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[POP TALK] Feu ! Chatterton, au feu le poète !


On a bu un diabolo grenadine avec cinq garçons dans le vent.

Feu ! Chatterton : au feu le poète ? 

Pour la petite histoire : il y a très longtemps nous sommes tombés sur un tableau qui était vraiment magnétique, attirant, envoûtant et qui représentait un jeune homme étendu sur un lit dans une chambre de bonne. On voit à travers la fenêtre qu’il s’agit d’une chambre londonienne. Ce jeune homme porte une chemise blanche très échancrée, dans une position voluptueuse, il est très paisible, très gracieux. Il a des cheveux rouges longs, une culotte bleue, on ne sait pas si c’est un homme ou une femme d’ailleurs. Les couleurs sont éclatantes, c’est vraiment envoutant comme tableau. On est resté devant un long moment.

A l’époque, nous avons découvert ce tableau à l’exposition “Mélancolie” au Grand Palais. C’est un thème qui nous parle beaucoup. Encore plus à l’adolescence [ils se sont rencontrés adolescents, ndlr], la nostalgie, la mélancolie, la ville noire : c’est un moteur pour l’écriture, donc pour la musique. En tout cas, chez nous ça a été un grand moteur.

Ce qui est important dans ce tableau, c’est qu’on comprend que le jeune homme est Chatterton. Nous nous sommes renseignés sur lui et il se trouve que c’est un poète qui s’est suicidé à 17 ans (1770) à la suite d’une longue aventure littéraire. Il a écrit un bouquin jeune, et s’est fait passer pour un autre. C’est ce qui a d’ailleurs causé toutes les mésaventures qui l’ont poussé a voir le suicide comme la seule issue possible.
Alors dit comme ça, c’est particulièrement triste et sinistre mais c’est d’abord la beauté de son visage, de son calme qui nous a inspiré, c’est la peinture en elle-même plus que l’histoire. On n’a même pas lu de vers de Chatterton, c’est pour dire. On aime beaucoup les doubles sens, l’ironie et ce genre de choses : ce qui est assez drôle c’est de se dire que ce poète a traversé les époques d’abord par son image et sa vie -enfin, sa mort plutôt, et non par ses oeuvres. C’est devenu une figure du romantisme pour nous. Gainsbourg en a même fait une chanson “Chatterton suicidé”.
On aime avoir un peu d’humour donc Feu, c’est pour l’expression ancienne qui veut dire : “celui qui est mort” “au feu la reine, au feu le roi”. Et on a rajouté un “!” pour le “feu !” du top départ. Donc dans le même mot, nous avons la mort et la renaissance à la fois.

“La mort de Chatterton” (Tate Modern)

Trois Bataclan archi complets, et un Zénith en janvier, ça fait quel effet ?

C’est cool, ça fait un super objectif pour nous car on n’a jamais fait de scène aussi grande. C’est pas forcément une salle parfaite pour ce que l’on fait, mais c’est un nouvel enjeu, on va essayer de faire quelque chose d’assez différent.
C’est un peu un rêve de gosse, car quand t’es gamin, souvent les premiers concerts que tu vois, c’est au Zénith. On va préparer un spectacle unique, ça ne sera pas un concert comme les autres. On travaille sur quelque chose d’ambitieux, d’un peu fou et à l’image des rêves d’enfants donc allons-y !

Le nouvel album s’appelle L’Oiseleurune passion pour la chasse aux oiseaux ? 

Non ! C’est pas un nom meurtrier ni une passion meurtrière, mais on aime déplumer le poulet et le farcir aussi…(ahah) !
Ce qui nous plait dans ce mot-là, c’est que c’est un métier qui n’existe plus vraiment, ça pourrait être comme une carte de tarot. Dans le mot il y a déjà quelque chose de mystique : il a l’oiseau, mais aussi un peu la fonction étrange de celui qui est oiseleur.
Rien de prédateur ou de malveillant, pour nous les oiseaux qui traversent le disques, sont des souvenirs, des beaux moments de vie, qui, de toutes façons, disparaîtraient si on n’arrivait pas à les capturer. Les filets des oiseaux sont nos chansons. C’est beau, hein, ahah.

Si, comme Balavoine vous aimeriez bien être un oiseau, ça serait lequel ? 

Un pigeon, et le roi des pigeon parisien. Pour moi [Arthur] forcément, un diamant de Gould, car j’ai chez moi deux petits oiseaux d’Australie, qui sont malheureusement né en captivité, je les ai sortis de l’oisellerie, mais on ne peut pas les remettre en liberté comme ça, sinon ils meurent. Ce sont de tous petits oiseaux très très colorés et j’essaie de communiquer avec eux. D’abord il y a eu Barbara de Gould.. (pow pow pow) et Glenn, son mari, ils sont bien ensemble, et je vais faire une cérémonie bientôt. Puis deux Colibris pour la section rythmique : basse et batterie, apparement entre eux il y a souvent quelque chose de fusionnel…

Votre style est très affirmé autant musicalement que vestimentairement : vous achetez où vos fringues ? 

Ah c’est marrant ça ! Fripe, fripe, fripe ! Beaucoup de récup’ aussi. On a un ami qui, à l’époque, nous avait filé pleins de fringue, de grosses chemises à fleurs qui datent des années 70. Mais on récupère aussi pas mal de trucs sur les clips ! Clément a réussit à récupérer le t-shirt vert qu’il porte dans le clip de l’oiseau, il ne le quitte plus !

Un groupe de musique avec qui vous aimeriez faire un Feat. ? 

En Français ou pas forcément ? Radiohead ? Ouais Radiohead ! Ou James Murphy. Mais pourquoi pas travailler avec PNL, voir comment ils bossent, si il peut se passer un truc, ça serait intéressant. Peut être plus avec le producteur de PNL dans ce cas. C’est excitant !

Une collaboration au ciné ? 

Carrément ! On est hyper chaud. Tout de suite on pense à Wes Anderson, c’est totalement notre univers, mais aussi Paul Thomas Anderson !
En français, un Audiard, ou même un Christophe Honoré ; plus classique et plus réaliste. Secrètement, on ferait bien la B.O. d’un film qui est déjà fini, on le projette en studio, et on improvise directement dessus.
Il y a plein de moments où on répète, on improvise des choses et on se dit que c’est vachement cinématographique. C’est comme ça quand on fait de la musique : on ne parle pas en note, ou en harmonie, ou en accord mais on parle en image : “Attends là, ça serait cool que ça soit plus brumeux, ou plus poussiéreux, ou bien métallique, rouge”. On conçoit nos chansons, surtout celles du deuxième album, un peu comme des petits films. On essaie le plus possible que ce soit évocateur comme une image peut l’être. D’ailleurs si un réalisateur lit cette article, on le redit, on est chaud !

Un concert de chanteur mort auquel vous auriez aimé assister ? 

James Brown, Johnny Cash, Jeff Buckley, Bob Marley à ses débuts, Nirvana, les Beatles jeunes dans leur club à Hambourg, les Pink Floyd (même si certains sont encore vivants, donc on ne les ressusciterait pas vraiment), Miles Davis, Mozart à 4 ans, Beethoven. Enfin, tous en fait ! Ah oui et on n’oublie pas Bowie dans les années 70. Aujourd’hui, on a moins de plaisir à aller voir des gens vivants.

Un groupe que vous avez un peu la honte d’aimer ? 

Mylène Farmer pour le bassiste. Et Francis Cabrel pour le claviériste.

Dernier coup de coeur musical ? 

Catastrophe, grand groupe français, l’album est super cool.

Vous pensez quoi de la chanson française aujourd’hui ? 

Jul c’est pas notre genre, mais dans la scène rap il y a pleins de choses cools. C’est là où la chanson française est la plus bandante, la plus audacieuse. Ichon on aime bien par exemple, certaines prod de Myth Syzer aussi et le dernier album de Vald également. Grand Blanc a sorti un titre “Ailleurs” vraiment pas mal aussi.
On a toujours fait de la musique en français. Il y a 10 ans, le discours c’était “Oh c’est bien, mais fff, c’est en français, ça va être compliqué”. Et puis il y a eu un tournant, une vague, où tout le monde s’est mis à faire du français, parce que c’était un peu à la mode et plus décomplexé. Beaucoup de monde chante de plus en plus dans sa langue natale, ce qui est finalement quelque chose de plus naturel. Maintenant, c’est plus poreux entre le rap, la variété, il y a du lien qui se crée, c’est beaucoup moins cloisonné qu’avant. Ah oui aussi Flavien Berger avec son dernier titre “Brutalisme”, merci, on avait oublié !

A noter :  tout l’été on fait plein de festoches, venez !

Photographie : Agathe Rouselle @ag_rou

Sophie Rabreau est sur Instagram @sophierabreau