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Interview Acid Arab

Par Fanny Menceur – Photo Nolwenn Brod

(Republication de l’entretien accordé à STANDARD N°40 en octobre 2013)

 

GUIDO MINISKY & HERVÉ CARVALHO, DA ET DJ RÉSIDENTS DE CHEZ MOUNE, FORMENT LE DUO ACID ARAB, QUI MÉLANGE BEATS ACID ET MÉLODIES DU MOYEN-ORIENT SUR DES VOLUMES NOMMÉS COLLECTIONS.

 

Recette shaker au pH pas neutre : versez une pincée de musique acid, un zeste de techno, des louches de sonorités arabisantes. Agitez, servez frappé : cet étonnant shot d’acid house oriental, qui monte instantanément à la tête pour vriller vos tympans, c’est Acid Arab. À la rencontre des locaux, Guido Minisky et Hervé Carvalho secouent l’ordre géoculturel mondial entre Paris, Chicago, Beyrouth et Istanbul. Ils se défendent en Dj set et espèrent mettre sur pied un vrai live. Après Tel Aviv en octobre, le marchand de sable leur fait rêver d’une tournée au Liban et en Jordanie. Pourquoi ils appellent leurs albums Collections ? « Parce qu’on collecte les morceaux des autres et que c’est un mot international. » Voilà qui leur vaut une bonne place dans notre dossier.

 

La petite histoire derrière votre formation ?

 

Guido Minisky : On était invité à un festival Pop in Djerba l’été 2012 avec Dj Gilb’R [Gilbert Cohen, fondateur du label Sex Schön [remixeur techno des années 90 et qui œuvre aujourd’hui pour la musique à la télé] sans qui le projet n’aurait pas pu se concrétiser. On a notre wishlist pour le volume 2 et un premier accord : le duo suisse Echo 106.

 

Qu’est ce qui vous attire dans cette musique lointaine ?

 

Guido : Les productions orientales sont souvent approximatives, les voix pas parfaites et les sonorités rugueuses. Cette imperfection, qui n’existe plus dans la musique occidentale depuis le milieu des années 70, a un certain charme. Rapprocher la musique orientale de l’acid house nous a paru évident puisque qu’elle vient des ghettos et, d’une certaine manière, le Moyen-Orient c’est le ghetto de l’Occident.

Hervé Carvalho : Sans généraliser, il y a dans bon nombre de morceaux orientaux la même sauvagerie et la même transe que dans la musique acid, que ce soit dans les sonorités, dans la façon d’enregistrer ou dans les structures rythmiques.

 

 

Comment concilier leurs empreintes respectives sans tomber dans la fusion world ?


 

Hervé : En ayant une approche aussi radicale que possible. L’idée est de constamment retrouver une nouvelle sonorité. Le gros tube joué dans les mariages n’est pas notre truc. Musicalement, on a déjà pas mal voyagé en un an. Au début, on était fou de musique turque grâce à Bariska, un Dj d’Istanbul qui a remixé des morceaux de son répertoire traditionnel. Ça nous a donné envie de faire pareil.

Guido : On a réalisé qu’il y avait des structures rythmiques dont on n’avait jamais entendu parler. En ce moment je suis à fond sur la musique libanaise, nord africaine, israélienne et grecque. On tourne mais en concentrant notre attention sur certaines régions, non pas que le reste ne nous intéresse pas, mais parce qu’on veut une production précise.

 

Comment dénichez vous les morceaux ?


 

Hervé : Le meilleur moyen a été de créer un groupe participatif sur Facebook. Les premières semaines, on a eu jusqu’à cinquante posts de proposition par jour, d’un peu partout dans le monde. Là, ça tourne entre deux et dix.

Guido : Et par la recherche de disques, comme on l’a toujours fait en tant que Dj, même si c’est plus difficile. La rencontre avec Victor Kiswell, un dealer de disque spécialisé dans la world et le jazz [Paris 9e], a été formatrice. En Tunisie, il était impossible de trouver une boutique de vinyle, ils n’ont pas ces notions de vintage. Une fois, un vendeur a été vexé : « On est passé au CD ! Ce n’est pas le désert ici ! » On s’est rendu dans une radio locale pour demander où en trouver, on a obtenu le contact de Slimane, un musicologue de Tunis.

Hervé : On a passé l’après-midi chez lui et il nous a donné un cours magistral. Slimane élabore un solfège rythmique et harmonique destiné à la musique orientale. Il lutte contre le colonialisme intellectuel en somme.

 

GUIDO MINISKY « RAPPROCHER LA MUSIQUE ORIENTALE DE L’ACID HOUSE APPARAÎT ÉVIDENT. ELLE VIENT DES GHETTOS ET, D’UNE CERTAINE MANIÈRE, LE MOYEN-ORIENT EST LE GHETTO DE L’OCCIDENT. »

 

Le remix Shift Al Mani du Syrien Omar Souleyman est très bon. Comment l’avez-vous obtenu ?


 

Hervé : Crackboy a remixé ce morceau et nous l’a offert. Il a été l’un des premiers collaborateurs. C’est le titre fondateur du projet, un tube qui rend fou à chaque fois qu’on le joue.

Guido : On a invité Omar Souleyman à la soirée Versatile à la Gaîté Lyrique [12 avril 2013] pour lui faire écouter. Au début, il était dubitatif, il ne reconnaissait pas sa voix. Crackboy avait baissé la tonalité. Finalement je crois qu’il a aimé. En tout cas, une collaboration avec lui serait fantastique.

 

Vous avez envie d’explorer d’avantage la culture arabe ?


 

Guido : Seule la musique m’intéresse. Et encore, pas tout. Par exemple, je ne suis pas fan d’Oum Kalthoum. De la même manière qu’un Américain qui s’intéresse à la musique française risque d’être saoulé s’il n’écoute que Jacques Brel. C’est plus l’envie d’intégrer des instruments originaux et des productions différentes que de découvrir une nouvelle culture au sens large.

Hervé : Moi, c’est différent. J’ai des amis dans le sud du Maroc et j’apprends l’arabe dialectique depuis un an. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une révélation, mais pour des raisons personnelles, cette culture m’entoure naturellement et j’ai envie de continuer à apprendre.

 

Si Acid Arab Collections était une bande originale ?

 

Guido : Un film sur un printemps arabe à venir !

Hervé : Sauf que cette fois, ce serait une révolution populaire où résonneraient un vrai slogan libérateur et rien qui ne soit fomenté par les islamistes ou les décideurs occidentaux.

 

Acid Arab
Collections vol. 1 (Versatile)

Le duo fera résonner kasbah et eletcro-house, les :

8 mars au Rocher Palmer, Bordeaux

22 mars au Lieu Unique, Nantes

26 avril à La Machine du Moulin Rouge, Paris