rencontre avec Rémi Babinet

Président et membre fondateur de la plus française des agences françaises, Rémi Babinet nous a reçu sur le bateau BETC lors du mythique festival des Cannes Lions. Il revient sur sa fonction de président du jury presse, l’installation de l’agence à São Paulo et nous donne son avis sur l’état de l’industrie publicitaire aujourd’hui.

 

Que pensez-vous de votre expérience en tant que président du jury « Press » au festival Cannes Lions cette année ?

 

Beaucoup de travail ! Il ne faut pas dormir une minute et rester concentré pendant de très longues journées, de 8 h et demi du matin à 2 h et demi du matin, pendant 5 jours. Mais c’est très excitant de voir toute  la production mondiale d’une année, 5000 pièces à juger, avec des personnes du monde entier. A l’arrivée, le palmarès est remarquable. Je crois qu’il n’y a jamais eu autant de pays différents représentés dans un palmarès. C’est assez nouveau à Cannes, car historiquement il y a les Anglais, les Américains, les Sud-Américains, ce qui représente finalement très peu de pays ! Cette année, de nouveaux pays apparaissent : les Emirats Arabes-Unis, la Turquie, le Pérou. C’est très intéressant !

 

En 2011 naissait BETC Londres, aujourd’hui BETC São Paulo existe. Le Brésil est un pays qui a des caractéristiques propres (forte présence sur les réseaux sociaux, intérêt certain pour la Télévision). Quels vont être les ajustements à faire pour s’adapter à ce milieu particulier ?

 

Nous avons pris le parti d’engager des personnes très fortes là-bas, très connues et implantées dans le milieu de la publicité au Brésil. Il n’y a donc pas d’ajustements à proprement dit à faire. En ce sens c’est très différent du cas de figure où on arrive comme des « frenchies » au Brésil et que l’on découvre le pays et ses coutumes.

On avait déjà procédé comme ça à Londres, avec des « locaux », et ça avait parfaitement fonctionné. Je ne vois pas d’autre moyen de s’implanter dans un pays. C’est un peu comme si vous imaginiez deux Chinois ou deux Turcs ouvrir une agence à Paris, c’est impossible !

 

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Du coup ça sera davantage de la publicité Brésilienne à la Française, ou de la publicité Française à la Brésilienne ?

 

C’est vrai qu’on nous connaît pour notre « French Touch », mais ça concerne uniquement nos gros clients Français (Air France, Evian). Avant tout, nous désirons entrer sur le marché Brésilien, pour ça on pourra compter sur leur créativité, semblable à celle de BETC. Mais nous voulons aussi avoir une dimension internationale, qui déborde largement l’aspect Français ou Brésilien.

En France aussi BETC déménage. En 2015, l’agence posera ses valises dans le Nord-Est Parisien, à Pantin. C’est toujours aussi important pour vous de soutenir le « Grand Paris » ? Est-ce un moyen pour vous de donner le coup d’envoi ?

 

Pour moi c’est très important. Paris est selon moi les deux pieds dans le même sabot ces temps-ci, rien ne bouge.  C’est important que l’on fasse savoir au monde entier que Paris n’a plus les mêmes limites et a changé de taille. Cela va aider la France à être perçue comme un pays innovant. Notre problème actuellement  est que les étrangers enferment Paris dans une image idyllique souvent fausse. Ce n’est pas uniquement une ville où on va passer son voyage de noce ! La ville se retrouve alors congelée, fossilisée sous une forme de carte postale. Elle est la plus belle ville du monde… parce qu’elle ne bouge jamais, c’est très dangereux !

 

Aller à Pantin, c’est soutenir ce mouvement de décloisonnement.

 

Vous avez dit l’année dernière : « la simplicité c’est quelque chose de difficile à atteindre ». Pourquoi ? Parce que les gens sont devenus compliqués ou bien parce que faire quelque chose de simple à toujours été compliqué par nature ?

 

Les gens ont toujours été compliqués ! Ca me rappelle d’ailleurs une phrase que j’aime beaucoup : « Je n’ai pas eu le loisir de faire plus court» (phrase de Pascal, NDLR). Avant même la publicité, la simplicité a été quelque chose de difficilement atteignable. Faire simple, synthétique, c’est beaucoup de travail. Finalement, c’est dire la même chose, mais en beaucoup plus court. C’est ça la publicité ! Nous sommes les champions du « court ».

Aujourd’hui, dans un environnement où tout est compliqué, avec beaucoup d’informations, de formes, ce savoir-faire est au centre de beaucoup d’industries. Prenons l’exemple d’Hollywood, qui est actuellement une industrie en crise, à cause de l’arrivée de nouveaux concurrents, mais surtout à cause du format. Les films produits aujourd’hui sont trop longs ! Un peu à l’image des albums, qui étaient à l’époque des supports trop longs, et ont été raccourcis radicalement pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation.

Nous savons faire court, et c’est en-cela que nous serons au centre de ce reformatage. Regardez les histoires Evian ou Lacoste : en une minute, nous arrivons à produire ce qui s’apparente à des grands films de cinéma. En ceci je pense que nous pourrons être un point de jonction entre les industries sur le déclin et les marques. Il y a énormément à faire, et beaucoup de mutations à venir.

 

On l’a vu cette année notamment. Vous avez décidé de récompenser la simplicité pour le grand prix « Press ». (Victoire de la campagne presse d’Harvey Nichols). Présider le jury presse, c’est aussi un moyen de juger l’expertise publicitaire pure ?

 

Effectivement, on perd un peu les pédales de nos jours, avec l’arrivée de nouvelles innovations technologiques qui changent progressivement notre rapport à la publicité. On ne sait plus vraiment si on récompense des campagnes publicitaires innovantes, ou tout simplement des avancées technologiques ! On en oublie le métier de publicitaire. Alors qu’en presse on peut juger de l’inventivité de la campagne.